vendredi 13 septembre 2024

Georges Bessis (1915-1945), éducateur, protestant et Résistant

Venu en Bretagne, à côté de Dinan, pour prendre la direction d'une maison de jeunes délinquants, Georges Bessis est arrêté en 1943 dans le cadre d'une vaste rafle qui touche le milieu protestant avec dans les personnes les plus en vue le docteur Hansen et le pasteur Crespin. Georges Bessis sera déporté et ne reviendra pas des camps de la mort.

Un hommage a été rendu aux déportés et fusillés du Hinglé en mai 2024 (cliquer ici)


 

Les années de jeunesse

Georges Amran Bessis est le fils d'Henri et Georgette Bessis. Il est né d'un père marocain et d'une mère originaire de Morlaix. Ses parents se marient à Casablanca en 1914 où Georges est né lui-même, un peu plus tard le 9 avril 1915. 

C'est au Maroc qu'il fait la connaissance du scoutisme unioniste qu'il fréquente avec son frère, prénommé comme son père, Henri.

Carte d’Éclaireur unioniste de Georges Bessis.1929 Photo famille Bessis

Carte d'Eclaireur unioniste de Georges Bessis.1929 Photo famille Bessis

Georges Bessis se convertit, se fait baptiser par le pasteur Jean Jousselin et s'engage dans le protestantisme. Ses écrits de jeunesse révèlent une personnalité tournée vers le mysticisme, le Christ est son modèle.

Sur le plan professionnel, il travaille dans une étude de notaire et suit des cours de droit le soir.

 

La Guerre

Georges Bessis va être pris dans le tourbillon des années où la guerre se prépare. 

Il effectue son service militaire à la caserne Bessières, Porte de Saint Ouen, en 1936 (classe 1935).


 

Après ses deux années de service, il est mobilisé en mars 1939. Il se marie le 6 novembre 1939 au Temple d'Alençon avec Adeline Doranlo, éducatrice de jeunes enfants à Paris rencontrée dans le milieu du scoutisme protestant. 

Photo de mariage 1939

 

Alors que la guerre est imminente, il consigne ses réflexions dans un carnet.


 

Sa Compagnie est sur le front de guerre lors de l'attaque des allemands le 24 mai 1940. La Compagnie et le reste de l'armée reculent vers Lille le 26 mai et elle est plusieurs jours sous les obus. Georges Bessis est blessé par des morceaux d'obus qui le touchent aux bras et à la tête le 31 mai à Haubourdin. Il est évacué vers l'hôpital Saint-Sauveur dans les faubourgs de Lille où il est opéré le 4 juin. Réformé le 14 août, il rentre à Paris. 

 

Son frère, Henri Eugène Moïse BESSIS, est tué le 14 mai1940 à Haguenau dans le Bas-Rhin alors qu'il est ambulancier dans l'armée au 81e bataillon de chasseurs à pied. Henri Bessis était né le 25 août 1913 à Paris 9e arrondissement, il avait 26 ans...

 

La rencontre avec Jean Jousselin

Revenu dans le milieu protestant à Paris après sa blessure, il établit une relation forte avec le pasteur Jean Jousselin, pasteur de La Maison Verte en 1941, rue Marcadet dans le 18e arrondissement. C'est Jean Jousselin qui le baptise en 1941 et qui lui propose alors un poste d'évangélisation avec la Mission Populaire Evangélique. 

JeanJousselin a créé le Comité protestant des Colonies de Vacances en 1943 qui permettra d'organiser le sauvetage de 85 enfants juifs. Jean Jousselin sera désigné comme "Juste entre les Nations" en 1980. 
 
Jean Jousselin est Commissaire national des Éclaireurs Unionistes et Directeur du Centre de Jeunesse de Sillery à Savigny-sur-Orge. C'est l'école des cadres de la Jeunesse.

J. Jousselin recrute Georges Bessis.
Il travaille avec Jean Laborey au Ministère de la Jeunesse dont dépend le Centre.

Georges Bessis est d’abord éducateur puis Directeur adjoint, puis Directeur du centre de formation de Sillery (de septembre/octobre 1940 au printemps/été 1941) qui prépare des futurs directeurs de centres de jeunes chômeurs en 3 semaines 24/24, ces Centres sont répartis dans toute la France pour échapper au Service du Travail Obligatoire.
Il dirige neuf camps de Sillery d'août 1940 au mois de mars 1941. Il est nommé Chef de Centre pour la quatrième session de formation à Sillery le 24 octobre1940.

