vendredi 27 décembre 2024

Danièle Vaudrey (1946-2024), historienne, journaliste, écrivaine, protestante

Danièle Vaudrey
Historienne de formation, journaliste (à Ouest-France, Radio Bleue Armorique etc.), réalisatrice, écrivaine, voyageuse, Danièle Vaudrey semble avoir eu plusieurs vies tant elle a exploré de domaines.

Elle était une pionnière dans certains domaine par exemple la première femme rédactrice en chef du magazine Auto-moto (Elle avait d'ailleurs reçu un Prix d'Honneur pour cela).

Danièle, une passionnée de moto

Formations

Danièle Vaudrey avait plus d'une corde à son arc comme on dit mais elle avait un bagage solide parce qu'elle avait beaucoup étudié : facultés de REIMS et de Paris VII ; licence de Lettres et DEUG de Sociologie ; maîtrise et DEA d'Histoire et Sciences Sociales ; école d'Interprètes de Genève ; diplôme de Traducteur anglais espagnol ; Centre de Formation des Journalistes.

Grand reporter

Danièle a parcouru le monde pour exercer son métier dans le reportage ; elle a présenté de journaux télévisé et a réalisé des films documentaires pour R.F.O (Outre-mer), France Télévision, TV5 etc.

Photographe

Sa carrière comme journaliste et photographe à Ouest-France date de la fin des années 90 où elle a tenu une place importante dans l'organigramme du journal (voir ci-dessous en 1997).

Ses photographies étaient de qualité et elle a réalisé la couverture du spécial Guide des vacances en Côtes d'Armor en l'an 2000.
2 avril 1998 Photo Danièle Vaudrey

5 août 1998 Photo Danièle Vaudrey

3 novembre 1998 Photo Danièle Vaudrey

 3 août 2000 Photo Danièle Vaudrey

Peintre

Danièle s'exprimait aussi par la peinture.




Une écrivaine reconnue

Auteure de cinq ouvrages sur les grandes affaires criminelles et les mystères de Bretagne, "Ça s’est passé en Côtes-d’Armor", elle pouvait écrire sur commande comme pour l'Histoire de l'hôpital Saint-Jean-de-dieu à Léhon. Elle avait également abordé des sujets plus personnels, plus intimes : « Les ailes du Délire » (dialogue avec une malade d’Alzheimer) ; « Mourir d’En-Vie » ; "Au nom de tous les seins" (son propre parcours contre le cancer). 

Danièle était présente dans de nombreux salons littéraires pour faire connaître ses ouvrages et rencontrer le public. 

Dédicace 11 octobre 2009 Ouest-France

13 novembre 2016, dédicace du livre sur Marie Durand l'insoumise

Même très affaiblie, elle était présente encore en septembre 2023 au salon des écrivaines à Saint-Quay et le 25 janvier 2024 elle était l'invitée de Michel Guyomard dans le cadre de l'association 3motsdeplus.

Septembre 2022 St Quay

Danièle Vaudrey 17 septembre 2023 à Saint-Quay-Portrieux


Michel Guyomard et Danièle Vaudrey. Janvier 2024 Photo Le Télégramme

Les Côtes d'Armor et Pordic

Elle s'était installée à Pordic il y a 25 ans. Dans un article de Ouest-France du 2 septembre 2019, elle déclarait : « J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce département. La première fois que j’ai découvert les Côtes-d’Armor remonte à un bon bout de temps. Je réalisais un documentaire pour M6, pour l’émission Écolo 6 produite et présentée par Michel Cellier. Une des premières émissions sur l’écologie. »

Elle était très investie dans la vie sociale et politique locale et c'est ainsi que la presse a pu la présenter au moment de son décès le dimanche 28 avril (voir ci-dessous)

Le Télégramme 2 mai 2024


Ouest-France 2 mai 2024

Une chrétienne

Alors Danièle Vaudrey était certes une femme engagée, mais elle était aussi une croyante fervente, une croyante par choix dans la foi protestante. Elle n’en parlait pas forcement autour d’elle dans les nombreux cercles militants qu’elle fréquentait.
Son livre sur Marie Durand est une référence dans le milieu protestant, elle l'avait présenté à l'Assemblée du désert au moment de sa sortie.




Elle participait aux cultes du temple réformé de Saint-Brieuc, aux assemblées générales et de rentrée, quand elle le pouvait.

 

La cérémonie d'hommage du 2 mai 2024

Une cérémonie d’hommage lui a été rendue le jeudi 2 mai à la chambre funéraire des Champs-de-Pies à Saint-Brieuc où sa famille (son fils Shane était présent) et ses très nombreux amis d’horizons différents étaient rassemblés.

