mardi 19 décembre 2023

Kérity en Paimpol, un temple protestant


 

Temple de Kérity en Paimpol. Photo R.F
 

Le temple de Kérity a une longue et intéressante histoire, il est d'origine baptiste. De nos jours, c'est une église évangélique baptiste affiliée, en particulier, à la fédération protestante de France.
Le temple se situe au 36 rue du professeur Jean Renaud, à l'entrée de Paimpol quand on arrive de Plouézec.


Un missionnaire gallois à l'origine
A Kérity en Paimpol, on note l'existence d'un temple protestant gallois. Son histoire est racontée le 30 mars 2018 dans le journal Regards protestants :

"L’histoire de l’Église évangélique baptiste de Paimpol reste plus que jamais liée au monde anglo-saxon. La proximité des côtes anglaises avec ce joli port de pêche breton explique sans doute ce lien. Mais pas seulement. En quelque 114 années, sur un total de huit pasteurs, cinq sont issus du monde anglo-saxon, du Royaume-Uni à l’Irlande en passant par les États-Unis. 
Tout débute à l’automne 1902 lorsque Charles Dickinson Terrell traverse la Manche en compagnie de sa femme Mabel pour venir évangéliser la région de Paimpol. Ce pasteur en provenance de Bristol fera construire le premier temple en bois en 1905 à Coatmer. Ce temple sera démonté et remonté à Paimpol en 1913 rue de l’Enfer (cela ne s’invente pas) aujourd’hui renommée rue de Goas Plat. 

A cette époque, les cultes dominicaux débutent. « En 1920, arrive l’homme clé de cette paroisse, Caradoc Jones. Un pasteur missionnaire gallois baptiste originaire de Cardiff, qui assurera son ministère pendant pas moins de 46 ans. Soutenu par Pioneer Mission, institution anglaise, Caradoc Jones donne son essor à la communauté baptiste. Celle-ci pourra acheter un terrain et faire construire le temple actuel au 36 de la rue du Professeur Jean Renaud », raconte Charles-Frank Thomas, pasteur de la paroisse, lui-même américain et parlant merveilleusement le français (Ouest-France).
 
Recensement 1936 Menguen en Kérity, vue 25. Archives 22 en ligne

 

Caradoc Jones, photo sur le site de l'Eglise de Plougrescant

 
L'inauguration du temple
Le temple est construit en 1929 et 1930 et l'inauguration donne lieu à des festivités où la population est invitée le 1er septembre 1930.

30 août 1930, Journal de Paimpol, vue 74. Archives 22 en ligne.

 
30 août 1930, Journal de Paimpol

 
Couverture du programme de l'inauguration du temple de Kérity 1930

 
Programme de l'inauguration du temple de Kérity en Paimpol. 31 août et 1er septembre 1930. Archives de la paroisse de St Brieuc

En observant le document ci-dessus, on notera que de nombreuses personnalités du monde protestant de cette époque ont apporté leur contribution pour cette inauguration du temple de Kérity :
M.A Mathews, les prédicateurs Dr A. M’Caig de Londres, M. Chas Phillips de Londres, le pasteur Théo Oriol de Paris, le pasteur Caradoc Jones, le pasteur S. Daullé de Brest, le pasteur Somerville de Morlaix, les prédicateurs J. Williams de Quimper et E. Benignus de Lorient.
 

Les années 30-40-50
En 1931 l'Almanak mat ar vretoned, en langue bretonne et en français, mentionne le pasteur baptiste, M. Mathéus qui dirigeait un culte chaque dimanche à 13 h dans la chapelle située route de Kérity. Il s'agit tout simplement du pasteur Mathews !
 
Dans l'entre deux-guerres, Caradoc Jones sera aidé dans sa mission par un colporteur évangélique Adolph Huck (1882-1959), colporteur évangélique à l'Eglise baptiste de la rue Meslay à Paris 3e puis au 48 de la rue de Lille (7e Arr) dans l'Eglise d'Arthur Blocher. Il était le père de Jean Huck (1914-1963) et le beau-père de Solveig Huck-Hansen.
Le pasteur Arthur Mathews aidera aussi grandement au développement de cette communauté. « Ces trois hommes feront équipe pendant une quarantaine d’années et formeront la communauté. A l’époque l’église était pleine », indique Charles-Frank Thomas. 
 
Notons aussi qu'à Plouha, en 1936, une petite maison de location servait de lieu de culte. Le vicaire du pasteur de Kérity y habitait et devait y rassembler quelques personnes. Le curé de Plouha mentionne ce fait et indique que quelques-uns de ses paroissiens assistent "plutôt en curieux" à ces moments de prières. 
En juillet 1938 de nombreuses paroisses protestantes vont intégrer l’Église Réformée de France. En Bretagne, St Brieuc, Perros, St Servan-St Malo et Quimper font ce choix mais les baptistes de Morlaix et Paimpol resteront en dehors de ce mouvement.
Au début des années 50 M. Chapellaz de Paimpol va régulièrement épauler le pasteur Omnès à Plougrescant et Caradoc Jones fera de même.


Le temple

Sur la route de Kérity, on a encore l’ancienne boulangerie de Fautin Le Berre, « Au Minguen ». À la suite d’un incendie en 1927, le boulanger a vendu des terrains à l’association de Caradoc Jones.

À l’entrée du temple, on trouve quatre pierres, et quelques noms : Caradoc Jones, Arthur Mac Caig, Morgan Davies, un véritable héritage Gallois en terres bretonnes. Le temple protestant de Paimpol, c’est une austérité voulue, où statues et reliques ne trouvent pas leur place : « Tu ne feras pas de représentation quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, de ce qui est en bas sur la terre, de ce qui est dans les eaux plus bas que terre », disait le Chapitre 20 de l’Exode.