Georges Bessis est ensuite nommé Directeur d’un centre de formation au Château de Montry (Est de Paris), début avril 1941, toujours pour former des responsables de centres de jeunesse jusqu’à la fin de l’été 1941.
 

Georges Bessis, chef du Centre rural de Montry.1941

 

Dans le journal Ici les Jeunes on trouve un compte-rendu de l'ambiance dans la septième session de Sillery, dirigée par Jean Jousselin. La promotion prend le titre de Ténacité.

Au paragraphe Des constructeurs, c'est de Georges Bessis dont il est question :

"Il faut aussi rendre hommage au chef de Centre Bessis, à son adjoint Meillant, et à son jeune chef de chantier Masse. Jeunes parmi les jeunes ils ont su nous faire réfléchir, par des mots d'ordre appropriés et utiles, au relèvement du pays. Aujourd'hui, nous sommes convaincus que la vie n'est pas plus pour certains un fardeau, que pour d'autres une série de plaisirs, mais qu'elle est pour tous un service et que, même au milieu des dés illusions de l'existence, elle vaut la peine d'être vécue lorsqu'on a la patrie à soutenir et un patrimoine à défendre".

Publication Ici les jeunes. 8 février 1941

Le 7 mai 1941, Jean Jousselin est révoqué  de son poste au Ministère de la Jeunesse pour des problèmes politiques et reprend du service pastoral à Montmartre à la mission populaire « La Maison Verte ».

Jean Jousselin en 1945


Georges Bessis travaille alors pour le Ministère de la Jeunesse (de septembre 1941 à mars 1942), au Château de Madrid (en bordure du Bois de Boulogne), il s’agit de l’Ecole Supérieure des Cadres pour les adolescents et les jeunes chômeurs puis à Marly le Roi (Château du Val Fleuri) en tant que Directeur adjoint, le Directeur est M. Thiebault.


Une nouvelle orientation professionnelle

Après la rencontre avec Jean Jousselin, Georges Bessis va faire la rencontre de Charles Péan, Major de l’Armée du Salut. 

Charles Péan de l'Armée du Salut.

Charles Péan est sollicité pour aller voir ce qu’il serait possible de faire pour améliorer un centre de délinquants proche de Dinan dans les Côtes-du-Nord. Cette histoire est racontée dans le livre Ker-Goat. Le salut des enfants perdus.

Dans la préface du livre Charles Péan lui-même raconte son arrivée sur les lieux :

« C’est ainsi qu’en décembre 1941, dans les Côtes-du-Nord, je découvris une ferme sordide, flanquée de baraquements lépreux : le « Centre du Hinglé ». Il faisait froid et les pluies saisonnières avaient transformé les chemins en fondrières. Encadrés par quelques très jeunes gens, inexpérimentés et dévoués, des enfants étaient là, loqueteux, sales, malheureux, au nombre de quarante à cinquante, de 14 à 15 ans.

Plusieurs étaient couchés de jour et de nuit, faute de vêtements et de sabots, et parce qu’ils avaient froid. Il n’y avait pas d’eau, sauf celle apportée à bras d’homme ; pas de lumière, sauf celle des courtes journées d’hiver ; pas de lits, sauf d’immondes grabats…

Il n’y avait ni principes, ni méthodes, ni argent, ni  vivres… Bref tout manquait, sauf le mépris des voisins, l’inquiétude des autorités, l’antipathie des notables. Tout était décevant, repoussant.

Je fus consterné. Je ne pouvais me défendre d’établir certaines analogies entre ce que j’avais vu tant de fois au bagne de Cayenne et ce qui était ici. La perspective d’un autre combat à livrer m’était insupportable. Je voulus fuir, retourner chez moi à Paris… »


Le découragement de Charles Péan n’est que de courte durée et pensant au sort de ces jeunes, il entreprend d’accepter cette mission :

« La tâche fut dure. Il fallut tout changer : quitter les locaux impropres, rompre avec les habitudes mauvaises, renouveler les cadres…

Enfin, au printemps 1942, comme des tâches plus étendues m’éloignaient peu à peu de la Bretagne, j’installais au Centre Georges Bessis, un homme, un chrétien, un chef".


Le 3 février 1942, Georges Bessis est appelé à se présenter pour prendre la direction de cette maison de jeunes délinquants placés après avoir été jugés.

Il se rend à Ker Goat, au Hinglé, proche de Dinan, dans le cadre de l’Association pour la Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence des Côtes-du-Nord.Le centre est composé d'une très grande maison, une sorte de petit château, et de baraquements placés les uns contre les autres dans la lande.

