vendredi 23 mai 2025

Solveig Hansen (1916), une protestante à Saint-Brieuc

 

Solveig Hansen, photographiée à 107 ans et un jour ! Le 24 mai 2023. Photo RF

Solveig Hansen ne pouvait se douter qu'elle deviendrait la doyenne des Costarmoricains en 2025 où elle fêtait ses 109 ans ! Retour sur l'histoire de cette femme qui incarne la force tranquille...

Et à 109 ans dans l'édition de Ouest-France du 26 mai 2025 !

Ouest-France 17 juin 2024

Les premières années

Solveig Hansen est la fille d'Oscar Hansen et Anna Hansen.
Elle est née le 23 mai 1916 (Plérin, 22) et baptisée au temple de Saint-Brieuc le 27 août 1916 par le pasteur Roux. Elle se marie civilement le 27 mars 1943 avec Jean Huck (1er juin 1914 à Montrouge-1963). Quelques jours plus tard, la cérémonie religieuse, présidée par le pasteur Yves Crespin, a lieu
au temple de St Brieuc le le 30 mars 1943.

La photo ci-dessous a été prise au moment du mariage de Solveig et de Jean. Debout en partant de la gauche, on a son père, Oscar Hansen ; Mlle Manac'h ; Thorleif ; des réfugiés de Paris ; avant dernière à droite Anna Hansen ; tout à fait à droite Jean Scarabin avec son chapeau. Au premier rang, accroupis ses frères, Einar et à droite Erling Hansen.

Mariage de Jean Huck et de Solveig Hansen. Maison de la famille Hansen au légué. Mars 1943. Photo S. Hansen


Solveig et Jean vont avoir plusieurs enfants : Lydie (née le 26 décembre 1943, baptisée le 17 mai 1959 au temple de St Brieuc par le pasteur Paul Marquer) ; Hélène (née le 27 mai 1945) ; Édith (née le 21 novembre 1946 à St Brieuc, présentée au Temple de St Brieuc le 29 mai 1949, cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer) ; Étienne (né le 21 décembre 1952), Sigrid (née le 19 octobre 1955, présentée au Temple de St Brieuc le 2 février 1958,  cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer). 
Édith s'est mariée en 1968 au temple de St Brieuc avec Yvon Renault (voir photos dans la page sur l'histoire de la paroisse 1938-2012)


Solveig Hansen, des souvenirs recueillis en 2019, 2020, 2023...

Solveig Hansen a été remarquée dans la presse locale, à plusieurs reprises, en raison de sa longévité. Pour ses 100 ans en 2016, puis pour ses 102 ans, des articles ont parlé d'elle dans Ouest-France. En mai 2020, alors que l'épidémie de Covid 19 était encore présente, elle a pu fêter ses 104 avec quelques proches.
De mon côté j'ai souhaité la rencontrer pour évoquer plus particulièrement les aspects de sa vie en lien avec le protestantisme. Nous avons passé plus de trois heures une première fois, dans un dialogue ininterrompu, à évoquer ses souvenirs de jeunesse, son éducation, ses premiers pas dans la communauté protestante, ses souvenirs des différents pasteurs et des familles protestantes avec qui elle était liée, l'arrestation des membres de sa famille en 1943... 
Certains moments étaient vraiment vertigineux, Solveig racontant ses souvenirs d'il y a plus de 80 ou 90 ans et de mon côté, je pouvais l'aider à compléter ses lacunes avec mes connaissances acquises des archives protestantes étudiées depuis ces trois dernières années. 
Par exemple :
-Ah, oui, la fille de M. Bird, je m'en souviens, je l'ai eu comme professeur d'anglais au Cours de jeunes filles.
-Vous voulez parler de Maud?
(tout ça se passe à la fin des années 20 !).

En mai 2023, au lendemain de l'anniversaire où elle avait fêté ses 107 ans, une longue conversation permit d'éclairer encore quelques points de l'histoire du protestantisme à Saint-Brieuc. Elle m'a encore sidéré par sa mémoire phénoménale ! J'ai pu vérifier et compléter ses propos à l'aide de nouvelles recherches en remontant jusque dans les années 1930. Mais elle était un peu fatiguée, ayant vécu un déménagement  dans un nouveau bâtiment de l'Ehpad quelques jours auparavant.

