dimanche 1 juin 2025

Hommage à Georges Bessis au Hinglé, mai 2024

 

Une journée de commémoration s'est déroulée le vendredi 31 mai 2024 au Hinglé à la salle polyvalente. Jacqueline Besrets en a été la coordinatrice et l'animatrice. Toute l'association Le peuple des Carrières avait œuvré de longue date pour organiser cette journée.


Les résistants fusillés le 31 mai 1944 à La Maltière à Saint-Jacques-de-la-Lande ont été honorés. Il s'agit de Marcel Blanchard, Jean Baptiste Brault et Jean Baptiste Garnier. A ce moment de mémoire ont été associés Georges Bessis (déporté), Raymond Corvellec (travailleur requis par la loi du 4 septembre 1942) et Marcel Miletto (Mort Pour la France en 1940). 

Les enfants de l'école du Hinglé et un groupe d'une cinquantaine de personnes étaient présentes tout au long du parcours des "rues de l'Histoire" avec lectures, poèmes, chants.

Départ du groupe dans l'impasse Georges Bessis

 

Devant la mairie, Gérard Berhault, maire du Hinglé, s'est adressé aux participants et aux enfants de la classe de CM2 de Marie-Pierre Gauvin.


A partir de la gauche Jacqueline Besrets, maire de Bobital et Gaëtan Accoh, maire du Hinglé.

Jacqueline Besrets et différentes personnes ont retracé le parcours de toutes les personnes (fusillés, déportés, Résistantes) dont un nom de rue avait été donné au Hinglé. A l'issue du parcours, Richard Fortat a présenté brièvement l'histoire de Georges Bessis.


Dans la salle polyvalent, les écoliers et la chorale Méli'Mélody ont interprété le Chant des partisans, le poème Liberté, la Marseillaise...



A 18 heures, une conférence a rassemblé une cinquantaine de personnes sur le thème « Le Hinglé (1939/1945) : morts aux combats, déportés et fusillés ». Alain Prigent et Richard Fortat, historiens, ont retracé le parcours des différentes personnes inscrites sur le Monument aux Morts du Hinglé en lien avec cette période de l'histoire.

 

Articles de presse

Ouest-France 30 mai 2024, présentation de la journée d'hommage

 
Ouest-France 4 juin 2024

Un an après, le 2 juin 2025, un article est paru dans Ouest-France, pour faire savoir qu'un fascicule avait été publié avec 32 témoignages issus de cette journée commémorative. Un beau travail !

Le Hinglé 2 juin 2025 Ouest-France

 

Sources-Liens

Article dans ce blog sur Georges Bessis, cliquer ici 

1939-1945 : Histoire et Mémoire dans les Côtes-d'Armor, blog de Jimmy Tual, cliquer ici

Si vous avez des remarques, des témoignages, des informations et documents à partager, merci d'utiliser le formulaire de contact.

 

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Samuel Bourguet (1899-1981), pasteur à Lannion de 1924 à 1928

 
Le pasteur Samuel Bourguet et sa famille à Perros-Guirec 1924-1928

 Origines

Le pasteur Samuel Bourguet (1899-1981) est né  le 4 septembre 1899 à Cannes-et-Clairan dans le Gard (30). Sa famille était protestante et dans le milieu viticole. Louis, son père, s'était tourné jeune vers l'Armée du Salut. Il s'est trouvé dans des conditions difficiles en poste à Marseille avant de revenir, pour des raisons de santé, à la vigne. Il a adhéré à l’Église méthodiste (Alès) et a exercé la fonction de prédicateur laïc avant de s'engager dans le mouvement évangélique.
Samuel avait deux frères, dont l'un appelé Jean (né en 1902), originellement viticulteur, est devenu lui aussi pasteur.


Etudes 

Samuel Bourguet ne va pas reprendre la vigne familiale mais se destine aux études. Après l'école primaire, il va aller à Nîmes en Cours complémentaire et à l’Ecole normale d’instituteurs. Il devient instituteur à Sauve dans le Gard en 1920-1921. Choisissant ensuite des études de théologie, il part à Genève, en Suisse, et à son retour en France, il s'engage au Service Chrétien à Paris.
C'est là qu'il rencontre une bénévole qui va devenir sa future épouse. Il s'agit de Lucie Nusslé (1902 Anglade-1992). Celle-ci est la fille du pasteur Paul Nüsslé (pasteur de l'Eglise Réformée
Évangélique 1870-1954).


Samuel Bourguet à l'école normale d'instituteurs. 3ème tout en haut à gauche dans l'encadrement de la fenêtre.

Samuel Bourguet instituteur à Sauve dans le Gard. 1920-1921


 

En Bretagne

Il débute loin de son sud natal comme proposant, en Bretagne, à la fin de l'année 1924 auprès du pasteur Henri Whelpton à Lannion-Perros. Il seconde le pasteur Whelpton à Lannion mais également sur les communes de l'Ile grande et de Trébeurden.
Le pasteur Bourguet après avoir fini ses études, passé ses examens et soutenu sa thèse, veut s'affranchir de la tutelle du pasteur Whelpton. Il veut louer une maison à Perros-Guirec en 1927 et la meubler. Pour cela, il demande une augmentation de son traitement et une indemnité complémentaire pour son ameublement. L'accord finit par arriver et il s'établit à Perros pour un an avec sa petite famille. Il s'est marié quelques temps avant avec Lucie Nüsslé le 8 septembre 1925 à Saint-Avit-du-Moiron (33), ancien nom de St-Avit-de-St-Nazaire. Ils auront 6 enfants : Jacques, Yvonne, Pierre, Georges,
Jean-Louis et Anne-Marie.