Le 2 mai 2024, Fabio Morin à l'orgue, John Colomb à droite de dos. Photo RF


Fabio Morin, pasteur évangélique bien connu dans la région, et John Colomb ami de longue date, avaient déjà préparé cette cérémonie, il y a déjà deux ans, alors qu’elle se savait condamnée (La pasteure Agnès Pascaraut n'avait pu être présente le jour de la cérémonie, retenue dans le sud de la France).

Photo publiée dans Ouest-France 6 octobre 2016

Avec quelques notes bien senties d’un Alléluia, sur son orgue Yamaha, Fabio avec sa décontraction naturelle et sa chaleur humaine a su tout de suite donner le ton à ce moment de recueillement et de consolation.
Tout avait été discuté au préalable avec Danièle, : un texte de Martin Luther King extrait de "Combats pour la Liberté"; l’histoire de la brebis perdue sauvée par le berger ; le chant préféré de sa mère "A toi la gloire".

"La loi qui régit l'univers est une loi de justice. Celui qui croit en la non-violence a une foi profonde en l'avenir, qui lui donne une raison supplémentaire d'accepter, de souffrir sans esprit de repésailles..." Martin Luther King

Une galerie de photos retraçait des moments heureux de sa vie.


On the road !

Interview de Robert Badinter, Danièle à gauche

Lors d'une émission de France-Bleue-Armorique

Au mariage de Fabio Morin, John et Marie-Claude Colomb également présents sur la photo

Avec son fils Shane

Fabio Morin à gauche, Danièle très affaiblie mais sereine...

Avec sa petite fille

Alléluia, composé par Danièle et Fabio 

pour la cérémonie du 2 mai, extraits.

Sur le chemin de ma vie

j'ai bourlingué j'ai vu la vie

j'ai pleuré, j'ai chanté Alléluia...

J'en ai visité des pays, des étoiles et des galaxies

des r'portages, des voyages pleins de vie

J'en ai écrit des bouquins

ce n'était pas juste pour faire bien

C'était la joie du partage...

Ne pleurez donc pas mes amis

Ne soyez pas tristes aujourd'hui

Je pars en voyage vers l'infini

On s'est marré, on a pleuré

mais on a jamais oublié de chanter tous ensemble Alléluia


Document

Marie Durand - L'insoumise, Danièle Vaudrey. 2016
Arrachée au monde de l'enfance pour avoir refusé de renier sa religion protestante, Marie Durand (1711-1776) fut emmurée trente-huit ans à la tour de Constance d'Aigues-Mortes. Toute sa vie fut un combat pour la liberté de conscience, un Non inconditionnel à l'intolérance.
Même dans le plus profond dénuement, elle a toujours su trouver en elle la force de résister, avec pour seule arme sa foi inébranlable et son amour de l'autre. Elle savait que la liberté d'un être est insaisissable.

Un livre à commander en cliquant ici

 

Sources

Photos transmises par John Colomb en mai 2024.

Archives Ouest-France et Le Télégramme.

Site de l'agence Bretagne Presse. 

Blog de Danièle Vaudrey, Dessine moi un mot, ici

Article rédigé par Richard Fortat le 3 mai 2024


Danièle rayonnante !

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jeudi 19 décembre 2024

Les constructions de Harry Stamp à Saint-Brieuc. 1926-1952

 

Villa Le Rayon de Soleil, 2 impasse de Coetlogon à Saint-Brieuc. Photo RF 2024

Robert Henry Stamp, appelé Harry, est né le 9 septembre 1881 en Angleterre. C'est un protestant évangélique dont le domaine professionnel est le commerce de charbon. En 1914, il s'installe en Bretagne, à Saint-Brieuc exerçant comme directeur d'une entreprise de charbonnage. Son épouse est Louise Flament, le couple s'est marié le 19 décembre 1916 à l'Église Baptiste du Tabernacle à Paris.

M et Mme Stamp vont avoir plusieurs enfants, tous nés à Saint-Brieuc : Ruben Henry né le 9 décembre 1917 ; Isabella Louise, née le 11 avril 1920 ; Jacques Charles, né  le 21 mai 1927.

La famille Stamp va déménager à cinq reprises : 45 rue Brizeux de février 1915 à décembre 1916 ; 4 rue de Gouédic de 1916 à septembre 1919 ; 17 rue Victor Hugo d'octobre 1919 à septembre 1922 ; 2 rue des Bouchers d'octobre 1922 à septembre 1929.