Le 28 septembre 2023, tout était rentré en ordre, Solveig coloriait une page de l'album "Le dessin zen" quand je suis entré. On a bavardé un peu de tout, de son jeune frère Thorleif, 98 ans, toujours en Norvège ; de Miss Cave une protestante australienne revenue à St Brieuc après l'Occupation ; de M. Stamp, un pasteur baptiste des années 30-40 dont elle a été heureuse de voir une photo que j'avais trouvée il y a peu de temps... Nous avons évoqué plus en détail l'histoire de son beau-père, Adolphe Huck, colporteur évangélique à l'Eglise baptiste de Paimpol. Ayant besoin de mes lunettes pour lire un document, je lui ai suggéré amicalement d'utiliser aussi les siennes car il serait temps de les user un peu, étant quand même dans sa 108e année ! Solveig a encore fait preuve ce jour-là d'une vivacité intellectuelle exceptionnelle et d'un sacré humour.

Solveig Huck (née Hansen). Le 19 novembre 2019. Photo R. Fortat

 


Être une enfant protestante
"Ma vie a changé à l’arrivée de la famille Manach au Légué en 1924. Les trois filles, Madeleine, Paulette et Yvonne sont venues à l’école des filles au Légué avec moi. Je n'étais plus la seule protestante et heureusement car parfois on me mettait de côté à cause de ça. Je jouais surtout avec Paulette Manach. Cette situation n’a duré que quelques années,  Monsieur Manach est parti ensuite à Perros en 1928 pour l’évangélisation de la région car il parlait breton.
Nous allions aussi à l’école du dimanche au Temple. Il y avait mes deux frères et les enfants des familles Scarabin et Stamp. Plus tard, j'ai continué de voir les sœurs Manac'h à différentes occasions".


Solveig Hansen, école primaire de filles. Le Légué.


Erling Hansen, Yvonne Manac'h, Mme Manac'h, François Manac'h, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen

Einar et Erling Hansen, Maïe, Oscar et Anna Hansen.  Devant, Solveig et Thorleif Hansen, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen


Mon entrée dans la vie active
"En 1933 en fin de la classe de 3ème, j'ai arrêté mes études au Lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc pour perfectionner mon anglais car je savais que je pourrais en avoir besoin. Comme à cette époque il y avait beaucoup de relations avec les gallois, j'ai profité que mon père connaissait bien un capitaine qui transportait du charbon de Cardiff jusqu'au Légué pour aller au Pays de Galles dans cette famille protestante. Mon frère Einar y est allé aussi. De notre côté, nous avons accueilli la fille de ce capitaine, Humphreys, et elle est venue avec moi au Lycée de jeunes filles de St Brieuc.

De retour au Légué, après mon séjour au Pays de Galle, j'ai appris tout ce qui pourrait me servir pour travailler au port (sténo, dactylo, comptabilité). Mon frère Einar avait un poste pour moi, pour travailler dans une compagnie assurant la ligne régulière entre Le Havre, Cherbourg, Granville, la côte nord de la Bretagne. Einar a fait toute sa carrière au Havre au siège de la compagnie et moi je suis restée à Saint-Brieuc. Au moment de la guerre, les liaisons maritimes ne fonctionnaient plus et j'ai dû trouver un autre emploi, comme surveillante à l’École Normale de filles, boulevard Lamartine de 1939 à 1941. Les troupes allemandes ayant réquisitionné le bâtiment, je suis retournée au Légué, chez mes parents."


La rencontre avec mon futur  mari, une histoire protestante
"Au Temple, je fais la connaissance de Jean Hück dont les parents habitent Sainte-Barbe, entre Plouëzec et Kérity, à côté de Paimpol. Son père fait partie de l’Église évangélique. Dans leur maison à Sainte- Barbe, ils ont une petite salle indépendante où ils font les réunions protestantes. Plus tard, au temple, Jean s'occupera de l'école du dimanche.
Jean a fait des tas de métiers différents et puis il est devenu secrétaire comptable chez un ingénieur, protestant également, M. Ernest Prigent.  Ce dernier a lancé la fabrication d’agglomérés de construction polis, ne nécessitant pas de crépi. Quand son fils, Pierre, a fait sa thèse, il m'a demandé de lui taper sur ma machine à écrire".