Samuel Bourguet s'intéresse à la région au point qu'il publie en 1928 un ouvrage sur un missionnaire gallois (qui aurait écrit l'hymne de la Bretagne). 
Un pionnier de l'évangélisation en Bretagne, William-Jenkyn Jones. Auteur Samuel Bourguet. Clamard. Edition Je sers. 1928.

Cet ouvrage sert de référence à un long article publié en première page, dans La dépêche de Brest, publié le 14 juin 1939.

A partir du livre de Samuel Bourguet. 14 juin 1939 La Dépêche de Brest

Le pasteur Samuel Bourguet au presbytère de Perros 1924-1928. Photo A-M Bourguet




Madagascar

Après avoir exercé en Bretagne de 1924 à 1928, le pasteur Bourguet part à Madagascar fin 1928 avec la Société des Missions évangéliques de Paris. La SMEP est implantée à Madagascar depuis 1896.

Prenant rapidement des cours du soir pour apprendre le malgache, il va pouvoir prêcher dans la langue du pays au bout d'un an.
Jusqu’en 1940, il assure la fonction de directeur de l'école primaire-supérieure d'Ambohijatovo nord à Tananarive. Puis de 1940 à 1945, on lui confie la direction d’un vaste district (le Vonizongo) et d’une école biblique à Fihaonana où l'on forme des prédicateurs laïcs. Au début du mois de septembre 1940, la famille déménage à Fihaonana. Les déplacements pour visiter les paroisses s'effectuent en pousse-pousse, en chaise à porteur pour les distances les plus courtes ou au volant de la vieille Citroën quand il faut se rendre à la capitale pour des conférences par exemple. 

Liste des collègues de Samuel Bouguet à Madagascar


Le pasteur est très actif dans la Croix-Bleue car de nombreux malgaches ont des soucis avec l'alcool. Il s'emploie à créer de nouvelles sections. Samuel Bourguet assure la présidence de cette association à Madagascar.

Samuel Bourguet avec des membres de la Croix Bleue. Madagascar.1935


La vie de famille n'est pas facile car la vie quotidienne est rudimentaire (éclairage à la bougie). 
Les retours en métropole sont rares et la première fois se produira après 5 ans sur place, en 1933. Le pasteur est chargé de faire des conférences en France pour parler du travail de la mission à Madagascar et de récolter des fonds afin de poursuivre le travail commencé.
Le deuxième retour en France en 1939 est annulé à cause de la déclaration de guerre et de la suppression des bateaux vers la France. La famille Bourguet reste donc à Madagascar plus de dix ans sans revenir en métropole. Ce n'est qu'en novembre 1945 que cette longue expérience s'achève. 

Madagascar. Triple consécration pastorale. Debout de gauche à droite, on reconnait les pasteurs Samuel Bourguet, Peyrat, Lods, Robert de Becker et Delord (6ème). Photo A-M Bourguet


Retour dans le sud
Ensuite, au retour de Madagascar, après une période de repos, le pasteur occupe la fonction d'aumônier militaire. Il est particulièrement chargé d'accompagner les militaires malgaches qui retournent dans leur pays par le port de Marseille.
Le pasteur Bourguet exerce ensuite dans la paroisse de Milhaud dans le Gard de 1947 à 1961.
Il s'inscrit comme pasteur de l’Église Réformée de France en 1947 et y restera officiellement jusqu'en 1963.


Le temple de Milhaud dans le Gard. Carte postale


En 1971 il est admis comme membre de l'Académie de Mautauban.
Lors du discours de réception du pasteur Bourguet à l’académie de Montauban, le 8 novembre 1971, le pasteur Plet déclara :
« Dans les tâches qu’il a remplies, le pasteur Bourguet est resté un homme de Dieu, avant tout, ce qui ne lui a nullement interdit d’être aussi un administrateur de qualité, un théologien averti, un homme de grande culture. Retiré à Montauban, il pourra donner à l’académie le meilleur de cette riche expérience".
Il aura l'occasion de donner diverses conférences dans le cadre de cette Académie.


Lucie et Samuel Bourguet à Mautauban au début des années 70. Photo A-M Bourguet


L’Église Protestante Unie de France (ancienne Église réformée de France) est  installée à Mautauban au Temple des Carmes, dans ce même lieu où le premier culte réformé a été célébré en 1793. La paroisse s’organise autour de ce temple, ainsi que ceux des alentours Barry d’Islemade, Meauzac et au Fau. 
C'est dans cette petite paroisse de Fau, rattachée à Montauban,  que le pasteur Bourguet a donné un coup de main bénévolement pendant des années, alors qu'il était à la retraite. Il a également assuré  la fonction d'aumônier à l'hôpital.


Le temple protestant de Le Fau

Samuel Bourguet décèdera en 1981 à Montauban.
Il faut souligner que Samuel Bourguet est l'auteur de photos très intéressantes prises à Madagascar entre 1928 et 1946. Elles sont consultables sur dans un album Google-photo et sur le site de "Service protestant de Mission" (les liens sont indiqués plus bas).