Lever du drapeau à Ker-Goat. A gauche, les baraquements des jeunes et à droite, ceux des adultes. Photo Robert Basset

 

Nouvelle direction, nouvelles méthodes

Georges Bessis prend la direction le 11 mars 1942, il a 27 ans.

Rapidement, il institue de nouvelles règles et de nouvelles méthodes car à cette époque les faits de maltraitance sont courants dans le milieu de l'éducation des jeunes délinquants envoyés par les tribunaux.

Georges Bessis. Le Pays de Dinan 2016. Photo Robert Basset

Toujours dans le livre Ker-Goat. Le salut des enfants perdus, Henri Joubrel qui a succédé plus tard à Georges Bessis raconte son arrivée à Ker Goat :

« Un jeune homme, brun, athlétique, descend l’escalier. Il est vêtu d’un blouson bleu marine, d’une culotte courte et de bas blancs. Il se présente :

Georges Bessis, chef du centre.

Quelques mots d’accueil, puis il s’excuse, car c’est le moment du rassemblement.  Nous sortons sur le perron. Une cloche s’agite longuement, et fait sauter un écureuil dans les branches d’un hêtre… 

Une multitude de sabots claquent dans les allées. Comme par enchantement, six filles de dix garçons apparaissent soudain groupées face au chef ».


 

La vie quotidienne à Ker-Goat

Les baraques, logements des gars.


La poussinière où Adeline Bessis faisait la classe. Noëlle Bessis  y aurait appris à lire

 

"Sport-Hébertisme derrière les baraques" : marche, course, saut...

Le 12 septembre 1943, évolution sportive à Ker Goat.

 
1945 Moment de détente dans la piscine naturelle d'une carrière

 

12 septembre 1943, le Président Harivard en visite à Ker-Goat


Ker-Goat dans la presse

Le journal Le petit Parisien, dans son édition du jeudi 12 août 1943 va publier un reportage sur l'expérience éducative menée à Ker-Goat sous la direction de Georges Bessis.

 



Une enquête du Petit Parisien : l’aide à l’enfance malheureuse.
Partie III. Près de Dinan, une œuvre admirable épargne aux enfants condamnés l’affreuse promiscuité des colonies pénitentiaires.
Extraits...

Le journaliste Edmond Tourgis se pose la question du placement des petits délinquants dans des colonies pénitentiaires  « sans même qu’il ait été recherché s’il ne demeurait pas en eux une parcelle de bon terrain ? ». Il plaide pour un discernement dans les peines et dans le fait que tous les enfants ne devraient pas être mélangés car certains peuvent s’en sortir mieux que d’autres : « La répression excessive a ses dangers, singulièrement quand il s’agit d’enfants. La colonie pénitentiaire, n’est-ce pas comme si on envoyait soigner des pneumonies auprès de tuberculeux ! ».
Une description de « Ker-Goat , centre fraternel » donne vie à cette idée généreuse :
« Près de Dinan, le centre d’éducation de Ker-Goat reçoit les petites délinquants âgés d’au moins treize ans et peut les garder jusqu’à vingt ans, selon la décision du tribunal.
Dans les bois qui entourent le village du Hinglé (Côtes-du-Nord) ce centre est une ferme. Fondé sur de louables initiatives, l’établissement est devenu officiel depuis qu’un délégué du commissariat à la Famille le dirige.
Comme les enfants placés ici cultivent eux-mêmes « leurs terres », ils sont convenablement alimentés, et il suffit de voir leur visage pour n’en pas douter. Ils ont quelque chose de plus, et qui est l’idée maîtresse de cette œuvre : ils oublient qu’ils sont des condamnés puisque ceux qui les dirigent l’oublient eux-mêmes.
Pas de garde-chiourme au Hinglé ; les mains n’ont pas de trique, elles se tendent fraternellement.
Ils sont là trente-cinq, répartis en équipes selon leur choix. Les uns, la plupart, travaillent la terre, d’autres la pierre parce qu’une carrière de beau granit bleuté est toute proche. Il en est qui apprennent le métier chez le menuisier et le forgeron du village.
Deux jeunes hommes sont adjoints au directeur comme chefs de chantier. Le responsable de chaque équipe est choisi parmi ceux des enfants qui se sont révélés les plus désireux, donc les plus aptes, à redevenir le plus rapidement et pour toujours d’honnêtes gars.
Placés là par décision de justice, ces enfants ont l’illusion d’être à peu près libres. Le dimanche ils sortent avec une permission désignant l’endroit où ils ont demandé à aller. Et ils rentrent à l’heure. Il n’y a jamais eu jusqu’ici la moindre tentative de fugue.
M. Bessis, le directeur, habite Ker-Goat avec sa jeune femme et leur fille.
-Nous prenons nos repas avec eux au réfectoire, me dit-il. Je me suis imposé cela pour le « climat ».
Excellente chose en effet, que ce directeur aiguillant, sans en avoir l’air, jusqu’aux franches conversations des repas. Quant à la présence parmi ces pauvres enfants déchus d’une jeune femme et de son bébé, c’est pour eux une atmosphère familiale dont ils apprécient confusément la douceur..."