En partant de la droite, 1er rang, la soeur de Jean, Jean Huck, accroupie avec un bébé, Solveig Hansen.


Solveig et Jean Huck. Photo Solveig Hansen


La solidarité entre protestants 
"En 1927-1928, mes parents ont attrapé la typhoïde ; tous les enfants et une amie galloise qui passait l’hiver chez nous, on a été hébergées par la famille Scarabin qui avait une maison dans la rue à côté du temple de St Brieuc.
En 1942-1943, je travaillais chez un représentant en vin. Il m’avait envoyé à Paris. Comme nous avions eu de bonnes relations avec le pasteur Théophile Roux, je suis allée dormir chez lui à Meudon. Je me souviens qu’il est venu me chercher au métro avec une lanterne. Le matin Mme Roux m'a apporté une pomme à manger, posée dans une assiette, à éplucher avec couteau et fourchette !
En 43, quand je suis allé à la prison de Rennes, pour apporter un colis à toutes les personnes de ma famille qui avaient été arrêtées, je suis allée chez le pasteur faire une pause et on est revenu par le train dans la journée.
"

Les arrestations en 1943
"J’ai su après l’arrestation de mes parents que mon mari avait été arrêté en même temps chez M. Prigent. Ils avaient pris Erling chez lui, le pasteur Crespin, Einard chez M. Le Bigot et mes parents.
Mais là il y a une petite histoire  humoristique : du fait que c’était la guerre, on avait une chèvre, il fallait du lait pour le troisième enfant de mon frère. Mes parents et ma belle-sœur avaient acheté une chèvre et c’est ma mère qui la trayait. Ma mère partie, ma belle-sœur et moi on ne savait pas ce qu’on allait faire.
Deux soldats allemands étaient restés fouiller la maison quand mes parents étaient partis. C’est l’un d’eux qui a trait la chèvre
Il y en a un qui a fouillé la maison, c’est ma belle-sœur qui était chargée de la visite. Ils sont allés au grenier, ils sont allés dans le jardin. Je savais que mon jeune frère Thorleif avait caché un vélo allemand dans le grenier. Il y avait un ceinturon dans un faux fond d’un tiroir d’une armoire. Il y avait un pistolet enterré dans le poulailler.
Pendant que ma belle sœur faisait faire le tour, moi j’étais en train de prier parce que je ne savais pas ce qui allait en résulter !
Mais ils n’ont rien vu car ils allaient avec autre chose dans l’idée. Ils voulaient trouver un poste radio pour émettre vers l’Angleterre…"


✋ Trois vidéos ont été réalisées ce 19 novembre 2019 et elles sont accessibles avec les liens ci-dessous mais il faut ouvrir un compte Viméo.

Extrait 1 L'arrestation des membres de la communauté protestante en 1943

Extrait 2 Le voyage jusqu'à la prison de Rennes en 1943 pour apporter des colis 

Extrait 3 La perquisition de la maison de la famille Hansen au Légué


✋ Une vidéo a été réalisée le 10 décembre 2019 et elle est accessible avec le lien ci-dessous (avoir ouvert un compte Viméo pour la visionner).
Extrait 4 La période où exerçait le pasteur Yves Crespin 


Document : Le début de la guerre
Au départ de Daniel Manac'h, Einar et Erling Hansen en juillet 1939,  Solveig Hansen a écrit un texte dans ce moment où l'histoire semble basculer dans le chaos (transcription ci-dessous) :





"Septembre 1939. C’est la guerre !
Erling et Einar doivent partir ainsi que Daniel Manac’h qui est avec nous au Légué. Nous sommes dans la cour et avant le départ, Daniel lit le psaume 121.
Je lève les yeux vers les montagnes
D’où me viendra le secours ?
Le secours me vient de l’Éternel
Qui a fait les cieux et la terre
Il ne permettra pas que ton pied chancelle
Celui qui te garde ne sommeillera pas
Voici, il ne sommeille ni ne dort
Celui qui garde Israël
L’Éternel est celui qui te garde
Il est son ombre et sa main droite
Pendant le jour, le soleil ne frappera point
Ni la lune pendant la nuit
L’Éternel le gardera de tout mal
Il gardera ton âme
L’Éternel gardera ton départ et ton arrivée
Dès maintenant et à jamais.