1945. Groupe de missionnaires à Madagascar devant la maison de la famille Bourguet à Tananarive.

Samuel Bourguet est le quatrième debout en partant de la droite. En partant de lui et en allant vers la gauche, devant lui, la femme est Mme Pilet, son mari avec des lunettes est à côté d'elle, devant M.Pilet, légèrement flouté se trouve Mme Bourguet.
Tout à fait à droite, debout, l'homme en costume sombre c'est Jean-Claude Pilet, et un peu caché derrière lui on voit un visage souriant, c'est Yvonne Bourguet.
Tout à fait sur la gauche maintenant, on voit un grand monsieur avec un beau costume et derrière lui, le jeune homme, c'est Pierre Bourguet. Sur ce côté gauche, avec une sorte d'uniforme, c'est Oeschner de Coninck, après on voit un homme distingué en costume blanc, barbu, avec une cravate, c'est M. Lods. a côté de lui, en costume sombre c'est M. Bonzo. Tout à fait à droite, le jeune homme est André Lods.
Pour retrouver les femmes de pasteurs, on reprend à gauche, dans la rangée debout la première est Mme Dautry, après c'est une inconnue, ensuite en blanc Mme Cruzer, Mme Bozon, Mme Devine (avec la tête penchée)...
Enfin, au premier rang, sur la gauche, coincé entre une jeune fille complètement à gauche et une maman avec son bébé sur les genoux, c'est Anne-Marie Bourguet. Merci à elle pour avoir fourni toutes ces informations 74 ans plus tard !   
Crédit photo Défap-service protestant de mission, Paris.




Nous savons donc que "Samuel Bourguet est le quatrième en partant de la droite, tête bien ronde et crane chauve" dans ce groupe. Renseignement fourni par André Bourguet, son neveu, que nous remercions ici. André nous a donné d'autres informations sur son grand-père et son oncle. 
Anne-Marie Bourguet, fille du pasteur, a permis d'identifier les autres personnes sur la photo. 

Toutes ces personnes assistaient  à la Conférence missionnaire, on note la présence des pasteurs : Augier, Barnaud, Bourguet, Bonzon, Brunel, Burgurieu, Delord, de Visme, Kruger, Lods, Oeschner de Coninck, Pilet, et leurs familles.

Le pasteur Samuel Bourguet au milieu de ses élèves à la veille du Certificat d'Etudes du Second Degré.
Crédit photo Défap-service protestant de mission, Paris.


Liens



(photos transmises par sa fille Anne-Marie en mars 2019)


Ouvrage
 
Un pionnier de l'évangélisation en Bretagne, William-Jenkyn Jones.  
Samuel Bourguet. Clamard. Edition Je sers. 1928.

Article pour en savoir plus sur W. Jenkyn Jones


Sources 

Recueil de l'académie de Montauban (dans Gallica) 1971

Bibliothèque en ligne du Défap-service protestant de mission Paris. 
 
Pour la reproduction des deux photos à Madagascar, merci à  Claire-Lise Lombard de la Bibliothèque du Défap-service protestant de mission 102 Bld Arago 75 014 Paris.

Anne-Marie Bourguet, fille du pasteur. Témoignage recueilli en mars 2019. Un très grand merci aussi à Anne-Marie pour toutes les photos de familles transmises pour illustrer cette biographie.

André Bourguet, neveu du pasteur Samuel Bourguet. Echanges par internet en mars 2019. 
Jean-Marc Bouneau pour ces recherches concernant la famille Bourguet sur le site Geneanet. 

Catalogue de la Bibliothèque Nationale de France en ligne. Fiche Samuel Bouguet 

Ministers and Probationers of the Méthodist Church.1932. 
Biographie des méthodistes. Lettre B  

Répertoire des pasteurs de l'E.R.F. Page 50 Archives nationales. PDF. 

Le livre de Samuel Bourguet sur le pasteur Jones peut être commandé avec les références suivantes sur le site de la BNF : 8-LK2-7555. Tolbiac - Rez de Jardin - Philosophie, histoire, sciences de l'homme - Magasin.
Cet ouvrage constitué de photocopies revient à une somme très importante, malheureusement.

          

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Document annexe

Cette traduction (personnelle) vient d'un texte écrit en anglais, par un auteur inconnu, autour de 1930. Son titre est "Protestantisme in Brittany". Il fait référence au livre du pasteur Samuel Bourguet, c'est pourquoi il a semblé utile de le mentionner ici.
Vous pouvez accéder au document original en anglais en cliquant ici

"Beaucoup de gens au Pays de Galle semblent penser qu’il n’y a que des catholiques en Bretagne. En effet, la grande majorité des Bretons est catholique, mais il y a aussi beaucoup de protestants et des Bretons protestants, même si seulement une minorité a eu une grande importance dans le mouvement du Renouveau celtique en Bretagne.

Page 2.
Au début du XVI eme siècle, une bible en breton a été publiée à Londres par des Gallois. Il n’existe plus un seul exemplaire de cette bible. Ce qui n’est pas étonnant quand on sait qu’il n’existe qu’une copie de la première bible galloise imprimée à la même époque…
En 1889, le pasteur Le Coat de Trémel (dans le Trégor), a publié une traduction complète de la Bible en breton. Un livre de chants fut aussi publié « Chants chrétiens et vieux airs de Basse-Bretagne » par le pasteur Le Coat de Trémel et « La harpe des chrétiens » par le pasteur Jenkin Jones de Quimper, qui les édita à deux reprises. Beaucoup d’autres hymnes aussi bien que des poèmes religieux  furent publiés par le pasteur Omnès et Monsieur Quéré, dans des  feuillets aujourd’hui perdus.
La seule école bilingue bretonne qui a existé à l’époque, a été fondée par des protestants au XIXème siècle. Ils étaient si performants que le journal catholique « « Arvor », publia un article donnant cette école en exemple de ce qu’il faudrait faire en Bretagne…