 

La Résistance

En Bretagne Georges Bessis ne tarde pas à prendre des contacts avec la Résistance. On apprendra plus tard qu'il faisait partie d'un réseau organisé de résistance appelé Libération.

On peut dire aussi qu'il avait une certaine proximité avec les protestants les plus engagés comme le docteur Hansen et le pasteur Crespin de St Brieuc qui  eux aussi, seront arrêtés dans le cadre d'une opération coordonnée. Son dénonciateur dira au procès, le 26 juin 1945 après-guerre, qu'il avait vu Georges Bessis au cabinet du docteur Hansen.

Georges Bessis dirigera Ker Goat jusqu'au 2 novembre 1943, jour où il est arrêté pour possession d'un poste émetteur. D'autre part "ses sentiments anglophiles étaient considérés comme dangereux pour les jeunes de son centre". (Fiche de l'Association Flossenbürg)

 

La Déportation

Fiche de Georges Bessis à Flossenburg. Source Arolsen

Dans un premier temps, Georges Bessis est détenu à St Brieuc puis à Rennes jusqu'au 17 janvier et il est  transféré vers le camp de Compiègne (départ le 22 janvier 44) avant d'arriver à Buchenwald en Allemagne le 24. 

Georges Bessis, Erling Hansen et Yves Crespin vont rester très unis jusqu’à leur transfert vers des camps différents.

Tout le temps où Hansen, Bessis et le pasteur Crespin étaient ensemble, ils se retrouvaient chaque jour dans le camp de Buchenwald pour prier. Erling Hansen raconte, en 1994, un moment qu’il n’a jamais oublié :

« Nous sentions confusément, que notre séparation pouvait survenir à tout moment ; comme d’habitude nous étions seuls tous les trois dans notre baraque ! Cette fois le pasteur semblait plus inquiet, comme s’il pressentait cette épreuve de la séparation, et que celle-ci allait survenir !

Après nos prières à tous les trois, faites pour notre église, nos familles, et pour nous-mêmes, le pasteur Crespin voulut nous communiquer ses appréhensions, d’abord, ses vœux ensuite, pour Bessis et pour moi.

Avec toute sa force de persuasion, et toute sa foi communicative, il nous dit : « Nous allons bientôt être séparés, ceci va-t-il être notre dernière rencontre ? Je ne sais, mais quoi qu’il arrive, de toute la force de mon âme, je demande une chose à celui ou ceux qui survivront à cette déportation, à toi Erling, à toi Georges, si je meurs de me remplacer pour l’annonce de l’Évangile…

Très émus, unis par les mêmes pensées, en nous tenant les mains, Crespin nous dit alors : « Rappelons-nous toujours chers amis, que quoiqu’il arrive à l’un ou l’autre, nous nous retrouverons ensemble là haut avec le Seigneur ».

Cette séparation fut définitive, chacun ayant été désigné pour un commando différent, nous ne nous sommes jamais revus ici-bas".

Georges Bessis est transféré à Flossenbürg le 24 février 1944. Affecté au Kommando de Johanngeorgenstadt, dépendant de
Flossenbürg, le 6 mars 1944 d'où il est évacué le 16 avril 1945, par train. 

Le kommando de Johanngeorgenstadt est évacué le 16 avril 1945, par train. Départ le soir à 20 h. Le 18, arrêt en gare de Neu Rolhau (Nova Role). Débarquement et marche le 19 jusqu’à Karlsbad (Karlovy-Vary). Stationnement du 20 au 25 en gare. Reprise de la marche le 26 par Doubi, Rokov, Bochov, Lubenec, Dolansky, Zilhe et Blatno. Embarquement sur train à Blatno jusqu’à Lovosice, près de Theresienstadt (Terezin).