"C’est un psaume qui m’a suivi jusqu’à ce jour." me déclarera Solveig à deux reprises, le 11 avril 2017 et le 14 mai 2023.



Un article de Ouest-France du 4 juin 2016.


Solveig Huck, résidente à l'Ehpad des Ajoncs-d'Or à Plérin, affiche une forme détonante. Un peu étonnée d'avoir franchi le cap du siècle, elle raconte sa vie avec une mémoire intacte.

"Je suis née au Légué, le 23 mai 1916, de parents norvégiens. J'avais deux frères, un troisième est arrivé neuf ans plus tard. Mon père était comptable chez les courtiers maritimes du port, maman nous élevait. À 17 ans, j'ai quitté le lycée pour passer huit mois dans une famille au Pays de Galles. À mon retour, j'ai appris la sténo, la dactylo, la comptabilité. J'ai travaillé avec mon frère qui était agent dans une compagnie maritime au Havre.

Quand la guerre est arrivée, le trafic maritime s'est interrompu. Je suis devenue surveillante à l'école normale des filles. Puis les Allemands ont occupé la place, les élèves ont été hébergées chez l'habitant. Je suis retournée au Légué, et je me suis mariée en mars 1943. Le 2 novembre de cette année-là, mon mari, mes parents et mes frères ont été arrêtés par la Gestapo et emprisonnés à Rennes. Ils sont revenus une semaine avant Noël, sauf mon frère aîné, parti à Buchenwald : c'était le docteur Hansen, bien connu des Briochins et des Plérinais de l'époque.
Le 26 décembre 1943 naissait ma première fille. Deux autres filles ont suivi, en 1945 et 1946, Etienne, le futur potier, a pointé le nez en 1952, et Sigrid a clos la série trois ans après. En 1959, mon mari a pu acheter une charge de courtier maritime. Mais, hélas, il décéda quatre ans plus tard. J'ai eu la chance de pouvoir prendre sa suite et de travailler jusqu'à ma retraite.
En 2013, je suis rentrée aux Ajoncs-d'Or. Je m'y sens bien, j'ai beaucoup d'activités comme l'atelier tricot et la couture. Je lis beaucoup. Mes enfants m'invitent le dimanche, je passe une heureuse vieillesse. Et ma famille vient de s'agrandir : j'ai aujourd'hui dix petits-enfants et dix arrière-petits-enfants ! »

 
Le 18 août 2018, autre article dans Ouest-france pour ses 102 ans !
Solveig Hück, cent ans de mémoire du Légué

À 102 ans, Solveig Huck a vécu 98 ans au Légué. Elle y a exercé différents métiers, a vu l’évolution du port. Et a toujours gardé un lien avec la mer.
De l’arrivée des voitures à charbon à la réfection du port, en passant par l’occupation allemande, la vie de Solveig Huck s’entremêle avec celle du Légué. Elle y a vécu 98 ans.
À aujourd’hui 102 ans, quelques noms d’anciennes connaissances commencent à lui échapper. Mais le regard est encore clair et les gestes, vifs.
« Quand mes parents se sont installés, vers 1920, la maison n’avait pas l’eau courante. Alors mon père a installé une pompe, et a monté le tuyau jusqu’au grenier ! »