L’influence du mouvement missionnaire gallois a été dominant dans le nouveau mouvement protestant en Bretagne. Y a-t-il  de meilleure preuve de cela que le livre publié en 1927 par le pasteur S. Bourguet, lui même missionnaire français en Bretagne, sous le titre « Un pionnier de l’évangélisation en Bretagne, W. J. Jones » ? Dans la première partie de son livre, le pasteur S. Bourguet dit que les Gallois ont davantage de facilités que les français pour évangéliser les bretons, comme ils sont de la même race et que les bretons ressemblent aux Gallois. Plus loin, il donne les conseils suivants « Afin que l’esprit réussisse dans l’évangélisation en Bretagne, un étranger (Je parle du français comme du Gallois) doit se donner lui-même complètement, pas seulement à son travail d’évangélisation mais aussi à la Bretagne elle-même. »
 
 
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Daniel Manach (1907-1940), pasteur au Légué de 1929 à 1930

 

Le pasteur Daniel Manach (1907-1940)



Né dans la foi protestante
 
Daniel Manach est né le 24 mars 1907 au Havre (acte en ligne). Suivant la voie de son père, le pasteur François Manach, il s'engage dans des études de théologie après avoir fait une année de philosophie à Rennes.
Toujours étudiant il commence au Légué, tout près de St Brieuc, où il succède à son père pendant un an d'octobre 1929 à septembre 1930. Devenu pasteur, il est nommé à Lannion en 1930 pendant un an pour seconder le pasteur Henri Whelpton. Il est amené à se déplacer dans les nombreuses annexes et dispose d'une auto pour cela. Il participe au Synode en 1930.


Daniel Manach. Archives du temple de St Brieuc


Il effectue son service militaire à Rennes en 1931 juste avant de rejoindre son poste de pasteur à Anduze dans le Gard où il remplace le pasteur Yves Crespin (qui était resté de 1929 à 1931 et avant lui M. Raspail de 1927 à 1929 et E.F Staub de 1919 à 1927).

Le 28 juillet 1932, il se marie à Cologny, en Suisse, avec Jeanne Marie Borel. Leur fille, Jacqueline, naîtra l'année suivante le 22 août 1933.
A ce propos, une anecdote est rapportée par Solveig Hansen (née en 1916) qui l'a bien connu :
"Jeanne Manac'h, avant qu'elle soit mariée, avait était la nurse des enfants de la famille Peugeot. Elle aimait beaucoup la petite Jacqueline et donna ce prénom en 1933 au moment de la naissance de sa propre fille".

 
 
Une thèse avant-gardiste
 
La thèse de Daniel Manach intitulée Hygiène spirituelle est éditée en 1933. Le contenu met en évidence la grande curiosité de Daniel Manach et son ouverture à des sujets autres que purement spirituels comme ici la psychothérapie. Il y fait référence aux travaux du Docteur Georges Liengme qui avait ouvert une clinique à Vaumarcus, sur les rives du lac de Neuchâtel en Suisse. Daniel Manach s'y était rendu à deux reprises.
Le Dr Liengme développa une méthode de “psychothérapie collective” qui a été dénommée, plus tard, “psychothérapie de groupe” par les Américains. Georges Liengme est un précurseur dans ce domaine.
Daniel Manach s'étant posé la question de l'incohérence entre le comportement de bon nombre de chrétiens et de leurs idéaux en avait conclu que, dans un certain nombre de cas, les apports de la psychologie pouvaient permettre de résoudre ce problème.




Thèse Daniel Manach 1933. Archives du temple St Brieuc. Don de Jean-Marc Kieffer




Un pasteur très actif
Daniel Manach propose des conférences au public sur des sujets variés (par exemple "Que penser du spiritisme?" en avril 1934).
Il devient le rédacteur d'un bulletin mensuel d'informations de l'Eglise Méthodiste d'Anduze, "Le trait d'Union" (dont une collection est conservée dans les archives du temple de St Brieuc. Années 1931 à 1938). A la lecture des différents bulletins, on voit que bien qu'éloigné de la Bretagne, il n'en oublie pas moins ses origines. Ainsi, en décembre 1932, il transmet à ses lecteurs du midi la "légende de Noël", l'histoire d'une vieille bretonne qui raconte pour la centième fois sa légende favorite où il est question du vent qui souffle sur la lande et d'un moine venu de Brest qui avait oublié ce qu'est la charité...
En décembre 1936, il organise une collecte pour "l'arbre de Noël des petits bretons de Perros-Guirec".



Le trait d'Union, mars 1933. Archives du temple de St Brieuc


Du 19 au 22 juin 1934, il a la lourde tâche d'organiser le Synode national de l'Eglise méthodiste à Anduze sous la présidence du pasteur M. Alain.
 
Il part d'Anduze après une dernière prédication le 20 septembre 1936, il est ensuite nommé à la fin de l'année 1936 à Thiers.


Daniel Manach pasteur à Thiers, octobre 1936. Archives Famille Manach temple de St Brieuc



Accueil de Daniel Manach pasteur à Thiers, octobre 1936. Archives Famille Manach temple de St Brieuc




En 1937, il assiste à la consécration de son père François Manach à Livron dans la Drôme, cérémonie dirigée par le pasteur du Havre M. Alain.

En 1938, Daniel Manach prend une part active à la création de l'Eglise Réformée de France en tant que délégué de l'Eglise Méthodiste avec Auguste Faure (en poste à Calais) et Henri Whelpton (en poste à Montreuil comme trésorier général cette année-là).