Leur logement devenant trop petit avec leurs trois enfants, en 1929, ils décident de faire construire une maison 2 impasse Coëtlogon. Ils y resteront jusque dans les années 60.

Mais M. Stamp aura fait bâtir plusieurs constructions à Saint-Brieuc : deux maisons, dont une surélevée dans un second temps ; des garages transformés en salle de prière pour les activités de l’Église évangélique dont il s’occupait ; et une salle de prière dans le quartier de Robien, avant 1945. 


L'impasse Coëtlogon à Saint-Brieuc. Plan Google.


Première maison, 2 impasse Coëtlogon. 1926

Pour la petite histoire, c'est Louise Stamp qui a commencé à dessiner les croquis de la maison et ils ont été parachevés par son beau-frère l’architecte Bernard Datcharry. Cet architecte a été diplômé de l'École des Beaux-Arts, le 6 juin 1923. Il fut notamment architecte dans les services de la ville de Paris. On lui doit par exemple l’École et le gymnase Roquépine.Il a travaillé pour les asiles psychiatriques de Villejuif et Sainte-Anne.


La  première demande de permis de construire pour Harry Stamp remonte au 28 juillet 1926. M. Hervin, architecte 2 Place Saint-Pierre à Saint-Brieuc,  sollicite l’autorisation de construire une maison au 24 bis rue Coëlogon prolongée, devenue 2 impasse Coëtlogon peu de temps après. Il joint « les plans, façades et coupe, en double exemplaire, de la construction projetée ». Par contre, on a l'impression qu'il y a une inversion entre la façade rue et la façade jardin...(Archives municipales 2T10)
Ci-dessous, les plans.

Façade sur rue (mais en fait façade sur jardin). Plan 1926

 
Coupe, projet 1926

Un nouveau courrier parvient au cabinet du Maire le 26 octobre 1927. Le toit terrasse reste, mais la distribution des pièces est modifiée, le garage et l’escalier extérieur disparaissent. (Archives municipales 2T11).
Ci-dessous, plans et situation comparative avec deux photos

Façade sur jardin. 1927

 
Façade sur rue. 1927

 

Coupe.1927


Comparaison des deux façades sur jardin, 1926 et 1927


Surélévation de la maison 2 impasse Coëtlogon. 1950
Le 11 avril 1950, R-H Stamp agissant pour le compte de sa fille, B. Piaget, demande la délivrance d’un permis concernant une surélévation à entreprendre sur la maison du 2 impasse Coëtlogon dont il est devenu l’usufruitier après un acte notarié. « La direction technique des travaux est assurée par M. Bernard Datcharry, architecte D.P.L.G, 9 bis avenue Raymond Croland, Fontenay-aux-Roses (Seine), sans aucune participation financière de l’État» précise M. Stamp. Il s'agit de remplacer la toiture terrasse par des combles mansardées. L’autorisation est délivrée le 17 mai 1950.(Archives municipales 2T77)

Ci-dessous, papier à en-tête, devis estimatif, plan de situation et photo comparative.


 




 

Façade sur rue. 1950

Façade sur jardin. 1950

Comparaison entre le plan de 1950 et l'état en 2024. Photo RF

Souvenirs, souvenirs

Souvenirs familiaux (Iris Stamp) :
« De l’impasse Coëtlogon, un élégant portail en fer forgé s’ouvrait sur un petit jardin donnant directement sur la porte principale. Cette partie de la maison était orientée au Nord-Ouest et constituait l’entrée principale. Une porte latérale donnait accès à l’arrière de l’immeuble, le plus privilégié par le site. C’est de ce côté que se situait l’agréable salon avec ses hautes portes fenêtres donnant sur une terrasse cimentée. Le restant du rez-de-chaussée était essentiellement conçu à usage domestique et comportait également un logement pour les visiteurs, tandis que la famille occupait le premier étage, où la salle à manger centrale constituait le pôle de la vie familiale. 

Une particularité originale de cette pièce  était une ouverture octogonale dans le plafond, correspondant au plancher du bureau de Harry situé juste au dessus. Ce bureau était une petite tour, comme un belvédère, dont les fenêtres donnaient sur un toit plat. L’ouverture du plafond de la salle à manger était protégée des poussières de l’étage au dessus par un voile de fine mousseline et elle était entourée d’une rambarde en bois. Cette disposition ingénieuse permettait à Harry de rester près de la famille tout en travaillant… »

« Plus bas, le long du boulevard, de petits trains à vapeur sur une voie unique, assuraient un service régulier entre Saint-Brieuc et Paimpol, procurant un divertissement constant aux enfants. »

« Louise soignait ses treilles, et elle planta une glycine sous le balcon… »
 

« Harry aimait beaucoup l’hospitalité et il était courant qu’il amenât à la maison pour déjeuner un hôte inattendu, et parfois une personne tout à fait étrangère. Souvent des personnes des environs étaient invitées à déjeuner ou à diner, telles qu’un jardinier démuni, une veuve solitaire ou un ouvrier du dépôt de charbon de Harry ».
 