Un an à l’étranger

C’est dans cette maison qu’elle a vécu toute sa vie. Et c’est dans cette même maison qu’habite, encore aujourd’hui, l’un de ses cinq enfants.
Dans les années 1930, alors qu’elle a 18 ans, elle quitte pourtant le nid familial. « Je suis partie en Angleterre pendant neuf mois, pour apprendre la langue. Et j’ai passé l’été en Norvège » sourit-elle. Rien d’exceptionnel pour elle, dont les deux parents sont norvégiens.
À 21 ans, après un passage à l’École normale, elle commence à travailler pour le savon Briochin. Puis elle commence à travailler « aux bassins » avec son frère.
« C’était du cabotage entre Morlaix et Le Havre. On recevait beaucoup de café vert ! se souvient-elle en tapant doucement du poing sur la table. Il fallait payer pour venir récupérer les marchandises. »
Mais tout change en 1939. « Avec la guerre, il n’y avait plus de bateaux. Je suis devenue pionne à l’École normale pendant deux ans, avant que le bâtiment ne soit réquisitionné par les Allemands… »
Jusqu’en 1943, elle travaille alors pour un représentant de vins. « Je me déplaçais souvent en train, avec mon vélo. C’est pour ce métier que j’ai appris à en faire, à 25 ans ! D’ailleurs, il y avait une gare au Légué, côté Plérin, juste sur la place. »

Un commerce transformé

Un soir, en rentrant, elle trouve la maison vide. « C’était le 1er novembre 1943. Mes parents étaient sur le pas de la porte. Je n’ai même pas eu le droit de les embrasser. » Son frère est déporté à Buchenwald. Il en reviendra, en mai 1945.
Avec la fin de la guerre, Solveig Huck continue de travailler comme commissionnaire agréée en douane. « Ah, j’en ai dédouané des 2 CV ! Il y en avait beaucoup qui venaient d’Algérie, au moment du rapatriement ! »
Une partie des marchandises est encore, à ce moment-là, stockée à la maison du Bosco, une ancienne maison d’armateur, qui sert aujourd’hui de local à l’association du Grand Léjon. Mais presque plus rien n’arrive par bateau.
À la mort de son mari, elle passe l’examen pour devenir courtier maritime, alors qu’elle a 47 ans. Elle prend sa retraite à 61 ans.
Des vies multiples, dans un endroit qu’elle affectionne. Et peu de doutes concernant le futur du Légué. « C’est vrai qu’il y a encore peu de temps, le port périclitait. Chaffoteaux est parti, les dockers ont disparu… Les maisons étaient abandonnées. »
Aujourd’hui, le lieu a retrouvé des couleurs. « Ce ne sont pas les mêmes activités. Les déchargements se font plus vite, on reste moins longtemps… Mais le Légué continue à vivre. C’est ça qui compte. »

Le lundi 26 mai 2025, encore un record ! Ouest-France publie un article en page départementale pour ses 109 ans !




Liens

Article dans ce blog sur Oscar Hansen, cliquer ici

Sources

De nombreux éléments de l'histoire de Solveig Hansen ont été recueillis lors d'entretiens à Plérin en 2019, 2020, 2023. Les photos viennent d'un album souvenir offert par ses enfants et petits-enfants.

Les archives de Ouest-France et du temple protestant ont également été utiles.

Retour au sommaire, ici 




Circuit sur des figures de la Résistance à Saint-Brieuc, mai 2025

 

Rue Saint-Guillaume, lecture d'un extrait du Jeu de Patience, 26 mai 2025

Dans le cadre des visites organisées sous l'égide des Archives municipales, le lundi 26 mai 2025, j'ai pu conduire un circuit sur des figures de la Résistance à Saint-Brieuc. Nous avons évoqué la vie d'Erling Hansen, du pasteur Crespin et de l'abbé Vallée, à travers en particulier du livre de Louis Guilloux "Le jeu de patience". Avec l'autorisation du chef d'établissement, dans la cour d'honneur, nous avons aussi parlé longuement des lycéens martyrs de l'ex Lycée Le Braz, trois ont été fusillés, 8 en déportation dont 4 ne reviendront pas. 

Le groupe constitué d'une trentaine de personnes s'est montré très attentif et plusieurs personnes ont pu poser des questions ou apporter des témoignages.

Rue Saint-Guillaume, lecture d'un extrait du Jeu de Patience, 26 mai 2025

Le circuit nous a mené du collège Le Braz, à la rue Saint-Guillaume, en passant par le parc des Promenades, la Place Saint-Michel, le Temple de la rue Victor Hugo pour s'achever au cimetière où nous avons passé un moment devant les tombes de plusieurs personnes citées...

Devant la plaque sur la maison du docteur Hansen place Saint-Michel.