Après plusieurs jours de marche forcée, Georges Bessis arrive à Terezin (Theresienstadt) le 6 mai 1945. Il est libéré par les Russes à Terezin dans la nuit du 8 au 9 mai 1945 mais décède du typhus à l’hôpital à Terezin le 12 mai 1945. Il avait 30 ans.

Il sera accompagné jusqu'à sa mort par Jacques Adam qui survivra et pourra ainsi témoigner des derniers moments de Georges Bessis. (voir ci-dessous)

22 Août 1945 Témoignage Jean Adam.


A titre posthume, Georges Bessis sera médaillé de l'Ordre de la Libération par décret du 31 mars 1947.



Attribution de la Médaille militaire à Georges Bessis. 1960.


Attribution de la Médaille militaire à Georges Bessis. 1960


Les traces de Georges Bessis dans la mémoire collective

Un hommage a été rendu aux déportés et fusillés du Hinglé en mai 2024 (cliquer ici)

Le nom de Georges Bessis figure sur le monument aux morts de Dinan et sur celui du Hinglé.

Monument aux morts à Dinan. Georges Bessis, déporté.

 

Une rue Georges Bessis a été donnée au Hinglé (22).

La presse locale a relaté la visite de Noëlle Bessis, fille de Georges, lorsqu'elle s'est rendue au Hinglé le 20 juin 2017.

Sur la photo Ouest-France ci-dessous, on reconnait Jacqueline Bessis, nièce de Georges Bessis, Noëlle Bessis fille de Georges Bessis, Danièle Tréggia amie d’enfance de Noëlle et Gérard Berhault, maire du Hinglé. (ci-dessous un peu plus bas, la famille Tréggia en 1936, extrait du recensement)

 

Noëlle Bessis, 2e à gauche. Photo Ouest-France 20.06.2017

 

1936, famille Tréggia, recensement Le Hinglé, archives 22

Le centre de Ker Goat a été nommé Centre d'éducation Georges Bessis-Ker Goat.  

En 1951, Ker Goat déménage dans la propriété du château de Pont-Phily à Pleurtuit (Ille-et-Vilaine).

 

Centre Georges Bessis à Pleurtuit. Carte postale Musée de Bretagne

 

Ker Goat après Guerre

La bienveillance et le chant font partie des nouvelles façons de faire avec les jeunes pour Paul Lelièvre, le successeur de Georges Bessis et son adjoint Jacques Dietz.

 

Trois responsables de Ker Goat. De gauche à droite, Georges Bessis, Leininger (?) et Paul Lelièvre. Le Pays de Dinan 2016. Photo Robert Basset

 

Une chorale est montée et ce projet va transformer durablement l'ambiance dans le centre. Les répétitions se déroulent en plein air quand le temps le permet ou en salle.

Chant en plein air à Ker Goat

La chorale à Ker-Goat

Dietz dirige la chorale

 

En plus des photos qui nous sont parveues, on peut imaginer le déroulement de cette expérience à travers le film La cage aux rossignols (1944). C'est cette expérience qui sera également la source d'inspiration du film Les choristes en 2004.


1947 25 janvier Ouest-France Brest

Les enfants semblent radieux !

Juste après-guerre, la chorale de Ker Goat va acquérir une certaine renommée en Bretagne puis dans toute la France, en Suisse et à la radio. La chorale fait une prestation remarquée à la Salle Pleyel à Paris.


 
La chorale devant la Salle Pleyel ? à vérifier...

L'article ci-dessous de Ouest-France daté du 9 juin 1947 relate une soirée se déroulant au Théâtre municipal de Dinan. Dans la  première partie, le public a pu écouter une conférence de Henri Joubrel, commissaire des Eclaireurs de France, délégué à la sauvegarde de l'Enfance.

M. Joubrel a fait "un exposé sur les nouvelles méthodes utilisées au centre de Ker Goat, notamment pour rendre aux enfants, qui lui sont confiés, leur place normale dans la société".

Dans la deuxième partie, la chorale interprète son répertoire.

 

9 juin 1947 Ouest-France

 

La chorale de Ker-Goat vers 1950. Photo Musée de Bretagne

 

La chorale sur Scène

Photo famille Bessis

 

Photo famille Bessis


Photo famille Bessis



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A suivre...

Erling Hansen, cliquer ici

Yves Crespin, cliquer ici 

 

Sources 

De nombreux documents seront disponibles aux archives départementales des Côtes d'Armor après le versement de la famille Bessis en juin 2024.

Entretiens téléphoniques avec Noëlle Bessis, mai et juin 2020 à l'occasion de la sortie sur le livre Le pasteur Crespin, un chrétien dans la Résistance.