Une maison de famille

D'après les souvenirs familiaux, l'ambiance était souvent joyeuse et accueillante dans la maison du Rayon de Soleil. Et dans la famille Stamp, on aimait faire des blagues, y compris aux visiteurs de passage ! Il était difficile de réunir tout le monde mais pendant l’été 1950, une réunion de famille rassembla tous les enfants, leurs conjoints et six petits-enfants.

 

Seconde maison, 10 impasse Coëtlogon 1952-1954
Le 10 mars 1952, R-H Stamp demande la délivrance d’un permis concernant la construction d’un pavillon d’habitation et d’un garage à entreprendre au 10 impasse Coëtlogon, sur un terrain situé à l’angle du boulevard Harel-de-la-Noë et de la Vieille Côte du Légué, figurant au cadastre sous le numéro 124p et 125p, dit « La Bosse ».
C'est effectivement un terrain avec une forte dénivellation, on s'en rend compte en étant au croisement du boulevard Harel-de-la-Noë, en apercevant la maison sur la hauteur (voir la photo contemporaine ci-dessous).  

La direction technique des travaux est assurée par M. Bernard Datcharry, architecte. Le certificat d’achèvement des travaux est consigné le 6 mai 1954. (2T224 archives municipales)

Ci-dessous : plan de situation, façades.


 

Façade ouest, plan 1952

 

Façade Est, plan 1952

Au fond de l'impasse, on aurait du mal à dire que c'est la maison dont les plans ont été dressés par l'architecte, surtout en l'absence de tourelle. Mais observant la façade Est de la maison, on s'aperçoit que c'est bien elle : même nombre de fenêtres, deux colonnes au premier étage. 

Par contre, tout n'a pas été réalisé comme le plan le prévoyait : un seul escalier extérieur et donc absence de tourelle du côté sud.

Le 10 de l'impasse de Coetlogon. Photo RF Février 2024

Au milieu des années 60, Harry Stamp vend son affaire et une grande partie du terrain de la maison, en particulier le verger et le court de tennis, et il fait don du local de rue Harel-de-la-Noë. Il quitte Saint-Brieuc à l'été 1970 et décède peu de temps après.

 

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A suivre sur ce blog

L'histoire de l’Église évangélique dans la suite de l’Église Bonne nouvelle de M. Stamp, ici

 

Sources

Archives municipales, dossier des permis de construire.
 

Le fil d'Or, Iris Stamp.

Localisation de l'emplacement de la Salle de Bonne Nouvelle, avec Google street, 44 boulevard Harel de la Noé, en cliquant ici

 

Complément, Bernard Datchary

Biographie complète rédigée par Marie-Laure Crosnier Leconte  sur le site : Datcharry, Bernard (21/05/1892 - ) - Agorha
Agorha https://agorha.inha.fr

 

Bernard Datcharry, né à Olargues (arrondissement de Saint-Pons, Hérault) le 21 mai 1892, fils de Jean Baptiste Datcharry, gendarme, et de Catherine Folléas. En tant qu'architecte, il est subventionné par le département du Vaucluse et la Ville d'Avignon entre 1911 et 1922. Plus tard, il devient architecte à Fontenay-aux-Roses, Hauts-de-Seine entre 1931 et 1962 ; architecte fonctionnaire à la Direction des Services d'architecture et d'Urbanisme de la Préfecture de la Seine de 1925 à 1953, architecte divisionnaire principal de la Ville de Paris et de la Préfecture de la Seine, architecte départemental adjoint de la Ville de Paris...

samedi 14 décembre 2024

Solveig Hansen (1916), une protestante à Saint-Brieuc

 

Solveig Hansen, photographiée à 107 ans et un jour ! Le 24 mai 2023.

Ouest-France 17 juin 2024

Solveig Hansen est la fille d'Oscar Hansen et Anna Hansen.
Elle est née le 23 mai 1916 (Plérin, 22) et baptisée au temple de Saint-Brieuc le 27 août 1916 par le pasteur Roux. Elle se marie civilement le 27 mars 1943 avec Jean Huck (1er juin 1914 à Montrouge-1963). Quelques jours plus tard, la cérémonie religieuse, présidée par le pasteur Yves Crespin, a lieu
au temple de St Brieuc le le 30 mars 1943.