Liste des délégués de l'église méthodiste (Faure, Manach et Whelpton) avril 1938. Archives ERF


On peut dire que ses qualités sont reconnues au niveau national.
Le lundi 25 avril 1938, lors des travaux de l'Assemblée Constituante de l'Eglise Réformée, réunion dans l'ancien temple de Lyon, il est nommé secrétaire.
Il fait aussi partie de la commission de délimitation des circonscriptions et ce n'est pas une commission de tout repos ! On l'imagine promis à un brillant avenir, avec des responsabilités importantes.



Juillet 1939, la famille Manach sur la côte. La fillette est Jacqueline, fille de Daniel née le 22 août 1933. Elle était appelée Jacquotte. Daniel Manach est reconnaissable avec ses petites lunettes noires et à sa gauche, Jeanne, sa femme, d'origine suisse, avec sa coiffure en oreillons. A la droite de Daniel Manach se trouve sa soeur Madeleine.
Paulette Manach est à gauche assise; au milieu Jacquotte, et assise à droite Yvonne Manach. Mme Manach et le pasteur Manach sont sur la droite. Archives du pasteur Manach conservées au temple de St Brieuc

Eté 1939, la famille Manach, Daniel à droite. Archives du pasteur Manach conservées au temple de St Brieuc


 
Le début de la guerre
Daniel Manac'h reste à Thiers jusqu’au début de la Seconde guerre mondiale. Il revient au Légué avec sa famille peu de temps avant la mobilisation. Solveig Hansen se souvient qu'avant de partir, il a lu à haute voix le psaume 121 :
 "Je lève mes yeux vers les montagnes... D'où me viendra le secours?Le secours me vient de l'Éternel, qui a fait les cieux et la terre". Solveig, 80 ans plus tard, relit ce psaume chaque semaine en pensant au destin de Daniel Manac'h.
 
Engagé dans l'armée, il est victime d'une crise d'appendicite qui évolue en péritonite.
Solveig Hansen se souvient être allé le voir à l'hôpital des Capucins à St Brieuc où il avait été amené.
Jeanne, l'épouse de Daniel Manach, était hébergée dans la famille Hansen au Légué pendant l'hospitalisation de Daniel.

Finalement, les médecins n'arrivent pas à sauver Daniel Manach qui décède à Caveirac dans le Gard le 7 octobre 1940, à l'âge de 33 ans,
quelques mois après son retour
 
Sur l'annonce du décès dans Ouest-Eclair le 12 octobre 1940 on peut lire : "J'ai combattu le bon combat. J'ai achevé la course. J'ai gardé la foi".

Décès Daniel Manac'h. 12 octobre 1940 Ouest-Eclair


 
 
 
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Sources

 
Archives du temple de St Brieuc. Dossier Manac'h

Archives de Seine-Maritime. Acte de naissance 1907 page 265 du registre et mention de mariage (acte en ligne)

Collection de la revue "Le trait d'Union"1931-1938. Archives du temple de St Brieuc

Archives nationales de l'E.R.F. Dossier constitution de l'E.R.F

Témoignage de Solveig Hück (née Hansen), novembre 2019 et 24 mai 2023.


vendredi 23 mai 2025

Solveig Hansen (1916), une protestante à Saint-Brieuc

 

Solveig Hansen, photographiée à 107 ans et un jour ! Le 24 mai 2023. Photo RF

Solveig Hansen ne pouvait se douter qu'elle deviendrait la doyenne des Costarmoricains en 2025 où elle fêtait ses 109 ans ! Retour sur l'histoire de cette femme qui incarne la force tranquille...

Et à 109 ans dans l'édition de Ouest-France du 26 mai 2025 !

Ouest-France 17 juin 2024

Les premières années

Solveig Hansen est la fille d'Oscar Hansen et Anna Hansen.
Elle est née le 23 mai 1916 (Plérin, 22) et baptisée au temple de Saint-Brieuc le 27 août 1916 par le pasteur Roux. Elle se marie civilement le 27 mars 1943 avec Jean Huck (1er juin 1914 à Montrouge-1963). Quelques jours plus tard, la cérémonie religieuse, présidée par le pasteur Yves Crespin, a lieu
au temple de St Brieuc le le 30 mars 1943.

La photo ci-dessous a été prise au moment du mariage de Solveig et de Jean. Debout en partant de la gauche, on a son père, Oscar Hansen ; Mlle Manac'h ; Thorleif ; des réfugiés de Paris ; avant dernière à droite Anna Hansen ; tout à fait à droite Jean Scarabin avec son chapeau. Au premier rang, accroupis ses frères, Einar et à droite Erling Hansen.

Mariage de Jean Huck et de Solveig Hansen. Maison de la famille Hansen au légué. Mars 1943. Photo S. Hansen


Solveig et Jean vont avoir plusieurs enfants : Lydie (née le 26 décembre 1943, baptisée le 17 mai 1959 au temple de St Brieuc par le pasteur Paul Marquer) ; Hélène (née le 27 mai 1945) ; Édith (née le 21 novembre 1946 à St Brieuc, présentée au Temple de St Brieuc le 29 mai 1949, cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer) ; Étienne (né le 21 décembre 1952), Sigrid (née le 19 octobre 1955, présentée au Temple de St Brieuc le 2 février 1958,  cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer). 
Édith s'est mariée en 1968 au temple de St Brieuc avec Yvon Renault (voir photos dans la page sur l'histoire de la paroisse 1938-2012)


Solveig Hansen, des souvenirs recueillis en 2019, 2020, 2023...