Maison du docteur Hansen
Devant le Temple où a vécu le pasteur Crespin. Photo Philippe Antoine
En haut à droite, plaque commémorative de la disparition du pasteur Crespin. Photo Philippe Antoine

Gisèle Jacob-Le Terrien, une participante, a présenté un livre qu'elle a publié en février 2025 sur l'histoire de son père et du réseau de Résistance dont il faisait partie dans le secteur de Plouaret. 

Contact : lamarseillaise22@outlook.fr

Article du Télégramme, ici

Article de Ouest-France pour les abonnés ici

Gisèle Jacob-Le Terrien présente son livre.


Si vous avez des questions ou des éléments pour compléter cet article (photos par exemple), merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite, en laissant votre adresse mail pour la réponse...

 

Retour au sommaire du blog de l'histoire des protestants dans les Côtes d'Armor , ici 

 

Pour compléter cette lecture

Circuit de découverte, sur les traces du pasteur Crespin à Saint-Brieuc, cliquer ici  

Article détaillé sur l'histoire du pasteur Yves Crespin, cliquer ici

Nouveaux documents sur le pasteur Yves Crespin, février 2025, cliquer ici

Remerciements

Service des Archives municipales (le matériel de sonorisation est apprécié par le public).

Philippe Antoine (photos), Jean Richard pour les photos pendant la visite et pour l'aide afin de présenter les ouvrages. 



 

jeudi 22 mai 2025

Jean-Claude Crespin (1937-2024), archiviste, fils du pasteur Résistant Yves Crespin.

Jean-Claude Crespin
 

Sans le travail mené par Jean-Claude Crespin pour perpétuer la mémoire de son père, nous ne saurions quasiment rien sur le parcours exceptionnel du pasteur Crespin. En tant qu'aîné de la fratrie, Jean-Claude a conservé quelques souvenirs de la période de l'Occupation. Mais surtout, par sa formation d'archiviste, de janvier 1970 à septembre 1976, il va mettre de l'ordre dans les papiers familiaux, en faire un dossier et le photocopier en une trentaine d'exemplaires (famille, musées de la Résistance, services d'archives...).
En ce qui me concerne, c'est le dépôt en 2008 à la bibliothèque André Malraux de Saint-Brieuc et aux Archives départementales des Côtes-d'Armor (dossier classé en 1J 138) qui va permettre d'accéder à ces sources et d'écrire, à partir de là, Le pasteur Yves Crespin, un chrétien dans la Résistance.
La rencontre avec Jean-Claude Crespin en février 2018 a été un temps d'échanges intense, avec cet homme marqué à vie par les conséquences des engagements de son père. Mais c'était aussi un vrai réconfort pour lui de sentir que des dizaines d'années après avoir constitué ce dossier, d'autres personnes allaient continuer de faire connaître le message délivré son père, le pasteur Crespin.

 "Je veille jalousement sur ta mémoire comme sur une flamme qui vacille"
 Juillet 1981, Jean-Claude Crespin, lettre à son père.


Retour sur la vie de Jean-Claude Crespin
En 1936, Yves Maurice Crespin se marie avec Jeannine Kuntz et de cette union naîtront cinq enfants. Jean-Claude va naître
le 6 avril 1937 à Nancy où son père est en poste.

Ses frères et soeurs naîtront à Saint-Brieuc : Joël (3 juin 1938), Michel (août 1939), Mireille (septembre 1940) et Françoise (3 février 1943). 

Jean-Claude avec son frère Joël dans une poussette au port du Légué.

Jean-Claude est tout à fait à droite. Photo restaurée

Jean-Claude est le seul a avoir gardé des souvenirs des moments qui ont précédé l'arrestation de son père en 1943 (voir son texte manuscrit tout à la fin de cet article).

Sur le plan professionnel, Jean-Claude Crespin occupera le poste de secrétaire de documentation aux archives départementales du Puy-de-Dôme. A ce titre, il est l'auteur d'un travail de recherches sur le protestantisme en Auvergne.

Jean-Claude Crespin à Saint-Brieuc en 1983

Sur le côté de la prison, vous avez la plaque de la rue du Pasteur Crespin. Celle que vous verrez n'est plus placée sur un poteau de béton mais fixée directement contre le mur extérieur de la prison. 