La photo ci-dessous a été prise au moment du mariage de Solveig et de Jean. Debout en partant de la gauche, on a son père, Oscar Hansen ; Mlle Manac'h ; Thorleif ; des réfugiés de Paris ; avant dernière à droite Anna Hansen ; tout à fait à droite Jean Scarabin avec son chapeau. Au premier rang, accroupis, Einar et à droite Erling Hansen.

Mariage de Jean Huck et de Solveig Hansen. Maison de la famille Hansen au légué. Mars 1943. Photo S. Hansen


Solveig et Jean vont avoir plusieurs enfants : Lydie (née le 26 décembre 1943, baptisée le 17 mai 1959 au temple de St Brieuc par le pasteur Paul Marquer) ; Hélène (née le 27 mai 1945) ; Édith (née le 21 novembre 1946 à St Brieuc, présentée au Temple de St Brieuc le 29 mai 1949, cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer) ; Étienne (né le 21 décembre 1952), Sigrid (née le 19 octobre 1955, présentée au Temple de St Brieuc le 2 février 1958,  cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer). 
Édith s'est mariée en 1968 au temple de St Brieuc avec Yvon Renault (voir photos dans la page sur l'histoire de la paroisse 1938-2012)


Solveig Hansen, des souvenirs recueillis en 2019, 2020, 2023.

Solveig Hansen a été remarquée dans la presse locale, à plusieurs reprises, en raison de sa longévité. Pour ses 100 ans en 2016, puis pour ses 102 ans, des articles ont parlé d'elle dans Ouest-France. En mai 2020, alors que l'épidémie de covid 19 était encore présente, elle a pu fêter ses 104 avec quelques proches.
De mon côté j'ai souhaité la rencontrer pour évoquer plus particulièrement les aspects de sa vie en lien avec le protestantisme. Nous avons passé plus de trois heures une première fois, dans un dialogue ininterrompu, à évoquer ses souvenirs de jeunesse, son éducation, ses premiers pas dans la communauté protestante, ses souvenirs des différents pasteurs et des familles protestantes avec qui elle était liée, l'arrestation des membres de sa famille en 1943... 
Certains moments étaient vraiment vertigineux, Solveig racontant ses souvenirs d'il y a plus de 80 ou 90 ans et de mon côté, je pouvais l'aider à compléter ses lacunes avec mes connaissances acquises des archives protestantes étudiées depuis ces trois dernières années. 
Par exemple :
-Ah, oui, la fille de M. Bird, je m'en souviens, je l'ai eu comme professeur d'anglais au Cours de jeunes filles.
-Vous voulez parler de Maud?
(tout ça se passe à la fin des années 20 !).

En mai 2023, au lendemain de l'anniversaire où elle avait fêté ses 107 ans, une longue conversation permit d'éclairer encore quelques points de l'histoire du protestantisme à Saint-Brieuc. Elle m'a encore sidéré par sa mémoire phénoménale ! J'ai pu vérifier et compléter ses propos à l'aide de nouvelles recherches en remontant jusque dans les années 1930. Mais elle était un peu fatiguée, ayant vécu un déménagement  dans un nouveau bâtiment de l'Ehpad quelques jours auparavant.

Le 28 septembre 2023, tout était rentré en ordre, Solveig coloriait une page de l'album "Le dessin zen" quand je suis entré. On a bavardé un peu de tout, de son jeune frère Thorleif, 98 ans, toujours en Norvège ; de Miss Cave une protestante australienne revenue à St Brieuc après l'Occupation ; de M. Stamp, un pasteur baptiste des années 30-40 dont elle a été heureuse de voir une photo que j'avais trouvée il y a peu de temps... Nous avons évoqué plus en détail l'histoire de son beau-père, Adolphe Huck, colporteur évangélique à l'Eglise baptiste de Paimpol. Ayant besoin de mes lunettes pour lire un document, je lui ai suggéré amicalement d'utiliser aussi les siennes car il serait temps de les user un peu, étant quand même dans sa 108e année ! Solveig a encore fait preuve ce jour-là d'une vivacité intellectuelle exceptionnelle et d'un sacré humour.

