vendredi 23 février 2024

Adèle-Hélène Babut (1872-1951), professeure agrégée, protestante.

Maison Babut 60 rue Ville Gautier, Le Courtil Etables. Image Google

Une éducation protestante

Hélène Babut (1872-1951) est née le 19 juin 1872 à Nîmes dans le Gard. Son premier prénom était Adèle mais elle se faisait appeler par le second, Hélène.
Sa famille est protestante et son père, Charles-Edouard Babut (1835-1916) est un pasteur de premier plan au XIXe siècle ; par exemple il préside l'ouverture du synode en 1872 et en 1879. Une rue porte son nom à Nîmes.
En 1868, Charles épouse, à Francfort, Hélène Bonnet (1840-1918), fille du pasteur Louis Bonnet (1805-1892), avec qui il aura dix enfants dont Adèle (Hélène) (1872-1951).

Ci-dessous, deux photographies de Charles Babut. La première provient du volume de Sermons choisis qui a été édité en 1913, à l’occasion des cinquante ans de ministère du pasteur. Sur ce cliché, Babut semble avoir environ cinquante ans, ce qui situerait le portrait vers 1885. La deuxième photo a été publiée avec des recueils de sermons posthumes. Elle montre le pasteur vers la fin de sa vie. Ses rouflaquettes ont pris des dimensions impressionnantes" (site dvarim).

C-E Babut, site dvarim

C-E Babut, site dvarim

De brillantes études
Hélène Babut fait de brillantes études et elle est admise cinquième, au niveau national, à l'agrégation des Lettres pour la session de 1899. Son succès est mentionné dans la gazette littéraire La vie Montpelliéraine du 1er octobre 1899. Son frère Ernest est reçu la même année à l'agrégation d'histoire-géographie. Promis à une carrière exceptionnelle (déjà historien, écrivain, professeur à la faculté de Montpellier), il meurt au combat en 1916.


Mlle Babut enseigne comme répétitrice au Lycée de jeunes filles du Havre en septembre 1897.

L'année suivante, elle est nommée au Cours secondaire de jeunes filles de Montpellier à partir du 5 septembre 1898, avant son agrégation, enseigne par la suite au Lycée de jeunes filles de Nîmes à partir de septembre 1906. Elle est nommée Officier de l'Instruction public en 1911 (J.O 17 juillet 1911).

Pour l'année scolaire 1917-1918, Mlle Babut est inscrite sur la liste d'aptitude aux fonctions de professeur dans les lycées de jeunes filles de Paris et de Versailles. Le 21 juillet 1917, elle est nommée au lycée Victor-Duruy à Paris, comme professeur de 4e classe.


Hélène Babut fait valoir ses droits à la retraite à la fin de l'année scolaire 1932-1933. Elle a alors 38 ans 9 mois et 24 jours d'ancienneté de services. Sa pension de retraite lui sera versée à partir du 1er octobre 1933 et elle bénéficie d'une indemnité pour charges de famille (Journal Officiel de la République, lois et décrets, 17 novembre 1933, page 11 569).


Professeure en Bretagne

Mlle Babut arrive en Bretagne après 1933. On ignore encore pourquoi cette implantation en Bretagne : est-ce un projet concerté avec Eleonore Scott qui est également professeur et de confession protestante ? A-t-elle des attaches familiales ?


Les amies : Jeanne Blanc et Eleanore Scott

Fidèle à ses engagements religieux, elle s’inscrit comme membre au Temple protestant de Saint-Brieuc. On retrouve son nom dans les registres de la paroisse où elle figure pour la première fois en 1934. Son nom est mentionné avec ceux de mesdames Scott et Blanc, avec qui elle partage la même adresse : le Courtil à Etables. En 1939, on trouve à cette adresse madame Scott et Mme Scott-Babut. En 1941 : Scott, Scott Marie, Babut et Blanc et en 1942 Babut, Scott, Blanc. Après 1942 Mlles Babut, Scott et Blanc ne sont plus inscrites dans les registres.

A noter que dans le registre de recensement d'Etables en 1936, ci-dessous, on a Jeanne Babut née en 1880, secrétaire, soeur d'Hélène (avec une erreur sur le nom écrit Rabut).

Recensement Etables 1936 Page 34



Adoption

Sur le plan familial, Hélène Babut va adopter une fille, Marie Thuet-Babut née le 30 mai 1920 (Paris 13e) ; elle deviendra institutrice. Plus tard, Marie Thuet-Babut prend le nom de Marie Gugenheim (1920-2011) après son mariage le 30 août 1946 avec Léon Gugenheim (né à Paris 17e le 15 juin 1911). La cérémonie était présidée par le pasteur Barre et le pasteur Henri Whelpton. Le couple aura deux enfants Françoise et Pierre.

Mme Gugenheim était bien connue dans la communauté protestante d’Étables car elle tenait l'harmonium lors des cultes d'été. Dans les années 80, Mme Gugenheim était également engagée dans l'association d'aide au Tiers-monde "Terre des Hommes" ; dans un tout autre registre, elle s'occupait du club de bridge. Marie Gugenheim est décédée le 1er janvier 2011, elle a été incinérée le 18 janvier, jour où s'est déroulé une cérémonie au Temple de Saint-Brieuc. Elle repose au cimetière d'Etables depuis 2011.