Solveig Hansen a été remarquée dans la presse locale, à plusieurs reprises, en raison de sa longévité. Pour ses 100 ans en 2016, puis pour ses 102 ans, des articles ont parlé d'elle dans Ouest-France. En mai 2020, alors que l'épidémie de Covid 19 était encore présente, elle a pu fêter ses 104 avec quelques proches.
De mon côté j'ai souhaité la rencontrer pour évoquer plus particulièrement les aspects de sa vie en lien avec le protestantisme. Nous avons passé plus de trois heures une première fois, dans un dialogue ininterrompu, à évoquer ses souvenirs de jeunesse, son éducation, ses premiers pas dans la communauté protestante, ses souvenirs des différents pasteurs et des familles protestantes avec qui elle était liée, l'arrestation des membres de sa famille en 1943... 
Certains moments étaient vraiment vertigineux, Solveig racontant ses souvenirs d'il y a plus de 80 ou 90 ans et de mon côté, je pouvais l'aider à compléter ses lacunes avec mes connaissances acquises des archives protestantes étudiées depuis ces trois dernières années. 
Par exemple :
-Ah, oui, la fille de M. Bird, je m'en souviens, je l'ai eu comme professeur d'anglais au Cours de jeunes filles.
-Vous voulez parler de Maud?
(tout ça se passe à la fin des années 20 !).

En mai 2023, au lendemain de l'anniversaire où elle avait fêté ses 107 ans, une longue conversation permit d'éclairer encore quelques points de l'histoire du protestantisme à Saint-Brieuc. Elle m'a encore sidéré par sa mémoire phénoménale ! J'ai pu vérifier et compléter ses propos à l'aide de nouvelles recherches en remontant jusque dans les années 1930. Mais elle était un peu fatiguée, ayant vécu un déménagement  dans un nouveau bâtiment de l'Ehpad quelques jours auparavant.

Le 28 septembre 2023, tout était rentré en ordre, Solveig coloriait une page de l'album "Le dessin zen" quand je suis entré. On a bavardé un peu de tout, de son jeune frère Thorleif, 98 ans, toujours en Norvège ; de Miss Cave une protestante australienne revenue à St Brieuc après l'Occupation ; de M. Stamp, un pasteur baptiste des années 30-40 dont elle a été heureuse de voir une photo que j'avais trouvée il y a peu de temps... Nous avons évoqué plus en détail l'histoire de son beau-père, Adolphe Huck, colporteur évangélique à l'Eglise baptiste de Paimpol. Ayant besoin de mes lunettes pour lire un document, je lui ai suggéré amicalement d'utiliser aussi les siennes car il serait temps de les user un peu, étant quand même dans sa 108e année ! Solveig a encore fait preuve ce jour-là d'une vivacité intellectuelle exceptionnelle et d'un sacré humour.

Solveig Huck (née Hansen). Le 19 novembre 2019. Photo R. Fortat

 


Être une enfant protestante
"Ma vie a changé à l’arrivée de la famille Manach au Légué en 1924. Les trois filles, Madeleine, Paulette et Yvonne sont venues à l’école des filles au Légué avec moi. Je n'étais plus la seule protestante et heureusement car parfois on me mettait de côté à cause de ça. Je jouais surtout avec Paulette Manach. Cette situation n’a duré que quelques années,  Monsieur Manach est parti ensuite à Perros en 1928 pour l’évangélisation de la région car il parlait breton.
Nous allions aussi à l’école du dimanche au Temple. Il y avait mes deux frères et les enfants des familles Scarabin et Stamp. Plus tard, j'ai continué de voir les sœurs Manac'h à différentes occasions".


Solveig Hansen, école primaire de filles. Le Légué.


Erling Hansen, Yvonne Manac'h, Mme Manac'h, François Manac'h, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen

Einar et Erling Hansen, Maïe, Oscar et Anna Hansen.  Devant, Solveig et Thorleif Hansen, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen


Mon entrée dans la vie active
"En 1933 en fin de la classe de 3ème, j'ai arrêté mes études au Lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc pour perfectionner mon anglais car je savais que je pourrais en avoir besoin. Comme à cette époque il y avait beaucoup de relations avec les gallois, j'ai profité que mon père connaissait bien un capitaine qui transportait du charbon de Cardiff jusqu'au Légué pour aller au Pays de Galles dans cette famille protestante. Mon frère Einar y est allé aussi. De notre côté, nous avons accueilli la fille de ce capitaine, Humphreys, et elle est venue avec moi au Lycée de jeunes filles de St Brieuc.

De retour au Légué, après mon séjour au Pays de Galle, j'ai appris tout ce qui pourrait me servir pour travailler au port (sténo, dactylo, comptabilité). Mon frère Einar avait un poste pour moi, pour travailler dans une compagnie assurant la ligne régulière entre Le Havre, Cherbourg, Granville, la côte nord de la Bretagne. Einar a fait toute sa carrière au Havre au siège de la compagnie et moi je suis restée à Saint-Brieuc. Au moment de la guerre, les liaisons maritimes ne fonctionnaient plus et j'ai dû trouver un autre emploi, comme surveillante à l’École Normale de filles, boulevard Lamartine de 1939 à 1941. Les troupes allemandes ayant réquisitionné le bâtiment, je suis retournée au Légué, chez mes parents."


La rencontre avec mon futur  mari, une histoire protestante
"Au Temple, je fais la connaissance de Jean Hück dont les parents habitent Sainte-Barbe, entre Plouëzec et Kérity, à côté de Paimpol. Son père fait partie de l’Église évangélique. Dans leur maison à Sainte- Barbe, ils ont une petite salle indépendante où ils font les réunions protestantes. Plus tard, au temple, Jean s'occupera de l'école du dimanche.
Jean a fait des tas de métiers différents et puis il est devenu secrétaire comptable chez un ingénieur, protestant également, M. Ernest Prigent.  Ce dernier a lancé la fabrication d’agglomérés de construction polis, ne nécessitant pas de crépi. Quand son fils, Pierre, a fait sa thèse, il m'a demandé de lui taper sur ma machine à écrire".