Solveig Huck (née Hansen). Le 19 novembre 2019. Photo R. Fortat

 


Être une enfant protestante
"Ma vie a changé à l’arrivée de la famille Manach au Légué en 1924. Les trois filles, Madeleine, Paulette et Yvonne sont venues à l’école des filles au Légué avec moi. Je n'étais plus la seule protestante et heureusement car parfois on me mettait de côté à cause de ça. Je jouais surtout avec Paulette Manach. Cette situation n’a duré que quelques années,  Monsieur Manach est parti ensuite à Perros en 1928 pour l’évangélisation de la région car il parlait breton.
Nous allions aussi à l’école du dimanche au Temple. Il y avait mes deux frères et les enfants des familles Scarabin et Stamp. Plus tard, j'ai continué de voir les sœurs Manac'h à différentes occasions".


Solveig Hansen, école primaire de filles. Le Légué.


Erling Hansen, Yvonne Manac'h, Mme Manac'h, François Manac'h, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen

Einar et Erling Hansen, Maïe, Oscar et Anna Hansen.  Devant, Solveig et Thorleif Hansen, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen




Mon entrée dans la vie active
"En 1933 en fin de la classe de 3ème, j'ai arrêté mes études au Lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc pour perfectionner mon anglais car je savais que je pourrais en avoir besoin. Comme à cette époque il y avait beaucoup de relations avec les gallois, j'ai profité que mon père connaissait bien un capitaine qui transportait du charbon de Cardiff jusqu'au Légué pour aller au Pays de Galles dans cette famille protestante. Mon frère Einar y est allé aussi. De notre côté, nous avons accueilli la fille de ce capitaine, Humphreys, et elle est venue avec moi au Lycée de jeunes filles de St Brieuc.

De retour au Légué, après mon séjour au Pays de Galle, j'ai appris tout ce qui pourrait me servir pour travailler au port (sténo, dactylo, comptabilité). Mon frère Einar avait un poste pour moi, pour travailler dans une compagnie assurant la ligne régulière entre Le Havre, Cherbourg, Granville, la côte nord de la Bretagne. Einar a fait toute sa carrière au Havre au siège de la compagnie et moi je suis restée à Saint-Brieuc. Au moment de la guerre, les liaisons maritimes ne fonctionnaient plus et j'ai dû trouver un autre emploi, comme surveillante à l’École Normale de filles, boulevard Lamartine de 1939 à 1941. Les troupes allemandes ayant réquisitionné le bâtiment, je suis retournée au Légué, chez mes parents."


La rencontre avec mon futur  mari, une histoire protestante
"Au Temple, je fais la connaissance de Jean Hück dont les parents habitent Sainte-Barbe, entre Plouëzec et Kérity, à côté de Paimpol. Son père fait partie de l’Église évangélique. Dans leur maison à Sainte- Barbe, ils ont une petite salle indépendante où ils font les réunions protestantes. Plus tard, au temple, Jean s'occupera de l'école du dimanche.
Jean a fait des tas de métiers différents et puis il est devenu secrétaire comptable chez un ingénieur, protestant également, M. Ernest Prigent.  Ce dernier a lancé la fabrication d’agglomérés de construction polis, ne nécessitant pas de crépi. Quand son fils, Pierre, a fait sa thèse, il m'a demandé de lui taper sur ma machine à écrire".


En partant de la droite, 1er rang, la soeur de Jean, Jean Huck, accroupie avec un bébé, Solveig Hansen.


Solveig et Jean Huck. Photo Solveig Hansen


La solidarité entre protestants 
"En 1927-1928, mes parents ont attrapé la typhoïde ; tous les enfants et une amie galloise qui passait l’hiver chez nous, on a été hébergées par la famille Scarabin qui avait une maison dans la rue à côté du temple de St Brieuc.
En 1942-1943, je travaillais chez un représentant en vin. Il m’avait envoyé à Paris. Comme nous avions eu de bonnes relations avec le pasteur Théophile Roux, je suis allée dormir chez lui à Meudon. Je me souviens qu’il est venu me chercher au métro avec une lanterne. Le matin Mme Roux m'a apporté une pomme à manger, posée dans une assiette, à éplucher avec couteau et fourchette !
En 43, quand je suis allé à la prison de Rennes, pour apporter un colis à toutes les personnes de ma famille qui avaient été arrêtées, je suis allée chez le pasteur faire une pause et on est revenu par le train dans la journée.
"