Ci-dessous, pour les témoins du mariage de Marie Huet-Scott-Babut avec Léon Gugenheim en 1946, on note les différentes signatures des parents, Eleanor Scott et Adèle Babut, ainsi que celles des pasteurs Barre et Whelpton.


Marie Thuet, institutrice dans les Côtes-du-Nord de 1939 à 1945.

Marie Thuet, dite Scott-Babut, rentre à l’école Normale  de Saint-Brieuc en 1938. Elle y passe son Brevet élémentaire puis son Brevet supérieur en 1941.  

Solveig Hansen (une protestante née en 1916) a connu Marie Gugenheim, née Thuet : "Elle n'était pas encore mariée et elle effectuait sa formation d'institutrice à l’École normale de Saint-Brieuc où j'exerçais comme surveillante à ce moment-là" (Témoignage recueilli le 24 mai 2023). 

Dossier Marie Thuet, dite Scott-Babut. Archives départementales. Série 1T

En 1941, Marie Thuet enseigne à l’école publique d’Étables et d’Hillion en tant que stagiaire.
A la sortie de l’École normale, elle est nommée à Rostrenen en Cours complémentaire au mois d’octobre. L'école est récente puisque le chantier a commencé en 1938.

Le Cours complémentaire de jeunes filles. Rostrenen. 28 mars 1938 Ouest-Eclair

En janvier 1941, après avoir passé son C.A.P, elle est titularisée sur ce même poste où elle reste jusqu’au 30 septembre 1945.

Dossier Marie Thuet, dite Scott-Babut. Archives départementales. Série 1T

Le 15 mai 1945, elle est inspectée dans sa classe à Rostrenen et le rapport d’inspection nous apprend beaucoup de choses sur le poste occupé par Marie Thuet. Elle est chargée d’une partie de l’enseignement littéraire et de l’éducation physique pour les jeunes filles du Cours complémentaire. Les élèves ne sont que trois et se préparent toutes au concours de recrutement des élèves institutrices. L’inspecteur assiste à son exposé adressé aux élèves sur le thème de « La Résistance de l’esprit », d’après « Les cahiers de Londres ». De plus, la jeune institutrice se consacre aux œuvres post scolaires : chorale d’élèves et d’anciens élèves des écoles publiques, association sportive féminine de basket-ball, organisation de fêtes au profit des prisonniers, cantine scolaire, compagnie d’Éclaireuses Neutres Croix d’Or Lorraine, groupe de C.R.F.J (Croix-Rouge de la Jeunesse)… L’appréciation générale de l’inspecteur départemental est élogieuse : « Mlle Thuet est une jeune institutrice intelligente, active et dévouée. Elle a certainement une haute idée de ses fonctions et de son activité dans les œuvres sociales… ».
L’inspecteur d’académie, quant à lui, ne tarit pas d’éloges en juin 1945 au moment où il est amené à donner son avis, à l’Inspecteur d’Académie de Strasbourg, sur la demande de changement de région souhaitée par Marie Thuet : « Mlle Thuet, dite Scott-Babut, a fait preuve dans son service d’une conscience exceptionnelle et d’une réelle distinction d’esprit. Elle enseigne l’anglais et la musique avec beaucoup de goût. Désirant poursuivre ses études dans l’une ou l’autre de ces spécialités, elle souhaiterait avoir un poste à proximité d’un centre d’enseignement supérieur ». L’Inspecteur poursuit en rappelant la difficulté d’être identifiée comme protestante dans une Bretagne catholique, bien qu'enseignant à l'école publique : « Elle n’a pas obtenu à Rostrenen l’aide et la compréhension (Mlle Thuet est protestante) qu’elle était en droit d’espérer. Elle peut rendre de grands services à la cause française en Alsace où son tact, son éducation, son idéalisme enthousiaste, trouveront une meilleure atmosphère. Je souhaite vivement que l’on puisse lui accorder un poste à proximité de Strasbourg qui lui permette de parfaire sa culture et de donner toute la mesure de ses dons, elle le mérite. »

 

Pendant l'Occupation

On peut lire quelques lignes consacrées à une action courageuse de Mlles Scott et Babut dans le livre Etables-sur-Mer, des lieux, des vies au fil du temps. Editions Etables Entre Terre et Mer : « Elles recueillirent la famille Zerna, des Allemands fuyant les persécutions nazies à la fin des années 30. Pour obtenir la nationalité française, Monsieur Zerna s’engagea dans le Légion étrangère. Il trouva la mort lors de l’attaque japonaise des garnisons françaises en Indochine. Son nom figure sur le monument aux morts d’Etables-sur-Mer. »

Effectivement, Fritz Paul ZERNA est né le 10 août 1908 à Berlin en Allemagne. Il s’engage dans l’armée avec la Légion Étrangère. Combattant en Indochine, il décède le 10 mars 1945 à Ha Giang dans l’ex province du Tonkin.
(Sources : Service historique de la Défense, Caen, cote AC 21 P 280321)

Le nom de Zerna sur le Monument aux Morts d'Etables.