Documents fournis par Noëlle, la fille de Georges Bessis. 

Articles de Ouest-France : 26 juin 1945 et 20 juin 2017

Le Pays de Dinan, 2016, article de Robert Basset.

Site Mémoire des Hommes, médaille, ici et publication au J.O du 29 janvier 1948.

Mariage enregistré le 6 novembre 1939 à Damigny dans l'Orne, fiche Généanet, ici

Marie Adeline Doranlo, épouse de G. Bessis, fiche Généanet, ici

Sites internet sur le pasteur Jean Jousselin et La Maison Verte.

Document sur Jean Jousselin pendant l'Occupation, ici

Charles Péan, sur Wikipédia, ici  

A noter, mention de Georges Bessis dans le livre d'Eric Rondel "Zeller, un espion pour le IIIe Reich".

Biographie de Paul Lelièvre, directeur jusqu'en 1963 du Centre Georges Bessis, ici

Souvenirs de Paul Lelièvre dans une vidéo, ici

Ker-Goat, site Enfants en justice, ici

Georges Bessis est cité dans le "Livre Mémorial des Déportés de France" de la F.M.D. Tome 2 (I.172) p 17

Ker-Goat, Le salut des enfants perdus, livre en Pdf, ici

Photo du musée de Bretagne et notice complète très détaillée, cliquer ici

Parents de Georges Bessis : son père Henri, cliquer ici ; sa mère Georgette Delire, cliquer ici

 


Documents sur la déportation de Georges Bessis

  N° Matricule à Flossenbürg : 6858 et à Buchenwald : 42681

Fiche de Georges Bessis à Buchenwald. Source Arolsen

Fiche de Georges Bessis à Buchenwald. Source Arolsen
Fiche de Georges Bessis à Flossenburg. Source Arolsen

 
Fiche de Georges Bessis à Flossenburg. Source Arolsen

 

Ci-dessous, on peut remarquer la mention de la personne à joindre, son épouse "Frau B. Adeline".

Fiche de Georges Bessis à Flossenburg. Source Arolsen

  

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vendredi 6 septembre 2024

Gertrude Zerna (1911-1964), née Bong, une protestante allemande réfugiée à Etables. 1939

 

Gertrude Lisbeth Bong

Des allemands ont résisté au nazisme de différentes manières, on l’oublie trop souvent. L’histoire qui suit est celle de Fritz Zerna, né à Berlin en 1908 et de son épouse Gertrude Bong. Ce couple de protestants fuit l’Allemagne nazie mais ce n’est pas un acte de démission. Un rapport préfectoral de 1946  mentionne simplement qu'ils partent d'Allemagne "pour se soustraire à l’oppression nazie" et ils ne veulent plus vivre dans une Allemagne contraire à leurs valeurs . On ne dispose pas (encore) d’explications plus précises de la part de leur entourage, mais le dossier de naturalisation de Gertrude Zerna, conservé aux archives départementales des Côtes d’Armor, témoigne de l’engagement de Fritz Zerna qui donnera sa vie pour la France, et de Gertrude qui deviendra française après-guerre, après avoir vécu des années à Etables-su-Mer.

 

En Allemagne

Gertrude Lisbeth Bong est née le 11 juin 1911 à Berlin, elle est la fille d’Otton Bong né le 4 décembre 1874 à Berlin et de Clara Nitschke née le 7 janvier 1876 à Berlin. Elle exerce comme caissière et vendeuse aux Magasins Lenser, 47 rue d’Orania à Berlin.

Elle se marie avec Fritz Zerna, né le 10 août 1908 à Berlin. Le mariage a été célébré le 11 mars 1931 à Berlin.

 

Fuir l'Allemagne nazie et s'engager

D’après un rapport transmis au Préfet des Côtes-du-Nord, le 18 août 1945 par Théodore Lorvellec, inspecteur de la Sûreté Régionale, « En 1934, à l’instauration du régime nazi, Zerna et sa femme rentrèrent en France. Zerna travailla à Paris comme maçon jusqu’à la déclaration de guerre le 1er septembre 1939. Le 6 septembre, il s’engagea dans la Légion étrangère pour combattre sous notre drapeau. Il est actuellement en Indochine". 