Les arrestations en 1943
"J’ai su après l’arrestation de mes parents que mon mari avait été arrêté en même temps chez M. Prigent. Ils avaient pris Erling chez lui, le pasteur Crespin, Einard chez M. Le Bigot et mes parents.
Mais là il y a une petite histoire  humoristique : du fait que c’était la guerre, on avait une chèvre, il fallait du lait pour le troisième enfant de mon frère. Mes parents et ma belle-sœur avaient acheté une chèvre et c’est ma mère qui la trayait. Ma mère partie, ma belle-sœur et moi on ne savait pas ce qu’on allait faire.
Deux soldats allemands étaient restés fouiller la maison quand mes parents étaient partis. C’est l’un d’eux qui a trait la chèvre
Il y en a un qui a fouillé la maison, c’est ma belle-sœur qui était chargée de la visite. Ils sont allés au grenier, ils sont allés dans le jardin. Je savais que mon jeune frère Thorleif avait caché un vélo allemand dans le grenier. Il y avait un ceinturon dans un faux fond d’un tiroir d’une armoire. Il y avait un pistolet enterré dans le poulailler.
Pendant que ma belle sœur faisait faire le tour, moi j’étais en train de prier parce que je ne savais pas ce qui allait en résulter !
Mais ils n’ont rien vu car ils allaient avec autre chose dans l’idée. Ils voulaient trouver un poste radio pour émettre vers l’Angleterre…"


✋ Trois vidéos ont été réalisées ce 19 novembre 2019 et elles sont accessibles avec les liens ci-dessous mais il faut ouvrir un compte Viméo.

Extrait 1 L'arrestation des membres de la communauté protestante en 1943

Extrait 2 Le voyage jusqu'à la prison de Rennes en 1943 pour apporter des colis 

Extrait 3 La perquisition de la maison de la famille Hansen au Légué


✋ Une vidéo a été réalisée le 10 décembre 2019 et elle est accessible avec le lien ci-dessous (avoir ouvert un compte Viméo pour la visionner).
Extrait 4 La période où exerçait le pasteur Yves Crespin 



Document : Le début de la guerre
Au départ de Daniel Manac'h, Einar et Erling Hansen en juillet 1939,  Solveig Hansen a écrit un texte dans ce moment où l'histoire semble basculer dans le chaos :





"Septembre 1939. C’est la guerre !
Erling et Einar doivent partir ainsi que Daniel Manac’h qui est avec nous au Légué. Nous sommes dans la cour et avant le départ, Daniel lit le psaume 121.
Je lève les yeux vers les montagnes
D’où me viendra le secours ?
Le secours me vient de l’Éternel
Qui a fait les cieux et la terre
Il ne permettra pas que ton pied chancelle
Celui qui te garde ne sommeillera pas
Voici, il ne sommeille ni ne dort
Celui qui garde Israël
L’Éternel est celui qui te garde
Il est son ombre et sa main droite
Pendant le jour, le soleil ne frappera point
Ni la lune pendant la nuit
L’Éternel le gardera de tout mal
Il gardera ton âme
L’Éternel gardera ton départ et ton arrivée
Dès maintenant et à jamais.

"C’est un psaume qui m’a suivi jusqu’à ce jour." 11 avril 2017 et 14 mai 2023.



Un article de Ouest-France du 4 juin 2016.


Solveig Huck, résidente à l'Ehpad des Ajoncs-d'Or à Plérin, affiche une forme détonante. Un peu étonnée d'avoir franchi le cap du siècle, elle raconte sa vie avec une mémoire intacte.

"Je suis née au Légué, le 23 mai 1916, de parents norvégiens. J'avais deux frères, un troisième est arrivé neuf ans plus tard. Mon père était comptable chez les courtiers maritimes du port, maman nous élevait. À 17 ans, j'ai quitté le lycée pour passer huit mois dans une famille au Pays de Galles. À mon retour, j'ai appris la sténo, la dactylo, la comptabilité. J'ai travaillé avec mon frère qui était agent dans une compagnie maritime au Havre.

Quand la guerre est arrivée, le trafic maritime s'est interrompu. Je suis devenue surveillante à l'école normale des filles. Puis les Allemands ont occupé la place, les élèves ont été hébergées chez l'habitant. Je suis retournée au Légué, et je me suis mariée en mars 1943. Le 2 novembre de cette année-là, mon mari, mes parents et mes frères ont été arrêtés par la Gestapo et emprisonnés à Rennes. Ils sont revenus une semaine avant Noël, sauf mon frère aîné, parti à Buchenwald : c'était le docteur Hansen, bien connu des Briochins et des Plérinais de l'époque.
Le 26 décembre 1943 naissait ma première fille. Deux autres filles ont suivi, en 1945 et 1946, Etienne, le futur potier, a pointé le nez en 1952, et Sigrid a clos la série trois ans après. En 1959, mon mari a pu acheter une charge de courtier maritime. Mais, hélas, il décéda quatre ans plus tard. J'ai eu la chance de pouvoir prendre sa suite et de travailler jusqu'à ma retraite.
En 2013, je suis rentrée aux Ajoncs-d'Or. Je m'y sens bien, j'ai beaucoup d'activités comme l'atelier tricot et la couture. Je lis beaucoup. Mes enfants m'invitent le dimanche, je passe une heureuse vieillesse. Et ma famille vient de s'agrandir : j'ai aujourd'hui dix petits-enfants et dix arrière-petits-enfants ! »