En 1948-1949, dans les membres du groupe protestant de Binic-Etables on trouve le nom de Mme Zerna et dans les résultats du bac du 8 juillet 1954 à Saint-Brieuc, Peter Zerna, avant de trouver son nom le 15 juillet 1959 après avoir réussi des examens de physiologie animale à la Faculté de Rennes.


Échanges avec le pasteur Crespin

Dans l'histoire protestante, on sait que Mlle Hélène Babut s'est adressée au pasteur Yves Crespin dans une lettre où elle n'était pas satisfaite de la présence du pasteur à une réunion à Saint-Brieuc où l'invité d'honneur était l'amiral Darlan. Le pasteur lui avait répondu le 21 octobre 1942 dans une longue lettre d'explication qui a été conservée dans les archives du Temple. 

Le pasteur Crespin devait apprécier les idées du père d'Hélène comme l'atteste ce livre du pasteur Charles Babut "Enseigne-nous à prier", La Cause, octobre 1930. La mention "Yves M. Crespin" figure en page de garde de cet ouvrage retrouvé dans la bibliothèque des pasteurs du temple de Saint-Brieuc, .

Enseigne-nous à prier. E-C Babut. La Cause octobre 1930.

Pasteur Yves M. Crespin Saint-Brieuc

 

Disparition des demoiselles Babut, Scott, Blanc

Hélène Babut est décédée le 7 avril 1951 à Bégard à l’âge de 78 ans. Un service dirigé par le pasteur Marquer a eu lieu au Temple d’Étables le 10 avril 1951. Sa disparition est signalée dans la revue Femmes diplômées en 1952. Elle repose au cimetière d'Etables depuis le 19 mai 1956.



Jeanne Blanc, née en 1866, est décédée le 28 septembre 1946 et la cérémonie a eu lieu au cimetière
d’Étables le 30 septembre. L'annonce est parue beaucoup plus tard dans Ouest-France, dans l'édition du 16 octobre 1946.
 

Eleanor Scott, née en 1868 à Paris, est décédée à Étables le 29 mars 1954 et le pasteur Paul Marquer a procédé à la cérémonie d'inhumation au cimetière d’Étables le 31 mars. 

Marie Gugenheim (Marie Thuet-Scott-Babut ), née le 30 mai 1920 dans le 13e arrondissement de Paris, repose au cimetière d’Étables depuis 2011.

14 janvier 2011 Ouest-France

Ci-dessous, trois photos au cimetière d'Etables-sur-Mer (22)




 

Hélène Babut et Eleanor Scott dans la mémoire collective.

"Impasse Eleanor-Scott" et "Impasse Adèle-Babut" sont deux noms qui ont été donnés par le Conseil municipal de la commune de Binic-Etables le 27 avril 2022 pour le lotissement "Les Villas Manoir". Dans sa délibération numéro 13, conduite par Hélène Lutz, le Conseil écrit : "Elles ont toutes les deux été enseignantes dans la commune, Adèle Babut ayant été la première agrégée de France et elles ont rendu des services à la commune en adoptant notamment plusieurs enfants".

Le Conseil municipal a montré un peu trop d'enthousiasme en écrivant qu'Adèle Babut avait été la première agrégée. En effet, les premières femmes agrégées ont été reçues en 1883 (6 en lettres et 6 en sciences). Cette agrégation féminine avait alors été créée, deux ans après la fondation de l'École normale supérieure de jeunes filles (appelée « Sèvres). 

Il reste encore beaucoup à découvrir sur la vie d'Adèle Babut, d'Elenaor Scott et de Jeanne Blanc...

En haut à gauche, localisation des Impasses Scott et Babut à Etables. Image Google




A lire
 
L'histoire de la communauté protestante d’Étables, cliquer ici

 
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Documents d'archives du Temple de Saint-Brieuc
 
10 avril 1951. Cérémonie d'enterrement protestant. Adèle Babut. Archives du Temple

 
31 mars 1954. Cérémonie d'enterrement protestant. Eleanor Scott. Archives du Temple

30 septembre 1946. Cérémonie d'enterrement protestant. Jeanne Blanc. Archives du Temple

31 août 1946. Bénédiction de mariage protestant. Marie Gugenheim. Temple de Saint-Brieuc

 
Sources

Registre des membres du temple de Saint-Brieuc, 1934-1942
 
Registre des décès, archives du temple de Saint-Brieuc.
 
Recensement Etables-sur-Mer 1936 page 34. Archives départementales.
 
La vie Montpelliéraine 1er octobre 1899
 
Publication L'enseignement secondaire des jeunes filles. 1899. 

Site Généanet, Adèle Babut, ici
 
Ouest-France 14 janvier 2011, obsèques Marie Gugenheim 

Biographie Charles Babut, site dvarim, cliquer ici

Biographie d'Ernest-Charles Babut, frère d'Hélène, cliquer ici
 
Compte-rendu du conseil municipal d'Etables-Binic, 2022
 
 
 
 

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