 

Réfugiée en Bretagne

Suite du rapport de l'inspecteur de la Sûreté Régionale : "Au départ de son mari, Mme Zerna, avec son fils, Peter Uvé (Uwe) Zerna, appelé aussi Pierre, né le 8 mars 1936 à Saint-Maurice (Val de Marne), devenu français à la suite d’une déclaration enregistrée au Ministère de la Justice […] s’installa chez des amis à la Ville-Gautier en Étables. En novembre 1942, en raison de sa nationalité et du départ de son mari, elle fut contrainte par les autorités allemandes d’aller travailler en Allemagne".


Tables décennales, naissance Saint-Maurice. Zerna Pierre, page 121

Mme Zerna et son mari ont donc résidé en France, comme réfugiés, à partir du 5 mai 1934 à Paris (3 rue du Borrego XXe arrondissement. Puis, Mme Zerna et son fils, mais sans son mari, sont restés du 3 septembre 1939 au mois de novembre 1942 à Étables-sur-Mer dans les Côtes-du-Nord. (Dans le détail la famille Zerna a habité boulevard de la Chapelle à Paris (Hôtel des voyageurs de mai à septembre 1934 ; à Saint-Maurice, Grande rue de septembre 1934 à septembre 1936 ; à Paris rue Borrigo de septembre 1936 à mars 1938 ; à Paris, passage de Patoria de mars 1938 à septembre 1939).

Dernière ligne, recensement Saint-Maurice 1936. Zerna Frtiz. Vue 123

Recensement Saint-Maurice 1936. Zerna Gertrude. Vue 124

 

Retour forcé en Allemagne

Pendant la guerre et durant deux ans et demi, Mme Zerna est partie pour un séjour forcé en Allemagne, sur pression de la Gestapo. Elle a exercé de novembre 1942 à mai 1945 comme sténo-dactylo  au Wirtschaftsgruppe-Maschinen, près du Tiergashen  à Berlin puis dans le même groupe à Wurthemberg quand l’entreprise s’est repliée à la suite de bombardements.

 

Après la Libération

Après la guerre, en 1945, le régiment de son mari combat en Indochine. Mme Zerna revient en France chez ses amies d’Étables. Elle n'a pas trop de nouvelles de son mari, soldat engagé volontaire depuis la déclaration de guerre le 6 septembre 1939 au 5e Régiment étranger. Pire, elle ne semble pas savoir que son mari est décédé en Indochine. En effet, le 10 mars 1945, Fritz Zerna, soldat de 2e classe, matricule 86345, du 5e R.E.I, est mort pour la France à Hagiang dans le Tonkin, tué par les forces armées japonaises. Il est enterré sur place.

Mme Zerna entre en France le 17 juillet 1945 par le point de passage de Strasbourg. Le retour au mois d’août 1945 est favorisé par le contrat de travail d’un an comme aide ménagère contracté avec Mlles Eleanor Scott et Hélène Babut, deux protestantes qui résident à Étables. Le certificat d’embauche est signé par Eleonor Scott le 4 octobre 1945 et son permis de séjour est validé par le Maire d’Étables le 8 octobre 1945. Mlles Scott et Babut l’embauchent comme femme de ménage moyennant le logement, la nourriture pour elle-même et son fils. Elle effectue aussi des travaux de couture chez différentes personnes d’Étables.

Certificat d'embauche. 4 octobre 1945. Archives 22

Document manuscrit de Mme Zerna. 7 août 1945. Archives 22


Obtenir des papiers d'identité

Pour les Zerna, vivre en France a nécessité de se conformer avec la loi encadrant le séjour des étrangers. Gertrude Zerna obtient dans un premier temps des papiers le 16 août 1934.


D'autres papiers sont obtenus par Mme Zerna et enregistrés en 1939 et 1940.

Récépissé de demande de carte d'identité. 1940. Archives 22

Carte d'identité 1940. Archives 22

Puis, après-guerre, c'est un visa à durée limitée, pour les étrangers, valable du 16 avril 1946 au 15 avril 1947, qui lui est octroyé, valable seulement dans le département des Côtes-du-Nord. 

Carte d'identité valable en 1946 et 1947. Archives 22


La procédure de naturalisation

Gertrude Zerna sollicite ensuite sa naturalisation française en septembre 1946 et elle établit un dossier à cet effet. L’enquête menée est très approfondie. Le Préfet indique dans son courrier au Ministre de la Population que « la postulante, veuve d’un Légionnaire « Mort pour la France » réside actuellement à Étables ». Dans une lettre manuscrite du 21 septembre 1946, le Préfet dresse un portait très complet de l’histoire de M et Mme Zerna. Le Préfet écrit qu’il « émet un avis très favorable » à cette naturalisation pour de nombreuses raisons mais on retiendra les suivantes: « Considérant qu’elle est bien assimilée par ses mœurs, son état d’esprit, ses sentiments et qu’elle parle couramment la langue française » et considérant « que c’est pour se soustraire à l’oppression nazie qu’elle a décidé, avec son mari, de s’expatrier, et qu’elle désire se fixer définitivement en France, dont le régime politique semblait le mieux convenir à ses convictions ». D’autre part « Mme veuve Zerna jouit de l’estime publique, et que son loyalisme envers notre pays ne saurait être mis en doute ». 