En partant de la droite, 1er rang, la soeur de Jean, Jean Huck, accroupie avec un bébé, Solveig Hansen.


Solveig et Jean Huck. Photo Solveig Hansen


La solidarité entre protestants 
"En 1927-1928, mes parents ont attrapé la typhoïde ; tous les enfants et une amie galloise qui passait l’hiver chez nous, on a été hébergées par la famille Scarabin qui avait une maison dans la rue à côté du temple de St Brieuc.
En 1942-1943, je travaillais chez un représentant en vin. Il m’avait envoyé à Paris. Comme nous avions eu de bonnes relations avec le pasteur Théophile Roux, je suis allée dormir chez lui à Meudon. Je me souviens qu’il est venu me chercher au métro avec une lanterne. Le matin Mme Roux m'a apporté une pomme à manger, posée dans une assiette, à éplucher avec couteau et fourchette !
En 43, quand je suis allé à la prison de Rennes, pour apporter un colis à toutes les personnes de ma famille qui avaient été arrêtées, je suis allée chez le pasteur faire une pause et on est revenu par le train dans la journée.
"

Les arrestations en 1943
"J’ai su après l’arrestation de mes parents que mon mari avait été arrêté en même temps chez M. Prigent. Ils avaient pris Erling chez lui, le pasteur Crespin, Einard chez M. Le Bigot et mes parents.
Mais là il y a une petite histoire  humoristique : du fait que c’était la guerre, on avait une chèvre, il fallait du lait pour le troisième enfant de mon frère. Mes parents et ma belle-sœur avaient acheté une chèvre et c’est ma mère qui la trayait. Ma mère partie, ma belle-sœur et moi on ne savait pas ce qu’on allait faire.
Deux soldats allemands étaient restés fouiller la maison quand mes parents étaient partis. C’est l’un d’eux qui a trait la chèvre
Il y en a un qui a fouillé la maison, c’est ma belle-sœur qui était chargée de la visite. Ils sont allés au grenier, ils sont allés dans le jardin. Je savais que mon jeune frère Thorleif avait caché un vélo allemand dans le grenier. Il y avait un ceinturon dans un faux fond d’un tiroir d’une armoire. Il y avait un pistolet enterré dans le poulailler.
Pendant que ma belle sœur faisait faire le tour, moi j’étais en train de prier parce que je ne savais pas ce qui allait en résulter !
Mais ils n’ont rien vu car ils allaient avec autre chose dans l’idée. Ils voulaient trouver un poste radio pour émettre vers l’Angleterre…"


✋ Trois vidéos ont été réalisées ce 19 novembre 2019 et elles sont accessibles avec les liens ci-dessous mais il faut ouvrir un compte Viméo.

Extrait 1 L'arrestation des membres de la communauté protestante en 1943

Extrait 2 Le voyage jusqu'à la prison de Rennes en 1943 pour apporter des colis 

Extrait 3 La perquisition de la maison de la famille Hansen au Légué


✋ Une vidéo a été réalisée le 10 décembre 2019 et elle est accessible avec le lien ci-dessous (avoir ouvert un compte Viméo pour la visionner).
Extrait 4 La période où exerçait le pasteur Yves Crespin 


Document : Le début de la guerre
Au départ de Daniel Manac'h, Einar et Erling Hansen en juillet 1939,  Solveig Hansen a écrit un texte dans ce moment où l'histoire semble basculer dans le chaos (transcription ci-dessous) :





"Septembre 1939. C’est la guerre !
Erling et Einar doivent partir ainsi que Daniel Manac’h qui est avec nous au Légué. Nous sommes dans la cour et avant le départ, Daniel lit le psaume 121.
Je lève les yeux vers les montagnes
D’où me viendra le secours ?
Le secours me vient de l’Éternel
Qui a fait les cieux et la terre
Il ne permettra pas que ton pied chancelle
Celui qui te garde ne sommeillera pas
Voici, il ne sommeille ni ne dort
Celui qui garde Israël
L’Éternel est celui qui te garde
Il est son ombre et sa main droite
Pendant le jour, le soleil ne frappera point
Ni la lune pendant la nuit
L’Éternel le gardera de tout mal
Il gardera ton âme
L’Éternel gardera ton départ et ton arrivée
Dès maintenant et à jamais.

"C’est un psaume qui m’a suivi jusqu’à ce jour." me déclarera Solveig à deux reprises, le 11 avril 2017 et le 14 mai 2023.



Un article de Ouest-France du 4 juin 2016.


Solveig Huck, résidente à l'Ehpad des Ajoncs-d'Or à Plérin, affiche une forme détonante. Un peu étonnée d'avoir franchi le cap du siècle, elle raconte sa vie avec une mémoire intacte.

"Je suis née au Légué, le 23 mai 1916, de parents norvégiens. J'avais deux frères, un troisième est arrivé neuf ans plus tard. Mon père était comptable chez les courtiers maritimes du port, maman nous élevait. À 17 ans, j'ai quitté le lycée pour passer huit mois dans une famille au Pays de Galles. À mon retour, j'ai appris la sténo, la dactylo, la comptabilité. J'ai travaillé avec mon frère qui était agent dans une compagnie maritime au Havre.