Photo de jean-Claude Crespin. 1983

Cette photo, c'est toute une histoire, elle a été prise par Jean-Claude Crespin en 1983...
Voici comment lui-même raconte l'histoire : "Les 16 et 17 juillet 1983, je suis allé à Saint-Brieuc. J'ai filmé la rue Victor Hugo, la rue Pasteur Crespin... J'ai eu quelques ennuis d'ailleurs. Deux matons sont venus me demander ce que je faisais. J'ai expliqué que j'étais le fils d'un résistant de Saint-Brieuc et qu'une rue portait le nom de mon père. Ensuite, c'est une voiture de police avec son phare tournoyant : "Monsieur, nous avons reçu un coup de téléphone du directeur de la prison nous signalant qu'un individu prenait des photos de la prison..."

Heureusement, tout est rentré dans l'ordre après le contrôle d'identité...    

La rencontre avec Jean-Claude chez lui dans le Massif-Central

Les problèmes de surdité de Jean-Claude rendaient quasiment impossibles les contacts téléphoniques et par écrit c'était souvent très long entre chaque courrier... Une rencontre était vraiment nécessaire, chez lui, à Riom, tout près de Clermont-Ferrand. L'arrivée fut assez étrange car après avoir frappé très fort à la porte plusieurs fois, personne n'avait répondu. Poussant la porte qui n'était pas fermée, et après avoir appelé avec une forte voix, toujours rien. Je me demandais s'il n'était pas arrivé quelque chose. Le tour des pièces effectué, rien encore, c'était inquiétant... Et soudainement Jean-Claude arriva dont on ne sait où ! Il gardait son manteau à l'intérieur de la maison où visiblement il n'y avait pas de chauffage, pourtant on était au mois de février... On s'installa ensuite sur la petit terrasse où il faisait meilleur et la discussion commença autour des photos... Un moment inoubliable...

Dans la cour de chez Jean-Claude, à gauche et Richard Fortat à droite 24 février 2018. Photo Sophie Bertho.


Le décès de Jean-Claude en 2024
Jean-Claude Crespin est décédé en février 2024, il avait 87 ans. Yves Crespin, petit-fils du pasteur, a organisé les obsèques de son parrain. Jean Crespin, fils de Raoul Crespin et neveu du pasteur Yves Crespin, a assisté avec sa femme à la cérémonie d'obsèques de Jean-Claude, présidée par la pasteure Leïla Baccuet. Françoise Crespin, épouse divorcée d'Yves Crespin, fils ainé de Jean-Claude a lu l'hommage remarquable et plein de sensibilité qu'elle avait rédigé.
Voici le discours d’hommage prononcé par Françoise Crespin :
« J’ai connu Jean-Claude quand j’étais jeune à l’âge de 22 ans, mais je l’ai réellement connu bien plus tard… Marqué par l’arrestation à son domicile de son père Yves Crespin, pasteur de son état… Arrestation par la Gestapo sous les yeux de son fils qui avait 6 ou 7 ans. Yves Crespin est mort ensuite en déportation au camp de Dora en Allemagne.
Jean-Claude a ensuite passé plusieurs années au Chambon-sur-Lignon avec son frère cadet, loin de sa mère.
Cette tragédie a été le fil conducteur de toute sa vie, dans le sens qu’il n’a jamais fait le deuil de ce père auréolé.
Il n’a eu de cesse de faire des recherches sur son père et il n’est pas devenu archiviste pour rien. Il a fait partie et a œuvré pour l’Association des Déportés de France.
Cette tragédie a été aussi, je pense, la raison profonde de l’échec de son mariage et surtout l’échec de bout en bout de sa relation avec ses trois fils, Yves, Laurent et Pascal, qu’il n’avait plus revu depuis 35 ans.
Il était, comme diraient les jeunes d’aujourd’hui, "décalé", et c’est sûr qu’il n’a pas su s’y prendre avec ses fils.
Et pourtant, Jean-Claude était un homme intelligent, brillant même, passionné d’histoire, ayant un avis éclairé sur tout.
Je me souviens que ses réflexions à l’emporte-pièce me faisaient souvent beaucoup rire
".