L’attestation délivrée par M. David, directeur de l’école d’Étables, a également bien contribué à favoriser cette naturalisation demandée. Son témoignage a d’autant plus de poids qu’il avait été durant la guerre le chef adjoint du maquis de Plourhan et le secrétaire du Comité Local de la Libération (C.D.I). Il rappelle que Mme Zerna est une « réfugiée politique » ayant eu « une attitude des plus loyale envers notre pays », contrainte de partir d’Allemagne car son mari était « anti nazi ». Il ajoute que « Durant toute l’Occupation, sa conduite fut exemplaire ; elle évita tout rapprochement avec les occupants. En 1942 elle fut contrainte, après avoir résisté de longs mois et sous la menace de la Gestapo, de rentrer en Allemagne ». L’ayant bien connue puisque son fils fréquentait son école, « Mme Zerna me dit alors son regret de quitter la France, elle me fit part de ses appréhensions au sujet de son fils élevé dans le culte de la France et ne me cacha pas son espoir de revenir un jour dans une France libérée ».

Le Préfet de police de la Direction de la police générale atteste  que « durant son séjour dans le département de la Seine, la conduite, la moralité et l’attitude du point de vue national de Mme Zerna n’ont donné lieu à aucune remarque défavorable ». (Courrier au Préfet des Côtes-du-Nord du 6 septembre 1946.) M. Émile Tardivel, inspecteur de la Police Régionale d’Etat souligne que « Tous les habitants d’Étables sont unanimes à déclarer que Mme Zerna est digne de recevoir la nationalité française… » (Courrier du 26 août 1946)

Mairie d'Etables, 5 septembre 1946. Archives 22

Enfin, par un décret du 14 février 1947 du Ministre de la Population, Georges Maranne, Gertrude Bong, veuve Zerna, est naturalisée française.

Dossier naturalisation. Archives 22

Interrogations

En l’absence de témoignage et de sources écrites, on ne peut que supposer que la religion protestante de Mme Zerna est certainement le point commun qui a permis le rapprochement de Mme Zerna avec Mlles Scott et Babut. Peut-être par des réseaux protestants à Paris où résidaient les Zerna ? La religion de Mme Zerna est attestée par un questionnaire rempli à Étables le 5 mai 1941 par Mlles Scott et Babut.

Dans la mémoire collective

Deux traces subsistent dans la mémoire collective de l’engagement de Fritz Zerna comme soldat tué au combat en Indochine : son nom figure sur le Monument aux morts d’Étables-sur-Mer et sur une plaque commémorative du Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus.

Monument aux morts d’Étables avec le nom de F.Zerna. Photo RF septembre 2024

 

Monument de Fréjus. Image Généanet

Pierre Zerna a poursuivi des études au Lycée Le Braz de Saint-Brieuc et lors de la distribution des Prix en 1953, il a reçu une bourse de séjour à l'étranger. (Ouest-France le 29 juin 1953)

Il a passé son Baccalauréat au centre d'examen de Saint-Brieuc au Lycée Le Braz, en section scientifique. Ouest-France a annoncé le 8 juillet 1954 qu'il était admissible et convoqué au Lycée de Rennes et le 4 juillet 1955, admissible pour la deuxième partie du baccalauréat.

Dernière ligne Zerna Peter. 1954

Et le 15 juillet 1959 dans Ouest-France, on apprend que Pierre Zerna a été reçu à son Certificat de physiologie animale à la Faculté des sciences de Rennes.

Dernière ligne, Pierre Zerna. 1959

Par une source sur le site de généalogie Généanet, on sait que Pierre Zerna s’est marié vers 1958, mais sans avoir la date exacte, avec Annette François, née le 15 octobre 1935 à Douchy dans l’Aisne.

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Sources
Entretiens avec Pierre Zerna, février 2024
 
Archives départementales des Côtes d'Armor, dossier naturalisations.
 
Archives en ligne du Val de Marne, commune de Saint-Maurice. Tables décennales des naissances et recensement 1936..
 
Site Génénanet

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