Quand la guerre est arrivée, le trafic maritime s'est interrompu. Je suis devenue surveillante à l'école normale des filles. Puis les Allemands ont occupé la place, les élèves ont été hébergées chez l'habitant. Je suis retournée au Légué, et je me suis mariée en mars 1943. Le 2 novembre de cette année-là, mon mari, mes parents et mes frères ont été arrêtés par la Gestapo et emprisonnés à Rennes. Ils sont revenus une semaine avant Noël, sauf mon frère aîné, parti à Buchenwald : c'était le docteur Hansen, bien connu des Briochins et des Plérinais de l'époque.
Le 26 décembre 1943 naissait ma première fille. Deux autres filles ont suivi, en 1945 et 1946, Etienne, le futur potier, a pointé le nez en 1952, et Sigrid a clos la série trois ans après. En 1959, mon mari a pu acheter une charge de courtier maritime. Mais, hélas, il décéda quatre ans plus tard. J'ai eu la chance de pouvoir prendre sa suite et de travailler jusqu'à ma retraite.
En 2013, je suis rentrée aux Ajoncs-d'Or. Je m'y sens bien, j'ai beaucoup d'activités comme l'atelier tricot et la couture. Je lis beaucoup. Mes enfants m'invitent le dimanche, je passe une heureuse vieillesse. Et ma famille vient de s'agrandir : j'ai aujourd'hui dix petits-enfants et dix arrière-petits-enfants ! »

 
Le 18 août 2018, autre article dans Ouest-france pour ses 102 ans !
Solveig Hück, cent ans de mémoire du Légué

À 102 ans, Solveig Huck a vécu 98 ans au Légué. Elle y a exercé différents métiers, a vu l’évolution du port. Et a toujours gardé un lien avec la mer.
De l’arrivée des voitures à charbon à la réfection du port, en passant par l’occupation allemande, la vie de Solveig Huck s’entremêle avec celle du Légué. Elle y a vécu 98 ans.
À aujourd’hui 102 ans, quelques noms d’anciennes connaissances commencent à lui échapper. Mais le regard est encore clair et les gestes, vifs.
« Quand mes parents se sont installés, vers 1920, la maison n’avait pas l’eau courante. Alors mon père a installé une pompe, et a monté le tuyau jusqu’au grenier ! »

Un an à l’étranger

C’est dans cette maison qu’elle a vécu toute sa vie. Et c’est dans cette même maison qu’habite, encore aujourd’hui, l’un de ses cinq enfants.
Dans les années 1930, alors qu’elle a 18 ans, elle quitte pourtant le nid familial. « Je suis partie en Angleterre pendant neuf mois, pour apprendre la langue. Et j’ai passé l’été en Norvège » sourit-elle. Rien d’exceptionnel pour elle, dont les deux parents sont norvégiens.
À 21 ans, après un passage à l’École normale, elle commence à travailler pour le savon Briochin. Puis elle commence à travailler « aux bassins » avec son frère.
« C’était du cabotage entre Morlaix et Le Havre. On recevait beaucoup de café vert ! se souvient-elle en tapant doucement du poing sur la table. Il fallait payer pour venir récupérer les marchandises. »
Mais tout change en 1939. « Avec la guerre, il n’y avait plus de bateaux. Je suis devenue pionne à l’École normale pendant deux ans, avant que le bâtiment ne soit réquisitionné par les Allemands… »
Jusqu’en 1943, elle travaille alors pour un représentant de vins. « Je me déplaçais souvent en train, avec mon vélo. C’est pour ce métier que j’ai appris à en faire, à 25 ans ! D’ailleurs, il y avait une gare au Légué, côté Plérin, juste sur la place. »

Un commerce transformé

Un soir, en rentrant, elle trouve la maison vide. « C’était le 1er novembre 1943. Mes parents étaient sur le pas de la porte. Je n’ai même pas eu le droit de les embrasser. » Son frère est déporté à Buchenwald. Il en reviendra, en mai 1945.
Avec la fin de la guerre, Solveig Huck continue de travailler comme commissionnaire agréée en douane. « Ah, j’en ai dédouané des 2 CV ! Il y en avait beaucoup qui venaient d’Algérie, au moment du rapatriement ! »
Une partie des marchandises est encore, à ce moment-là, stockée à la maison du Bosco, une ancienne maison d’armateur, qui sert aujourd’hui de local à l’association du Grand Léjon. Mais presque plus rien n’arrive par bateau.
À la mort de son mari, elle passe l’examen pour devenir courtier maritime, alors qu’elle a 47 ans. Elle prend sa retraite à 61 ans.
Des vies multiples, dans un endroit qu’elle affectionne. Et peu de doutes concernant le futur du Légué. « C’est vrai qu’il y a encore peu de temps, le port périclitait. Chaffoteaux est parti, les dockers ont disparu… Les maisons étaient abandonnées. »
Aujourd’hui, le lieu a retrouvé des couleurs. « Ce ne sont pas les mêmes activités. Les déchargements se font plus vite, on reste moins longtemps… Mais le Légué continue à vivre. C’est ça qui compte. »

Le lundi 26 mai 2025, encore un record ! Ouest-France publie un article en page départementale pour ses 109 ans !




Liens

Article dans ce blog sur Oscar Hansen, cliquer ici

Sources

De nombreux éléments de l'histoire de Solveig Hansen ont été recueillis lors d'entretiens à Plérin en 2019, 2020, 2023. Les photos viennent d'un album souvenir offert par ses enfants et petits-enfants.

Les archives de Ouest-France et du temple protestant ont également été utiles.

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