La cérémonie a eu lieu le samedi 10 février au crématorium de Crouël à Clermont-Ferrand mais des mois plus tard, en été, les cendres de Jean-Claude ont été dispersées dans la baie de Saint-Brieuc, au large d'Erquy, selon ses volontés. Jean-Claude n'était jamais parti d'ici...


Si vous avez des questions ou des éléments pour compléter cet article, merci d'utiliser le formulaire de contact en haut à droite, en laissant votre adresse mail pour la réponse... Richard Fortat

 

Retour au sommaire du blog de l'histoire des protestants dans les Côtes d'Armor , ici 

 

Pour compléter cette lecture

Article détaillé sur l'histoire du pasteur Yves Crespin, cliquer ici

Nouveaux documents sur le pasteur Yves Crespin, février 2025, cliquer ici

Circuit de découverte, sur les traces du pasteur Crespin à Saint-Brieuc, cliquer ici 

Transfert d'archives protestantes (Église Protestante Unie de France) aux Archives départementales en juin 2024, cliquer ici

Sources

Correspondances avec Jean Crespin.

Archives de la paroisse protestante réformée de Saint-Brieuc.
Correspondances et entretien avec Jean-Claude Crespin.

Documents
 
Récit 7 juillet 2004

Lettre manuscrite de JC Crespin 24 avril 2008

Courrier de JC Crespin au Musée de Saint-Brieuc 28 avril 2008


lundi 19 mai 2025

Visite guidée et conférence à Saint-Brieuc sur le protestantisme en 2024


Visite guidée

Dans le cadre des Bistrots de l'Histoire, le 8 octobre 2024, un circuit sur la Résistance a permis d'évoquer quelques figures du protestantisme à Saint-Brieuc (Hansen, Crespin, Prigent), et de l'abbé Vallée, à travers le livre Le jeu de patience et de parler longuement aussi des lycéens martyrs de Le Braz.

Merci à la Société des amis de Louis Guilloux !

Quelques jours plus tard, le 11 octobre, lors des Bistrots de l'Histoire consacrés à l'Occupation et à la Libération de Saint-Brieuc, Pierre Fenard (présent à la visite guidée) a évoqué, dans sa présentation de la soirée, le rôle discret mais bien réel de l'engagement des protestants pendant cette période.

 
Environ 25 personnes ont suivi le circuit le 7 octobre (ici l'entrée du collège Le Braz)

 
 
Conférence
 
Conférence à Saint-Brieuc, le mardi 14 mai 2024 au Club 6 avec l'UTL (Université du Temps Libre), avec la présence d'un neveu du pasteur Crespin.
 
Un peu plus de 170 personnes ont assisté à cette conférence sur l'histoire des protestants Résistants dans les Côtes-du-Nord. Un moment important de cette conférence a été le témoignage d'une dizaine de minutes de Jean Crespin, fils du pasteur déporté. Son intervention a porté sur l'impact de la disparition d'un membre de la famille ne revenant pas des camps. Ses propos ont beaucoup touché l'auditoire et il a terminé son intervention en lisant le récit de la dernière rencontre de son père et d’Yves Crespin :

     « Me sachant à Paris, Yves vint m’y voir. Nous nous sommes rencontrés deux ou trois jours de suite au quartier latin. Au printemps 43, la situation militaire commençait à évoluer en faveur des Alliés. Yves était convaincu de leur victoire, acte de foi autant que de raison. Un jour nous entrâmes dans une librairie. "Une étoile jaune" feuilletait un livre au déplaisir évident du gérant. Yves alla droit vers le juif, se présenta et lui exprima sa sympathie d’une voix suffisamment forte pour être entendu de tous les clients. Le juif, les larmes aux yeux, balbutia quelques mots de remerciements.
    En sortant de la librairie, je quittai Yves : je ne l’ai jamais revu, mais comment oublier le dernier message qu’il m’a laissé ?
».

Le texte entier de l'intervention peut être lu en cliquant ici

Le public dans la salle du cinéma pour la conférence. Photo RF


Jean Crespin évoque l'histoire de son oncle.

 
Jean Crespin et son épouse.


Retour au sommaire du blog, ici 


 
Document
Programme 2024 de l'Université du Temps libre de Saint-Brieuc