 
Le 18 août 2018, autre article dans Ouest-france pour ses 102 ans !
Solveig Hück, cent ans de mémoire du Légué

À 102 ans, Solveig Huck a vécu 98 ans au Légué. Elle y a exercé différents métiers, a vu l’évolution du port. Et a toujours gardé un lien avec la mer.
De l’arrivée des voitures à charbon à la réfection du port, en passant par l’occupation allemande, la vie de Solveig Huck s’entremêle avec celle du Légué. Elle y a vécu 98 ans.
À aujourd’hui 102 ans, quelques noms d’anciennes connaissances commencent à lui échapper. Mais le regard est encore clair et les gestes, vifs.
« Quand mes parents se sont installés, vers 1920, la maison n’avait pas l’eau courante. Alors mon père a installé une pompe, et a monté le tuyau jusqu’au grenier ! »

Un an à l’étranger

C’est dans cette maison qu’elle a vécu toute sa vie. Et c’est dans cette même maison qu’habite, encore aujourd’hui, l’un de ses cinq enfants.
Dans les années 1930, alors qu’elle a 18 ans, elle quitte pourtant le nid familial. « Je suis partie en Angleterre pendant neuf mois, pour apprendre la langue. Et j’ai passé l’été en Norvège » sourit-elle. Rien d’exceptionnel pour elle, dont les deux parents sont norvégiens.
À 21 ans, après un passage à l’École normale, elle commence à travailler pour le savon Briochin. Puis elle commence à travailler « aux bassins » avec son frère.
« C’était du cabotage entre Morlaix et Le Havre. On recevait beaucoup de café vert ! se souvient-elle en tapant doucement du poing sur la table. Il fallait payer pour venir récupérer les marchandises. »
Mais tout change en 1939. « Avec la guerre, il n’y avait plus de bateaux. Je suis devenue pionne à l’École normale pendant deux ans, avant que le bâtiment ne soit réquisitionné par les Allemands… »
Jusqu’en 1943, elle travaille alors pour un représentant de vins. « Je me déplaçais souvent en train, avec mon vélo. C’est pour ce métier que j’ai appris à en faire, à 25 ans ! D’ailleurs, il y avait une gare au Légué, côté Plérin, juste sur la place. »

Un commerce transformé

Un soir, en rentrant, elle trouve la maison vide. « C’était le 1er novembre 1943. Mes parents étaient sur le pas de la porte. Je n’ai même pas eu le droit de les embrasser. » Son frère est déporté à Buchenwald. Il en reviendra, en mai 1945.
Avec la fin de la guerre, Solveig Huck continue de travailler comme commissionnaire agréée en douane. « Ah, j’en ai dédouané des 2 CV ! Il y en avait beaucoup qui venaient d’Algérie, au moment du rapatriement ! »
Une partie des marchandises est encore, à ce moment-là, stockée à la maison du Bosco, une ancienne maison d’armateur, qui sert aujourd’hui de local à l’association du Grand Léjon. Mais presque plus rien n’arrive par bateau.
À la mort de son mari, elle passe l’examen pour devenir courtier maritime, alors qu’elle a 47 ans. Elle prend sa retraite à 61 ans.
Des vies multiples, dans un endroit qu’elle affectionne. Et peu de doutes concernant le futur du Légué. « C’est vrai qu’il y a encore peu de temps, le port périclitait. Chaffoteaux est parti, les dockers ont disparu… Les maisons étaient abandonnées. »
Aujourd’hui, le lieu a retrouvé des couleurs. « Ce ne sont pas les mêmes activités. Les déchargements se font plus vite, on reste moins longtemps… Mais le Légué continue à vivre. C’est ça qui compte. »


Liens

Article dans ce blog sur Oscar Hansen, cliquer ici

Sources

De nombreux éléments de l'histoire de Solveig Hansen ont été recueillis lors d'entretiens à Plérin en 2019, 2020, 2023. Les photos viennent d'un album souvenir offert par ses enfants et petits-enfants.

Les archives de Ouest-France et du temple protestant ont également été utiles.

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