À l’intérieur, seuls bois et blanc se mêlent au culte. Avec toutefois cette particularité Paimpolaise : « Des versets de la Bible qui ornent les murs », note Geneviève Cleuziat, présidente de l’association de l’Église Évangélique Baptiste. Au fond, un baptistère remarquable, en marbre pour permettre l’immersion totale de tout nouveau membre à la communauté.(Ouest-France 20 février 2017)

Photo Ouest-France 2017

Photo Ouest-France 2017


L'orphelinat
 
L'oeuvre du pasteur Jones comprenait aussi un orphelinat ouvert quand le temple de Kérity a été mis en fonction. Un article du Télégramme donne la parole à deux personnes qui ont connu l'orphelinat, Yves Le Bihan et Madeleine : « C’était un homme simple, se souvient Yves Le Bihan, qui a pu côtoyer le pasteur à l’orphelinat de Goas Plat. Il s’est saigné pour faire entrer de l’argent du Pays de Galles, et pour construire ce Temple. Il voulait le bonheur des gens »... «C'était Miss Cave, une Anglaise aisée qui avait tout vendu pour subvenir aux besoins de l'orphelinat, qui s'occupait de nous, se souvient Yves, ému. Jamais un mot plus haut que l'autre, j'en garde un merveilleux souvenir. » Mais au moment de l'Occupation, elle doit repartir en Angleterre et le pasteur, Caradoc Jones, est placé sous surveillance. C'est Mrs Matthews, une Française, épouse d'un autre pasteur, qui reprend le flambeau. «Tout le monde l'appelait Tante Germaine et elle faisait des miracles pour trouver un peu de viande. Les commerçants de Paimpol étaient solidaires», se souvient Yves. (extraits de Ouest-France)
 
Des décennies plus tard, Madeleine et Yves Le Bihan sont complices et se retrouvent à l'office de l'église évangélique, tous les dimanches. Ils témoignent de leur vie dans l'orphelinat protestant de Paimpol dans Le Télégramme du 15 octobre 2012
Yves Le Bihan a vécu son enfance à l'orphelinat de Paimpol. Madeleine Le Roux y a travaillé. Malgré les moments difficiles, notamment pendant la guerre, ils s'en souviennent comme d'un endroit chaleureux et formateur.

Madeleine et Yves. Le Télégramme 15 octobre 2012


 
Après Caradoc Jones  
Caradoc Jones termine son pastorat en mai 1967 où se déroule un culte d'adieu. Le pasteur Jones meurt deux ans plus tard, le 12 janvier 1969.
Obsèques de C.Jones, avis le 31 janvier 1969 Ouest-France

Brian-Russel Jones prend la suite...
Maurice Decker est le premier pasteur français de l’église évangélique de Paimpol en 1970, Pierre Boulanger en 1979, Philippe Hamon, Michael Mac Gowan, prendront alors sa suite. Fabio Morin, pasteur de Lannion a aussi dirigé des offices quand il n’y avait plus de pasteur attitré sur Paimpol dans les années 2000. Après une décennie sans pasteur, Franck Thomas, venu des Etats-Unis reprend la tête de cette paroisse en 2017.
Le pasteur Franck Thomas à Kérity.18 novembre 2017 Ouest-France

En 2018, le pasteur Charles Du et son épouse prennent la suite de Franck Thomas.
Le Télégramme 22 septembre 2018

L'histoire continue....

 
Le saviez-vous ?
 
Dans l'histoire de la communauté baptiste de Paimpol, nous retrouvons, dans le recensement de 1931 au bourg Huguen à Kérity, Jean Huck, futur mari de Solveig Hansen et Adolph Huck, son beau-père. Solveig est une personnalité de la communauté protestante de Saint-Brieuc, un article lui est consacré (cliquez ici).
 
Recensement 1931 Kérity, vue 6. Bourg Huguen. Archives 22 en ligne

Adolphe Alphonse Huck est né le 9 février 1882 à Paris 14e arrondissement. Il s’est marié le 8 juin 1912 à Paris dans le 6e arrondissement avec Adèle Marie Randin (1889-1966). Le couple aura trois enfants : Andrée (1913-2008), Jean (1914-1963) et Daniel-Paul (1920-1965).
 
Ci-dessous, on peut voir au centre Jean Huck, au moment de son mariage avec Solveig Hansen. Adolphe Huck, est tout à fait à droite portant un chapeau, son épouse est la 4e personne à partir de la droite.
Photo Solveig Hansen.
 
Adolphe Huck est décédé le 3 juillet 1959 à Paimpol.
 
Obsèques A. Huck. 4 juillet 1959 Ouest-France


   
Retour au sommaire, ici 
 
Sources  

Maison du diocèse De Saint-Brieuc, archives, Questionnaires cote 3F11a et 3F11b. 
 
Article dans Regards protestants (cliquer ici)
 
Le Télégramme du 15 octobre 2012 

Article dans Ouest-France, 20 février 2017, cliquer ici

Almanak mat ar vretoned 1931, cliquer ici




Article : Paimpol et ses premiers protestants, observés par le pasteur Théophile Roux en 1908, sur le site de Jean-Yves Carluer, cliquer ici.

Entretien avec Solveig Huck, 28 septembre 2023
 
Histoire de l'Eglise de Plougrescant, ici
 
Site de l'Eglise de Kérity, cliquer ici 
 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire