vendredi 1 novembre 2024

Les protestants militaires et prisonniers civils allemands entre 1914 et 1918 à St Brieuc


Entre 1914 et 1918, la présence d'un pasteur protestant à St Brieuc aura permis d'apporter un secours spirituel à des êtres humains emportés dans le tourbillon de la grande histoire, déracinés, isolés et rejetés. Soldats prisonniers hospitalisés ou simples civils enfermés dans des camps, ils seront traités dignement par le pasteur Théophile Roux.
 
Article de Ouest-France consacré à ce sujet le 11 novembre 2020, cliquer ici 
 

Les prisonniers militaires allemands à St Brieuc

Le premier convoi de prisonniers allemands est accueilli en gare de St Brieuc au début du mois de septembre 1914 par une population vindicative, les insultes pleuvent. Au deuxième convoi, la foule est moins injurieuse mais devant les blessés elle se tait, elle est calme. Des soldats allemands sont portés sur des brancards par leurs camarades valides.



Soldats allemands prisonniers arrivant à St Brieuc, certains seront hospitalisés. Archives départementales 22. 16FI 5222


Le pasteur Roux dans les hôpitaux
Pendant la Première guerre mondiale le pasteur Théophile Roux va être particulièrement actif auprès des militaires allemands soignés dans les différents hôpitaux de la ville de St Brieuc dans les Côtes-du-Nord. Il est aidé dans sa première année, en 1914, par Heinrich Zimmermann, un soldat allemand du 214ème Régiment d'Infanterie, matricule 188,  qui va lui servir d'interprète. Cet homme, fils d'un député du Reich, avait étudié au collège huguenot de Berlin. Malheureusement il décède le 17 janvier 1915 et rien ne dit comment le pasteur va pouvoir continuer sa mission dans les hôpitaux.



Henrich Zimmermann, Cimetière de l'Ouest de St Brieuc. Photo R.F

On ne sait pas si l'aide de son interprète lui permet de dialoguer avec les soldats qui le peuvent encore. La seule chose dont on soit sûr, c'est qu'il est appelé systématiquement pour les cérémonies d'obsèques. 
Certains soldats s'expriment en français et là, pas de problème pour communiquer avec eux. Ainsi, en 1914, le pasteur s'est entretenu deux fois avec Erich Wachs, étudiant en médecine, parlant un peu français. Cet aspirant lieutenant est mort quelques jours plus tard à l'Hospice le 24 septembre.
État civil : Erich Wachs, aspirant lieutenant allemand (prisonnier de guerre), 90ème régiment d'Infanterie, 11ème compagnie, matricule 267, domicilié à Wittemberg (district de Halle), décédé le 24 septembre 1914 à l'hôpital militaire de Guébriant, 30 rue de la gare St Brieuc.

Le 19 mars 1915, le pasteur écrit aussi à propos du soldat Oscar Paul Timmeler : " On m'avait fait appeler de l'hôpital à 2h30. Je l'ai vu ce jour-là très mal (péritonite). Le lendemain je l'ai vu encore. Il allait un peu mieux. Il est mort presque subitement".
Oscar Paul Timmeler, pionnier, 2ème bataillon, 2ème compagnie, matricule 242, né à  Künitz, district d'Iéna (Saxe), fils de Frédéric Timmeler et de Lina Gebhardt, domicilié à Mötzelpach, décédé à l'hôpital des Capucins à St Brieuc le 18 mars 1915.
 
 
Les 14 hôpitaux militaires de Saint-Brieuc en 1914-1918. Le Télégramme numéro spécial. 2014


On ne connait pas la fréquence des visites du pasteur mais malheureusement, une grande part des activités du pasteur Roux consiste à assurer une cérémonie conforme à leur appartenance religieuse pour les nombreux soldats allemands de confession protestante décédés dans les hôpitaux de la ville. La plupart du temps, ces soldats sont regroupés à l’Hôpital de la caserne Guébriant. L'infirmerie-hôpital a été ouverte le 19 septembre 1914, a été transformée en Hôpital Complémentaire n°91(HC) le 6 décembre 1914. Celui-ci a fermé le 2 février 1915. Pour bien le situer géographiquement, il faut savoir que c'est l'ancien Grand séminaire, transformé par la suite en caserne de gendarmerie, rue de la Gare. Les bâtiments ont été démolis dans les années 60 pour construire la caserne de gendarmerie actuelle. 
 
Pendant la Guerre 14-18, les cérémonies d’obsèques se déroulent généralement au dépôt de l’Hospice de St Brieuc. Puis ils sont inhumés au cimetière de l’Ouest, proche de l'hôpital.
Une seule fois en 1914, le pasteur Roux procède à une cérémonie d’obsèques au Lycée, aujourd'hui collège Le Braz (Hôpital complémentaire n°7).
 
Hôpital complémentaire 18. Archives de la maison des sœurs du Couvent du Saint-Esprit à Saint-Brieuc



Le pasteur Roux dresse ce récapitulatif terrible en fin d’année 1914, du 15 septembre au 31 décembre, il aura présidé à l’ensevelissement de 100 soldats (dont 99 allemands), 4 étrangers des camps du Jouguet et de St Ilan, 1 bébé d’une famille de réfugiés de Reims.

Le seul soldat protestant qui n'est pas allemand est George Sherlock, un soldat anglais, d'un régiment de fusiliers écossais, le Inniskillers Fusiliers Regiment, matricule 7319. Il était en traitement à l'hôpital auxiliaire N°201 de Mme Pitet, 4 Boulevard Laënnec et décède le 21 septembre 1914. Il est inhumé par le pasteur Roux le 23 septembre 1914 au cimetière St Michel à St Brieuc. 

Remarque : De nos jours, la tombe de George Sherlock tient une place tout à fait à part dans le cimetière St Michel. Quand on est face au monument dédié aux combattants de 14-18, la tombe est située juste devant à droite, avec un petit rectangle de gazon.
On peut lire sur la plaque: 7319 Private G. Sherlock. Royal Inniskilling Fus. 21 september 1914. 

 
Tombe du soldat G. Sherlock, un protestant anglais. Cimetière St Michel St Brieuc. Photo RF

 
Tombe du soldat G. Sherlock, Photo RF




La cérémonie s'est déroulée au temple, rue Victor Hugo, à quelques minutes du cimetière. Les autorités de la ville, la Préfecture et la garnison étaient représentées, de nombreuses personnes assistaient à la cérémonie.
La présence militaire d'un peloton, d'un piquet, parfois jusqu'à une quarantaine de soldats est signalée, pour les inhumations de soldats allemands. Il peut aussi y avoir le Maire ou un représentant de la municipalité, un médecin ou une personne de l'Hospice. 
Le premier enterrement d'un soldat allemand à St Brieuc par le pasteur Théophile Roux est relaté dans la presse de l'époque (Le Réveil, édition du 20 septembre 1914, page 12 de la série 1914 en ligne). Il n'était pas si fréquent en Bretagne d'assister à une inhumation selon le rituel très dépouillé des protestants. Le soldat Arthur Hänel est mort le dimanche 13 septembre à l'hospice général, 17 rue des Capucins à St Brieuc. Il a été enterré le mardi 15 septembre.
Arthur Georg Hänel, né à Freiberg le 13 juillet 1881, fils de Karl Hänel, marié à Julianne, domicilié à Freiberg, 23 Brandstrasse, décédé le 13 septembre 1914.


1914 20 septembre. Le Réveil. Archives 22. Photo RF


Pendant cette année 1914, de septembre à fin décembre, les inhumations s'enchaînent à un rythme effrayant, presque chaque jour dans l'après-midi, sauf le dimanche, le pasteur se rend au cimetière de l'Ouest pour procéder au rituel funéraire. Certains jours, ce doit être encore plus difficile pour lui, comme ce 7 décembre 1914. Il lui faut enterrer Hermann Hanssleïter, un jeune soldat qui se préparait à devenir pasteur, suivant les pas de son père professeur de Théologie en Allemagne. La tempête de pluie et de vent n'a même pas permis au pasteur Roux de dire un mot sur la tombe, comme il le fait habituellement !


Georg Schön, caporal, 138ème R.I, matricule 249, décédé le 18 octobre 1914. Cimetière de l'Ouest de St Brieuc. Photo R.F


En 1915, la situation des blessés allemands à St Brieuc change en début d'année. Au mois de février, les soldats allemands soignés à la caserne Guébriant, devenue l'hôpital temporaire n°91, sont évacués sur Plouguernével et Tréguier. L'hôpital Guébriant aura duré cinq mois en tout et a abrité plus de 1800 blessés, généralement des blessés graves. Le carré militaire allemand de Tréguier porte de nos jours la trace de ces 83 soldats décédés dans l'hôpital de cette commune de leurs blessures.
On ne peut affirmer aujourd'hui que les militaires allemands protestants inhumés à Tréguier ont pu bénéficier d'une cérémonie protestante car le pasteur Théophile Roux de St Brieuc ne se déplaçait pas dans ce secteur. Ensuite le pasteur Jean Scarabin, qui exerçait à Perros-Guirec, n'a pu avoir ces fonctions à cette époque. Il va être mobilisé de 1914 à 1916 puis partira en 1917 dans le Puy de Dôme, en raison de l'état de santé de son épouse.
Par contre le budget de l’Église Évangélique Bretonne mentionne en décembre 1913 des dépenses pour un loyer concernant un local où se tient un culte à Tréguier. Est-ce qu'au sein de cette église il y avait une personne pouvant assurer des inhumations?


Carré militaire allemand, cimetière de Tréguier (22) Photo R.F 2019

Du fait de ce déplacement des blessés, le bilan n'est donc pas le même en 1915 qu'en 1914, seuls 15 soldats allemands sont inhumés par le pasteur Roux ou par le pasteur R. Pfender (1) quand le pasteur Roux est en déplacement. Trois soldats sont morts de la fièvre typhoïde en janvier. 
Trois soldats français sont aussi inhumés par le pasteur Roux. Le premier est François Morillon (et non Mourillon comme inscrit sur le registre), originaire des Deux-Sèvres. Il avait été visité la veille de son décès le 7 janvier à l'hôpital militaire complémentaire n°18, (Hôpital du St Esprit), 20 rue des Capucins (fièvre typhoïde). 
François Lucien Morillon, soldat au 49ème régiment d'Artillerie, 3ème batterie, matricule 349. Né à Vitré (Deux Sèvres) le 28 août 1888, fils de Lucien Morillon et de Constance Larchier, époux de Armance Chauvet, domicilié à Vitré (deux Sèvres), décédé le 7 janvier 1915.

Le deuxième soldat est Maurice Lucas, né le 7 février 1879 à Cozes en Charente-Inférieure et décédé le 3 juillet 1915 à l'hôpital temporaire du Lycée (Hôpital militaire complémentaire n°7, 22 rue du Lycée St Brieuc). Ce jeune garçon de café à Paris avait été blessé d'un éclat d'obus à la tête. 
Maurice Lucas, soldat du 224ème régiment d'Infanterie, 6ème bataillon, 24ème compagnie, Matricule 1735, né à Cozes (Charente-Inférieure) le 7 février 1879, fils de Victorin Lucas et de Elise Ardon, époux de Antoinette Planty, domicilié au 232, rue St Denis, Paris 2ème Arrondissement.

Le troisième est un jeune originaire de la région, Louis Quintin-Bird, décédé le 30 novembre pendant son service militaire  des suites d'une maladie pulmonaire. La cérémonie s'est déroulée au 55 rue du Légué chez M. Bird, puis au Temple et enfin au cimetière St Michel à St Brieuc.
L'État civil indique que Louis Marie Quintin est né à Saint-Brieuc le 2 janvier 1885, fils de feu Julien Quintin et de Anne-Marie Philippe, époux de Béatrix Marie Bird, domicilié 1 boulevard Gambetta à St Brieuc, décédé le 30 novembre 1915 au 55 route du Légué (au domicile de la famille Bird). L'acte de décès est signé par Abraham Jean Bird, beau-père du défunt)


Médecine militaire, début du XXe siècle. Planche du Larousse en 2 volumes


En 1916, un seul soldat allemand, Ahnert Hermmann, est inhumé par le pasteur. Ce dernier note que ce jeune soldat est mort au dépôt des prisonniers de guerre et qu'il était venu au culte.
 
Un soldat français, le lieutenant Albert Grassot (né à Mornans dans la Drôme le 9 janvier 1863), est mort à l'Hôpital de Guingamp. La cérémonie qui s'est déroulée le 29 juin a rassemblé le chef de bataillon, les officiers du dépôt du 61ème et presque tous les hommes de ce régiment ainsi que les autorités civiles.

En 1917, aucune inhumation de soldat allemand n'est à signaler par le pasteur Roux. On note le décès d'un soldat suisse, Émile Visard, horloger de profession, habitant Le Moutier, mort de la typhoïde à l'Hôpital de Saint-Brieuc. "La famille de son patron, quelques suisses ses camarades ont suivi le corps."
Un service religieux a été rendu pour le soldat Armand Barillot, originaire des Deux-Sèvres, né le 28 juillet 1893, décédé à l'Hospice le 21 avril. Sa mère et sa sœur se trouvaient là avant le départ du corps à la gare de St Brieuc.

Plaque commémorative (Guerre 14-18). Cimetière de l'Ouest de St Brieuc. Photo R.F


En 1918, le premier décès d'un militaire est celui d'un américain, Kenneth Burr, décédé à l'hôpital mixte le 18 septembre. Le service a eu lieu au temple protestant.
 
État civil : Kenneth Burr, né le 28 mars 1888 Virginia USA, fils de Edward Harvey Burr et de Minnie Burr, caporal du 5ème Régiment d'Infanterie américaine, matricule 4100080, décédé à l'hôpital des Capucins de St Brieuc, enterré au cimetière de Lake View, Jamestown Chautauka County, New York. 
En cliquant sur Fiche (ci-dessous) vous pouvez voir le cimetière où il est enterré aux USA.
Fiche


 

En octobre, six soldats allemands sont inhumés suite à une épidémie de grippe infectieuse, cinq autres pour différentes causes dont deux sont morts à l'Hôpital de Guingamp.

Le dernier décès d'un soldat allemand est consigné le 3 janvier 1919 pour l'adjudant Kurt Bukhart, décédé la veille à l'hôpital où il était entré le 1er janvier.
 
Ainsi se termine, au début de l'année 1919, cet énorme travail du pasteur Roux auprès des militaires protestants pendant la Première Guerre mondiale. Tous ont pu être enterrés suivant le rite de leur religion et c'est une bonne chose. 
Cela nous amène d'ailleurs à une question sur les soldats de confession musulmane : ont-ils pu bénéficier d'un imam ou d'un coreligionnaire pour accomplir le rituel musulman à Saint-Brieuc ?  Cette question s'est posée au tout début des combats sur le Front au moment des inhumations de Tirailleurs sénégalais, marocains, tunisiens, algériens... Des instructions avaient été données en ce sens dès le 16 octobre 1914 par la Direction du service de santé  du ministère de la Guerre. Elles avaient été rappelées, pour transmission aux médecins-chefs des hôpitaux militaires et auxiliaires, par une circulaire du 8 décembre 1914.


Vue d'une partie des tombes du carré militaire allemand (Guerre 14-18). Cimetière de l'Ouest de St Brieuc. Photo R.F

Notons aussi qu'un autre cimetière militaire allemand, mais de la seconde guerre mondiale, se trouvait à Brélévénez (Lannion). Il a été désaffecté en 1950 et les ossements des 175 militaires allemands, autrichiens et russes ont été transférés à Ploudaniel près de Lesneven (29) dans un grand cimetière de regroupement où reposent 5831 soldats (Ouest-France 18 octobre 1950 et 8 mai 2015).

 
Le pasteur Roux et les prisonniers civils dans les camps

Dès le 1er septembre 1914, le Ministère de l'intérieur ordonne l'internement de tous les individus, hommes ou femmes, étrangers ennemis ou suspects. Dans les Côtes-du-Nord, un millier de personnes se trouvent rassemblées dans les deux camps proches de St Brieuc. En janvier 1915 ceux qui ne sont pas mobilisables (femmes, enfants, vieillards) sont rapatriés en Suisse ou vers le camp de St Ilan, à Langueux (2), où sont regroupées des familles. Le camp du Jouguet, à Plérin, regroupe alors environ 500 hommes venant d'Autriche et d'Allemagne, en âge d'être mobilisés. Beaucoup y resteront plus de 4 ans, en 1918 au moment de la fermeture du camp, ils étaient encore 350.


Liste d'internées allemandes. 1914 Camp du Jouguet. Archives départementales Côtes d'Armor


L'action du pasteur Roux pendant cette période porte sur les militaires hospitalisés à St Brieuc mais s'étend aux prisonniers civils étrangers (allemands, autrichiens, hongrois etc.), internés dans deux camps proches de la ville. Il s'agit tout d'abord du camp du Jouguet dans la vallée du Gouët, installé dans une ancienne filature. Le second camp se trouve à St Ilan

L’usine du Jouguet, dans la vallée du Gouët (©archives départementales 22)


Le pasteur Roux devait tenir des cultes ou des conférences au camp du Jouguet car il parle de ses "auditeurs" de ce camp. Les personnes qui y étaient retenues étaient des civils qui vivaient en France au début du conflit et que le gouvernement n'avait pas laissé partir en Allemagne. Leur périple les a amenés dans des conditions difficiles jusqu'à St Brieuc où ils se sont retrouvés enfermés dans ces deux camps de détention appelés "camp de concentration" par l'administration française. La vie quotidienne au camp du Jouguet est racontée dans le journal de bord d'un de ces prisonniers, Hugo Ringer, dans le livre "Boulevard des étrangers. Editions Les Archives Dormantes. 2018" (3).



 
Dans son récapitulatif de fin d’année 1914, du 15 septembre au 31 décembre, le pasteur Roux rédige consciencieusement une petite note sur chaque cérémonie et ajoute parfois quelques commentaires personnels sur le registre des décès conservé au Temple de St Brieuc.
Au total, en 1914, le pasteur Roux a présidé à l’ensevelissement au cimetière de l'Ouest de 4 étrangers des camps du Jouguet et de St Ilan :

-23 novembre, Gustave Fremd, 21 ans, mécanicien, né à Galtlingen en Allemagne le 9 avril 1893, mort de la fièvre typhoïde  (camp de St Ilan, décédé à l'Hospice le 22 novembre 1914)
État civil :  Gustave Fremd, 21 ans, mécanicien, né à Galtlingen (Allemagne) le 9 avril 1893, fils de Ernest Fremd et de Dorotéa Kaster, célibataire, décédé le 22 novembre 1914 à l'Hospice des Capucins.

25 novembre, Guillaume Linck, 72 ans, tailleur d'habits, né à Meiningen, Saxe, le 16 octobre 1842, habitant Paris, mort à l’hôpital (camp du Jouguet)
État civil : Guillaume Linck, tailleur d'habits, né à Meiningen (Saxe), le 16 octobre 1842, fils de feu Jacques Linck et de feu Sophie Ekar, célibataire, habitant Paris, mort à l’hôpital des Capucins, St Brieuc.

22 décembre Richard Schutze, électricien, mort à l'Hospice après quelques jours d'hospitalisation (camp du Jouguet)
État civil : Richard Schutze, né le 14 août 1860 à Werdau (Saxe), électricien, fils de feu Jules Schutze et de feu Marie Baugarten, époux divorcé de Phanie Nicolas, domicilié à Paris, mort le 21 décembre 1914 à l'Hospice des Capucins.

Inhumation le 31 décembre de Marie Bier (1895-1914), 19 ans, avec ses parents au camp de St Ilan, décédée le 30 à l'Hospice, "Sa famille, et des amis de connaissance de St Ilan ont pu assister à l'ensevelissement" (camp de St Ilan)
État civil : Marie Bier, née à Paris le 6 mai 1895, fille de Henri Bier et de feu Sophie Grun, célibataire, décédée le 30 décembre 1914 à l'Hospice de St Brieuc.

Curieusement Hugo Ringer (cité plus haut), sur cette même période, ne signale rien sur les morts du camp du Jouguet : "Puisque nous parlons de maladie, je voudrais immédiatement faire remarquer que l'état de santé dans notre camp est resté, jusqu'à présent, bon. Mis à part quelques refroidissements  habituels, il n'y a eu que peu de cas de maladies et il n'a fallu que rarement transporter quelqu'un jusqu'à l'hôpital de St Brieuc" (page 108)


 
Lettre du directeur des camps. Dossier 9R 54. 1918. Archives départementales des Côtes d'Armor




En 1915, les trois décès ne concernent que des personnes du Camp du Jouguet :
Inhumation le 24  février Georges Schaal (1837-1915), mort à l'Hospice le 22, "Son fils et petit fils de Paris, ont assisté à l'ensevelissement"
 État civil : Georges Schaal, né à miedelsbach (Wurtemberg) en 1837, fils de feu Georges Schaal et de ?, domicilié à Paris, décédé le 22 février 1915 à l'hôpital des Capucins à St Brieuc.

Inhumation le 2 avril Carl Zachariae (1862-1915), mort à l'Hospice, demeurait à Paris avant la guerre depuis 1903.
 État civil : Carl Zachariae (1862-1915), né à Bleëaff (province Rhénane, Allemagne) le 26 décembre 1862, fils de Auguste Zachariac et de Augustine Schaeffer, célibataire, domicilié à Paris, décédé à l'hôpital des Capucins à St Brieuc le 1er avril 1915.
 
Inhumation le 29 septembre Eugène Müller (1894-1915), né le 14 novembre 1894 à Totnau (Grand Duché de Bade), fils de Joseph Müller et de Anna Keller, célibataire, habitant à Paris, 18 rue de Maine, décédé d'une tuberculose à l'Hospice rue des Capucins le 28 septembre 1915, à l'âge de 20 ans.

Mais il n'y a pas que des mauvaises nouvelles et le pasteur Roux peut écrire le 26 mars 1915 : "Au camp de Saint-Ilan (étrangers) et au cours d'une assemblée religieuse assez nombreuse, le pasteur soussigné a baptisé Olga Lina Hartmann, née d'une dizaine de jours avant d'une mère, Mlle Lina Hartmann, fiancée à Christophe Disch, soldat dans l'armée française. Le vaguemestre M. François Nivet, de St Brieuc, est le parrain de l'enfant. La marraine, Mlle Françoise Moser, est une étrangère internée à St Ilan, comme la mère".
Le document ci-dessous nous donne d'autres renseignements sur la mère et sa fille, et surtout le dossier conservé aux archives nous renseigne sur l'origine alsacienne de la maman.


Renseignements sur Lina Hartmann. Dossier 4M 362 Archives départementales Côtes d'Armor.


 
En 1916, inhumation le 28 mars de Nikolaus Kanstein (camp du Jouguet). "Mort le 27 à 7h30 du matin à l'hospice. Le jeune homme de 19 ans, né à Brème le 26 juillet 1896, est mort de la fièvre typhoïde." Le pasteur indique ensuite que lorsqu'il a été appelé cinq jours avant sa mort, le jeune homme délirait déjà. Il écrit aussi : "je n'ai pu reconnaitre s'il avait été un de mes auditeurs de Jouguet". 
État civil Nikolaus Kanstein, né à Brème (Allemagne) le 26 juillet 1896, fils de Nikolaus Kanstein et de Louise Lorentz, célibataire, décédé le 27 mars à 7h30 du matin à l'hospice des Capucins à St Brieuc.

Le 7 août 1916, le pasteur procède à l'ensevelissement de Lajda Iran (camp de St Ilan). Le sergent du camp, un soldat et quelques prisonniers civils du camp ont accompagné le corps.
Cet autrichien d'une trentaine d'années s'est pendu le 4 août. Théophile Roux mentionne qu'il était neurasthénique et qu'il "se livrait seul à d'interminables travaux de mathématiques". 

En 1917, le pasteur baptise trois enfants d'une famille tchèque (ou hongroise?), internée au camp de St Ilan. Les parents, qui  habitaient Paris avant la guerre, sont Jean Hortulany et sa femme Julianna Ujvari (née le 9 avril 1877 en Hongrie, décédée 18 mai 1950 à Paris 18ème Arrondissement, impasse du Talus).  Les enfants se prénomment Ernestine, née le 11 août 1911, André né le 5 octobre 1914 et Ernest né le 15 février 1917. "Le baptême a été administré à ces trois enfants au cours du culte auquel assistaient une vingtaine d'autres prisonniers civils de ce camp."
En 1917 toujours, a lieu l'inhumation le 15 novembre de Charles Weigel (camp de St Ilan mais avant au camp du Jouguet), décédé le 13 à l'hospice où il était depuis quelques jours. Le pasteur l'avait visité. "Sa femme, Israélite polonaise, était là avec les deux aînés de leurs garçons."

L'État civil indique que Charles Auguste Weigel, profession de passementier, est né le 1er mars 1885 à Buckhlz (Saxe, Allemagne), fils de Émile Théodore Weigel et de Émilie Schultz, célibataire, décédé le 13 novembre 1917 à l'hôpital des Capucins à St Brieuc.
   
En 1918, inhumation le 3 août de Adolphe Schmitt. Interné au camp du Jouguet au début de la guerre, il avait obtenu l'autorisation de travailler et d'habiter en ville. Il était boulanger et avait une quarantaine d'années. Une vingtaine de personnes ont assisté à son enterrement au cimetière de l'Ouest. Le pasteur avait été appelé à son chevet quelques jours avant son décès.

Le pasteur signale aussi l'inhumation d'Otto Kovalewski (1878-1918), né le 21 mai 1878 habitant Steglitz, prisonnier de guerre, décédé le 11 septembre dans un des pavillons de l'Hôpital mixte, rue des Capucins.
Otto Kovalewski, né le 21 mai 1878 à Saulinsk (Poméranie), fils de Julius Kowalewsky et de feu Henriette Krauss, époux de Martha Langner, habitant Steglitz (Brandebourg), soldat de 2ème classe au 33ème Régiment d'Infanterie allemande, 1ère compagnie, matricule 5809.

Conclusion

Le pasteur Roux ne se présente pas comme aumônier militaire, pourtant on peut considérer qu'en plus de ses missions habituelles de pasteur, il en remplit toutes les fonctions, le rôle des aumôniers étant de célébrer les offices de leur confession pour leurs coreligionnaires, de soutenir moralement des blessés et d'assurer la célébration des funérailles des soldats tués, plus souvent à l’arrière qu’à l’avant, où les conditions de la bataille ne permettent que des inhumations à la hâte. 
Le pasteur René Pfender qui le remplace souvent en 1915 est d'ailleurs détaché à l'époque comme aumônier militaire. 
Le fait de décrire les derniers moments des soldats ou des prisonniers civils étrangers dans un registre peut aussi être considéré comme un geste d'humanité entrant dans les fonctions d'un aumônier.

Enfin, il faut imaginer que le pasteur Roux devait faire preuve d'un certain courage pour porter autant d'attention aux soldats allemands, considérés par beaucoup comme "des boches",  des ennemis sans arrêt stigmatisés, ridiculisés, dénigrés. Dans le climat passionnel de la guerre, le soupçon de trahison ne devait pas être bien loin peut-être? Ne risquait-il pas de devenir à son tour "un indésirable"?
Le pasteur Roux ne semble pas rentrer dans ces considérations, célébrant des offices pour tous les protestants qui lui sont signalés, quelque soit leur nationalité. 
Un bel exemple de charité chrétienne !

La contribution du pasteur Théophile Roux pendant la première guerre mondiale, c’est aussi son souci permanent de tenir des débats le dimanche après-midi au Temple annoncés dans la presse dans le journal Le Réveil (Républicain socialiste). Les thèmes vont tout de suite être le reflet des préoccupations du moment car tout le monde  se sent concerné par l'afflux de réfugiés, la mobilisation, les premiers blessés, les premiers morts.
Le titre de sa conférence du 1er novembre 1914 est direct : "A propos de la guerre". C'est le sujet qui occupe tous les esprits. A la  fin de l'année 1914, le 27 décembre, le dernier sujet abordé ne peut être qu'en rapport avec la guerre : "Les leçons de 5 mois de guerre". En 1915 les thèmes des conférences du dimanche après-midi portent uniquement sur des sujets en rapport avec la guerre. Par exemple en Février : "Si Dieu existe, si ce Dieu est bon et tout puissant, pourquoi a-t-il permis cette guerre ?"; Dans les mois qui suivent : "Dieu est-il avec nous ou avec eux ? ; Sur le front avec nos soldats ; La nouvelle France ; Guerre religieuse ? Représailles ? ; Pour l’honneur ; La force victorieuse ". Les questions posées ne manquent pas d'à-propos et de courage.(4)
En 1916, la paroisse vit au rythme de la guerre et les conférences du pasteur Roux ne changent pas de registre, notons par exemple : "Ce qui empêche de croire en Dieu ; Après 18 mois de guerre ; Le relèvement de nos ruines ; Propos de guerre ; Les surhommes ; Un réquisitionné ; Le commandement difficile". On peut imaginer que ce dernier titre porte sur le commandement si difficile à tenir pour un chrétien alors "Tu ne tueras point". A moins qu'il ne s'agisse du commandement de Jésus "Aimez vos ennemis" (Matthieu 5, 44).
En 1917, les conférences ont continué au même rythme que les autres années. On retrouve dans les thèmes des sujets sur la guerre ( Nos alliés les américains ; Âmes héroïques de soldats ) mais aussi un renouveau de sujets plus religieux.(5)


1917 4 novembre. Le Réveil. Archives 22. Photo RF


Ces années de guerre auront constitué une épreuve majeure pour les croyants. Il n'est pas certain que les protestants de St Brieuc aient pu être totalement différents des autres. Parfois on peut être inquiet comme lorsqu'on découvre un thème de conférence comme : "Mobilisation générale contre l’Allemand de l’Intérieur ". D'autres ont des accents très patriotiques : Les surhommes; Pour l’honneur.
Rester humains, charitables, dignes, c'était un véritable défi. Ne pas céder à l'esprit de vengeance et de haine qui régnait à l'époque n'était pas si facile. Ces moments réguliers de débat au Temple devaient permettre, espérons le, de garder un cap. C'est dans un sujet comme "Le pardon des offenses de nos ennemis", abordés en 1917, que peuvent se distinguer les croyants chrétiens car dans le reste de la population, ce discours passera difficilement.(6)

1917 14 janvier. Le Réveil. Archives 22. Photo RF



Registre du temple protestant de St Brieuc 1908-1938


 
Sources

Registre des baptêmes, mariages et inhumations. 1908-1938. Église protestante de St Brieuc 

Archives municipales de St Brieuc pour les registres de décès entre 1914 et 1918.

Archives départementales des Côtes d'Armor :
Dossiers 9 R 54 Étrangers civils et militaires, camp d'étrangers du Jouguet et St Ilan.
4 M 362 camps d'étrangers
Presse en ligne, journal Le Réveil, article de presse édition du 20 septembre 1914, page 12 de la série 1914 en ligne;  janvier 1915
Pour 1914, Le Réveil M1 19 534, les numéros des vues qui indiquent les conférences sont les suivants : 35. 39. 44. 47. 51. 55. 61. 66. 72.
(voir, pour la suite des références, la page du blog sur "Les origines de la communauté protestante méthodiste de St Brieuc 1908-1938")

Généanet, famille Hortulany (baptême 1917 camp de St Ilan) 

Pour le soldat américain Kenneth Burr, site CWGC 

Pour le soldat anglais George Sherlock, site Lifes of the First World War 
Archives anglaises en ligne pour G. Sherlock  Enregistrement de la tombe
 
Le Télégramme. Les Bretons et la Guerre 14-18, numéro spécial paru en 2014


Annonce dans le journal de St Brieuc Le Réveil (socialiste) 1914-1915




Liens

Lien vers un album photos avec toutes les pages du registre des inhumations 1914 à 1919

Lien vers un article consacré au livre Boulevard des étrangers 

Lien vers  un article de Patrick Le Nen sur les différents hôpitaux militaires à St Brieuc pendant la Guerre 14-18, paru dans le Télégramme du 20 août 2014

Paroles protestantes au sein des armées 1914-2014 

Les protestants et la Première guerre mondiale (Article du Musée protestant)

Fiche sur l'histoire de l'aumônerie protestante pendant la Grande Guerre

Site Mémoire des Hommes pour :
François Morillon (décédé en 1915)
Maurice Lucas (décédé en 1915)
Albert Grassot (décédé en 1916 à Guingamp)
Armand Barillot (décédé en 1917)

Description du carré militaire allemand de Tréguier (22) avec la liste de tous les soldats (83 soldats). Dix tombes de soldats français ou alliés morts à l'hôpital de Tréguier constituent un autre carré militaire.

Un article de la revue En Envor, n°4 été 2014 sur "Les formations sanitaires dans une place militaire de l'arrière, Fougères 1914-1918". Les archives de l' Hôpital mixte ont été déposées aux archives municipales de Fougères. Daniel Bouffort en a fait l'analyse et nous livre une description très détaillée de la vie d'un hôpital militaire en Bretagne entre 1914 et 1918.


Remarques 
  
1. A propos du pasteur René Pfender, remplaçant du pasteur Roux lors d'inhumation de soldats allemands à St Brieuc en 1915, notons qu'une des premières femmes à avoir reçu une délégation pastorale dans une Eglise réformée en France, semble avoir été, Mme René Pfender, née Marguerite Gueylard (1889-1976). Mme Pfender fut pasteur des Eglises réformées évangéliques à Troissy-en-Champagne, puis à Choisy-le-Roy entre 1916 et 1919, son mari étant mobilisé comme aumônier (elle rentra dans le rang, si l’on peut dire, au retour de son mari et n’en sortit plus jusqu’à sa mort)

D'après Marianne Carbonnier-Burkard et Patrick Cabanel: Une histoire des protestants en France (Paris: Desclée de Brouwer, 1998)


2. L'emplacement du camp du Jouguet, à Plérin, est celui de l'usine Lisi Aeroespace ou Blanc Aero Technologie, rue du Jouguet. A voir sur Google Map

3. Un autre conseil de lecture pour prolonger ce thème des internés des camps d'étrangers : L'Indésirable, un roman de Louis Guilloux écrit en 1923 mais paru chez Gallimard en 2019.
1917, une ville à l'arrière (St Brieuc), un camp où sont parqués les étrangers indésirables (le Jouguet), un professeur d'allemand, interprète des détenus qui va devenir indésirable à son tour. 
Laissez-vous captiver par cette histoire, si bien racontée au travers des personnages que fait vivre Louis Guilloux...


4. Liste de tous les sujets de discussions proposés par le pasteur Roux le dimanche après-midi en 1914 et 1915 :
La guerre et les paroles de Jésus ; Le Dieu des armées ; L’Union fait la force ; Par la guerre, à la foi ; Le soldat chrétien ; Un grand chef : Lord Roberts ; Le Noël de cette année de guerre ; La leçon de cinq mois de guerre ; Février 1915 Si Dieu existe, si ce Dieu est bon et tout puissant, pourquoi a -t-il permis cette guerre ? ; Dieu est-il avec nous ou avec eux ? ; Sur le front avec nos soldats ; La nouvelle France ; Guerre religieuse ? Représailles ? ; Pour l’honneur ; La force victorieuse ; 28 mars 1915 Les trois croix.

5. Dans les registres du temple de St Brieuc, en 1917, le pasteur Roux signale des changements dans la vie de la paroisse avec la présence de militaires dans la ville.
Il fait remarquer que "le nombre de personnes au Culte du dimanche a augmenté, par la présence de familles étrangères à St Brieuc et des militaires. Beaucoup de militaires ont profité de notre invitation chaque dimanche et beaucoup de ceux-ci ont écrit depuis leur départ en nous avisant que les services au Temple ont été pour eux un rayon de soleil pendant leur séjour à St Brieuc". 


6. Cette parole originale des protestants, on la retrouve juste à la fin de la Seconde guerre mondiale quand le 29 novembre 1947, le pasteur Henri Roser  vient au temple de St Brieuc pour une conférence sur la thématique de la Paix, invité par le conseil presbytéral. On lui propose de choisir entre deux titres "La Paix est-elle possible?" ou "Responsabilité du chrétien dans les problèmes de la Paix". 
Il faut préciser qu'Henri Roser est une personnalité tout à fait originale dans le monde protestant. Il se déclare objecteur de conscience dans les années 20 après avoir renvoyé ses papiers militaires en signe de protestation contre l'occupation de la Ruhr par l'armée française. Il devient plus tard le cofondateur du Mouvement International pour la Réconciliation.
  

7. Une page du registre des inhumations des soldats allemands protestants


Page du registre tenu par Théophile Roux, toutes sont accessibles par un lien ci-dessus.

8. Des annonces de conférences du pasteur Théophile Roux au temple de St Brieuc entre novembre 1914 et février 1915. Extraits du journal Le Réveil. Archives départementales 22.


Le Réveil 1914, vue 35, archives 22 en ligne M1 19 R34

Le Réveil 1914, vue 39, archives 22 en ligne M1 19 R34

Le Réveil 1914, vue 44, archives 22 en ligne M1 19 R34
Le Réveil 1914, vue 51, archives 22 en ligne M1 19 R34

Le Réveil 1914, vue 55, archives 22 en ligne M1 19 R34

Le Réveil 1914, vue 61, archives 22 en ligne M1 19 R34

Le Réveil 1914, vue 72, archives 22 en ligne M1 19 R34
Le Réveil 1915, archives 22 en ligne

Le Réveil 1915, archives 22 en ligne

Le Réveil 1915, archives 22 en ligne

Le Réveil 1915, archives 22 en ligne

 
 
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dimanche 20 octobre 2024

L'histoire des protestants à Dinan.



L'objet de cet article n'est pas de raconter l'histoire de la présence protestante à Dinan depuis ses origines. Notons simplement que Dinan n'a pas échappé au mouvement de la Réforme protestante. Des pasteurs ont célébré les cultes à Dinan comme Jean Malot de 1569 à 1593 (il exerçait aussi à Saint-Malo) ou Charles-Louis Fauquembergue de 1662 à 1665.

Dans cet article, il s'agit plus simplement de donner des repères sur l'existence du courant protestant réformé à Dinan au XXe siècle et de comprendre ce qui l'a relié à l'église anglicane, émanation de la colonie anglaise très présente dans la cité médiévale au 19e et début du 20e.

  

Le protestantisme à Dinan. XIX et XXe siècle 

Jean-Yves Carluer, spécialiste du protestantisme en Bretagne, nous raconte ainsi les premiers pas des protestants anglais à Dinan : « En 1857, le lieu de culte, pourtant fraîchement rénové, ne suffisait bientôt plus, et en 1866 la communauté anglicane demandait l’autorisation d’ériger une église de style plus monumental. Le projet de construction, appuyé par le maire, le sous-préfet et l’ambassadeur d’Angleterre, fut autorisé par l’État le 23 avril 1867, mais le gouvernement impérial refusa toute subvention. En 1870, les 502 Britanniques officiellement recensés à Dinan inaugurèrent leur temple, construit à leurs frais… C’était le plus bel édifice anglican de Bretagne…

Au plus fort de la présence anglaise, vers 1880-1890, la communauté anglicane, qui dépendait de l’évêché de Londres, eut deux pasteurs ».

Diane Monier-Moore dresse de son côté un portrait très complet de cette communauté protestante anglaise dans son ouvrage La colonie anglaise. 1800-1940. Si l’on veut tout apprendre sur le sujet, il faut absolument se référer au chapitre IV de son livre sur l’Église anglicane (pages 123 à 181).

Mais Diane-Moore aborde aussi, avec beaucoup de précisions, la question du protestantisme français à Dinan (page 125). Il ne faudrait pas oublier Pierre Dussauze (1829-1891), un pasteur protestant « qui a été poursuivi au tribunal de Dinan et fut condamné pour avoir distribué des tracts protestants et sali la bonne réputation du catholicisme. Ses tentatives de faire construire un temple protestant étaient vaines. Pour beaucoup de personnes au pouvoir, le protestantisme était étroitement lié au républicanisme révolutionnaire, et le sous-préfet plaida contre la construction d’un temple protestant en citant une longue liste de protestants dinannais, pointant du doigt Jean et Esther Geistdoerfer, « deux socialistes des plus ardents de la ville ». 

Diane Moore précise également qu'en première noce Pierre Dussauze a été marié avec Eleonor Grigny, une femme de Jersey "dont la famille avait des liens forts avec la Société Wesleyenne française de Saint-Hélier." (Dinan, la colonie anglaise, page 126)

Comme Pierre Dussauze, un autre pasteur protestant (on disait à l’époque « ministre protestant ») figure aussi dans le recensement de 1861 de Dinan. Il s’agit de Auguste Roger, 47 ans, représentant de la petite communauté évangélique de Dinan. A ce sujet, il s'exprima publiquement dans l'Union Malouine et Dinannaise le 2 juin 1867 alors que la presse insinuait que les cultes protestants de ne dérouleraient qu'en langue anglaise à Christ Church : "Si modeste qu'elle soit par le nombre de ses membres, la communauté évangélique de Dinan n'est pas dans l'isolement où on la suppose."

Précisons que Auguste Roger était anglais, il avait vécu à Jersey, son épouse était Elisa (ou Elisabeth) Levesconte (ou Levéconte), avec leurs enfants (Emile, Anaïs et Nely) ils habitaient La Vigne au faubourg Saint-Malo à Dinan.

Le pasteur Auguste Roger. Recensement 1861 Dinan. Vue 107 sur 135. Photo RF


Un temple protestant : l'église anglicane.

La présence protestante à Dinan était bien connue du grand public par l'église anglicane située dans le centre de la ville, de nos jours juste en face du collège Broussais. Cette église, appelée aussi Christ Church, est inaugurée en 1870.

Archives municipales Dinan. Photo RF

Un pasteur de l’Église réformée de Rennes vient régulièrement célébrer un culte pour les protestants non anglicans du secteur de Dinan. Il y conduit également des cérémonies comme par exemple pour les obsèques de J-B Létang, un ancien commerçant de Dinan.

Obsèques J-B Létang. 15 mars 1927 Ouest-Eclair

En plus des cultes, des cérémonies sont conduites suivant le rite anglican et font l'objet de publications dans la presse.

Mariage Ingles-Thomson. 10 mai 1930 Ouest-Eclair

Obsèques Miss Mac Callum. 16 décembre 1932 Ouest-Eclair

C'est principalement au travers de la communauté anglicane que va s'exprimer le protestantisme sur Dinan pendant de longues années jusqu'en 1934.

 

Les soldats allemands inhumés selon le rite protestant en 1914 et 1915

On ne peut évoquer tout le travail effectué par les membres actifs de la paroisse anglicane ainsi que par ses différents chapelains. Mais, mentionnons spécialement le rôle de James Richard Dutton Tomson (1841-1921) pendant la guerre 14-18. Il a procédé à l'inhumation, selon le rite protestant, de 40 jeunes soldats allemands prisonniers de guerre décédés dans les hôpitaux de Dinan. Trente soldats sont décédés en 1914, à partir du 13 septembre, et dix en 1915, jusqu'au 26 juillet pour le dernier.

Ces faits sont à relier avec ce que le pasteur Roux avait fait à Saint-Brieuc à la même époque. Cliquer ici

Toutes les pages de ce registre avec les soldats allemands sont à retrouver en bas de cet article.

Registre des décès de Christ Church. Archives municipales de Dinan. Photo RF

 

L’Église réformée dans l'église anglicane. 1934-10 avril 1953

La communauté anglicane se disloque à Dinan et le dernier chapelain est Reginald Allen qui exerce de 1929 à 1934.

C'est le courant du protestantisme réformé qui va prendre la relève à Dinan. En 1934, la communauté anglaise laisse l'usage exclusif de la chapelle à la Société Centrale d’Évangélisation.

En 1945, l'église en mauvais état après des bombardements, ne permet plus vraiment que se tiennent des cultes. L’Église Réformée de France l'utilise malgré tout pendant quelques années jusqu'au 10 avril 1953 qui marque l'arrêt définitif de toute activité cultuelle dans ce lieu.  

 

Le déplacement du mobilier de Dinan à Saint-Brieuc

Une partie du mobilier du temple est déplacée de Dinan à Saint-Brieuc en 1953.

Ce mobilier doit dater approximativement de 1870, année de l'inauguration de l’Église. Il s'agit en particulier d'une chaire en bois sculpté, 16 bancs de 3,20 m de long, un lutrin en bois 1,65 m de largeur, 2 armoires, 2 troncs, 1 tableau d'affichage, 1 tableau de cantique. En novembre 1959 un avoué de Dinan, M. Robert Gavard, défendant les intérêts de l'évêque de Fulham, demanda des comptes sur ce mobilier ! Mais l'évêque perdit son procès et le mobilier resta à Saint-Brieuc.
 
Nous voyons ci-dessous la chaire telle qu'elle se présentait dans l’église anglicane de Dinan. La chaire mesure un mètre de haut. Elle était posée sur un support de 75 centimètres, ce qui la rend nettement visible au dessus des chaises. A St Brieuc, elle est maintenant posée sur une estrade, tout en étant séparée de sa partie inférieure.
C'est l'élément le plus remarquable du mobilier transféré à St Brieuc.



La chaire (dans le temple anglican de Dinan)
Photo extraite du livre La colonie anglaise. Diane Moore. Edition Plessix. Page 153


Gros plan sur la chaire (dans le temple anglican de Dinan) 





Partie supérieure de la chaire actuellement dans le temple réformé de St Brieuc


Partie inférieure de la chaire conservée dans le sous-sol du temple réformé de St Brieuc
Détail de la partie inférieure de la chaire. Photo R.F

 
Dans une église catholique ces meubles ne mériteraient sans doute pas une grande attention, tant il y en a de remarquables.
Mais ces différents éléments du mobilier du temple de St Brieuc constituent un ensemble assez rare en Bretagne parce qu'ils sont une trace du patrimoine protestant de la région. En effet, les édifices les plus anciens du protestantisme en Bretagne ont disparu et le mobilier avec. D'autre part, plusieurs temples ont subi des destructions pendant la Seconde guerre mondiale (Brest, Lorient, Saint-Servan).
La chaire, en particulier, mais aussi tout le mobilier de style néo-gothique du XIXe (table de prière, pupitre, bancs, chaises...) provenant de l'église anglicane de Dinan, pourraient faire l'objet d'une inscription au titre des Monuments Historiques.
Deux spécialistes sont venues observer ce mobilier sur place le 30 janvier 2020, il s'agit de Mme Christine Jablonski, conservatrice des monuments historiques à la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne et de Mme  Céline Robert, conservatrice des antiquités et objets d'arts aux Archives départementales des Côtes d'Armor.
L'intérêt de ce patrimoine et son inscription seront examinés lors d'une commission qui l'étudiera au niveau régional.


Céline Robert, Christine Jablonski, Hervé Stücker le 30 janvier 2020 à St Brieuc.


Le conflit entre l'évêque de Fulham et l’Église réformée

Un conflit va opposer l’Église Réformée de France avec à ses côtés la Société d’Évangélisation et l'évêque anglican de Fulham. L'objet concerne les titres de propriétés et les travaux à entreprendre pour sécuriser le temple anglican. L'histoire est complexe... 

Dès le 21 avril 1939, la question des titres de propriété de l’église anglicane est posée à la municipalité de Dinan et au service des Domaines par l’Église réformée. Le directeur des Domaines indique comme objet de son courrier à l’Inspecteur des Finances : « Temple de l’église réformée de Dinan ». Il rappelle aussi que « en 1941 la solution de l’admission en non-valeur avait été adoptée motif pris de la disparition de la colonie anglaise sous l’occupation allemande. »


Le 22 avril 1953, le pasteur Marquer de l’Église réformée de Saint-Brieuc écrit au maire de Dinan pour l’informer que l’association régionale des églises réformées de Bretagne a décidé de recommander à l’Église réformée de Saint-Servan "de ne plus célébrer de services dans le temple de Dinan à date du 12 avril 1953. Cette décision à laquelle s’est rangée la dite association est motivée par l’état de délabrement de l’édifice : une partie du plafond menace de s’effondrer et il serait dangereux de s’y réunir dorénavant. Comme vous le savez, ce temple ne nous appartient pas. Nous n'en sommes pas même locataires. Dans ces conditions il ne nous est pas possible d'en assurer la remise en état, ni d'assumer la responsabilité de gardien de cet édifice au sens de l'article 1384 du Code civil. Nous ne pouvons actuellement qu’abandonner ce temple puisque nous ne connaissons que deux des trois héritiers de l'édifice, lesquels sont décidés à nous abandonner leur droit, et puisque, faute de connaitre le troisième héritier, nous ne pouvons savoir ses intentions concernant le Temple". 

Ce courrier est important car l’Église Réformée y affirme qu'elle n'a aucun droit de propriété concernant ce Temple. Malgré tout, cette déclaration d’abandon ne satisfait pas le secrétaire général de la Mairie puisqu’elle n’est formulée que par "un tiers qui n’est qu’un occupant sans titre". (courrier du 29 avril à l’Inspecteur des Domaines)


Le 15 juillet 1953, le pasteur Forget de l’Église réformée de Saint-Servan, desservant Dinan, s'adresse à la mairie de Dinan car il souhaite bénéficier d’une salle au moins une fois par mois pour continuer d’assurer un culte à Dinan comme il le faisait dans la chapelle anglicane jusqu’à maintenant.


Le 20 juillet 1953, l’adjoint au Maire répond qu’à son regret depuis que la chapelle anglicane ne présente plus les conditions suffisantes de sécurité, il n’y a pas d’autre local ou bâtiment communal répondant aux besoins de la communauté protestante.
Le 15 septembre 1953, Jean-Paul Guiton, la Ville Auray, Paramé en Saint-Servan, poursuit les échanges avec le secrétaire général de la mairie de Dinan. Il fait entendre qu’il a espoir que le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme puisse autoriser l’ouverture du temple anglican. D’autre part des contacts sont établis avec une association cultuelle "qui possède déjà plusieurs sanctuaires répartis sur l’ensemble du territoire français". Il demande en conséquence de pouvoir célébrer les cultes et à cet effet "il serait bon que la clef du temple soit déposée à la conciergerie de la mairie d’une façon permanente".
M Guiton se prévaut dans ses différents courriers de relations en haut lieu par l’intermédiaire de son cousin et de son gendre. Et le 10 mai 1957, dans un courrier adressé au Maire de Dinan, les intentions des réformés se précisent : la Société Centrale d’Évangélisation, rue de Clichy à Paris, "entreprend les formalités nécessaires pour obtenir la qualité de propriétaire légal de la chapelle protestante de Dinan". Le président Daniel Chéradame de la Société d’Évangélisation de Bretagne signe le courrier.
Le 5 septembre 1957, un arrêté de péril est pris par le maire de Dinan enjoignant la Société Centrale d’Évangélisation d’effectuer "dans un délai d’un mois tous les travaux de nature à faire cesser le danger signalé".
A l’automne 1957, Jean-Paul Benoit, président de la Société Centrale d’Évangélisation se dit prêt à vendre la chapelle anglicane, et son terrain, à la municipalité et se rend en Angleterre pour rencontrer les responsables de l’Eglise anglicane afin de régler la question des titres de propriété.
Le 20 décembre 1957, l’affaire est débattue en conseil municipal sous la présidence d’André Aubert et à l’unanimité le conseil refuse d’acheter cette chapelle.
Le 8 janvier 1958, maître Hulaud de Dinan rend compte de tous les éléments du dossier et va conclure la chose suivante : "Il convient de dire que la Société Centrale d’Évangélisation est devenue propriétaire par prescription de l’immeuble dénommé Temple protestant". Le jugement est transcrit au bureau de la conservation des hypothèques de Dinan et une copie est envoyée à l'évêque de Fulham qui n'a pas dû être satisfait de cette décision...

Eglise anglicane de Dinan. Photo RF

Mais l’évêque anglican ne désarme pas et le 28 août 1958, par jugement du Tribunal civil de Dinan en date du 3 juin 1958, le maire de Dinan est informé des décisions suivantes par M. Robert Gavard, avoué à Dinan : "Le droit de propriété de
l’Évêque de Fulham  a été reconnu sur l’immeuble dénommé "Temple protestant".  D'autre part, devant venir à Dinan le 26 septembre, Monsieur l’évêque de Fulham souhaite disposer de la clef de l’édifice.
Le dossier des archives municipales de Dinan se ferme sur cette décision qui voit l’Évêque de Fulham gagner son procès. Mais l’église ne rouvrit pas avant 1973 où la municipalité la racheta aux autorités de l’Église anglicane pour la transformer en salle d’exposition et de concerts, avant de la fermer à nouveau en 2009.



Des solutions temporaires, années 50-60

Privée de lieu de culte à partir de 1953 et embrouillée dans son affaire autour de l'église anglicane, la petite communauté protestante de Dinan a du mal à se faire une place. Des solutions précaires sont trouvées, comme pendant deux hivers de suite où une salle est prêtée gracieusement par le propriétaire de l'Hôtel de Bretagne.
Mais à partir de la fin des années 50 et pendant huit ans, l'essentiel des cultes, réunions et du catéchisme pour les jeunes, va se tenir dans la maison de la famille Hydriol (voir en bas de cet article l'évocation de la famille Hydriol).

Les dinannais ne sont pas nombreux à pratiquer (à part M. Dufour et son épouse Roselyne). Par contre, Dinan est une ville de garnison et des militaires, souvent venus des secteurs du sud protestant de la France, viennent volontiers au culte du dimanche chez les Hydriol. Tout le monde prend du plaisir à chanter les cantiques accompagnés au piano par monsieur Schlessing.

Témoignage

René-Yves Dufour a passé un an à Dinan de novembre 1961 à l’automne 1962. Il y effectuait son service militaire au 71e Régiment d’Infanterie. 

La caserne de Dinan dans les années 50. Carte postale.

Vivant dans le sud de la France, cette affectation en Bretagne a l’allure d’une sanction mais la rencontre avec la famille Hydriol va complètement transformer cette expérience. René-Yves Dufour avait un père protestant et une mère catholique. Dans sa jeunesse, son éducation penchera du côté catholique. Puis il poursuit des études de comptabilité mais bientôt et, par des rencontres, il renoue avec sa fibre protestante et s’inscrit à l’Institut biblique de théologie à Paris. Après avoir bénéficié de trois années de sursis, c’est là qu’il part pour l’armée à Dinan. Un jour il est demandé au parloir de la caserne et c’est Jean Hydriol, correspondant de l’aumônerie protestante, qui l’attend. Le courant passe bien et René-Yves vient régulièrement chez les Hydriol pour faire réviser les devoirs des filles de la maison. Il est invité par les Hydriol et d’autres familles protestantes du secteur qui lui font découvrir la région et notamment le Centre de vacances de Crampoisic.
Concernant les cultes, ils se déroulaient chez les Hydriol mais aussi de temps en temps dans une salle du foyer de la caserne. Une dizaine de personnes y participait, militaires et civils. Après Dinan pour René-Yves Dufour, ce sera l’Algérie : Alger, Oran, Mostaganem et 5 mois comme aumônier militaire, une étape qui en appellera bien d’autres dans le monde protestant. Comme le dit lui-même René-Yves Dufour, « Cette expérience à Dinan a été formatrice et je me suis rendu compte beaucoup plus tard que de très nombreux pasteurs du sud étaient passé un jour par la Bretagne ».

Richard Dahan, à Dinan
C’est aussi à cette époque que Richard Dahan, né en 1944, était militaire à Dinan avant de devenir pasteur à Aulnay-sous-Bois (de 1973 à 1983) puis dans son sud natal (créateur d’une paroisse dans les quartiers nord de Marseille en 1993, Nice, aumônier dans les Cévennes, et cheville ouvrière de l’association « espérance Nord-sud » dans un échange qui durera plus de trente ans avec le Cameroun.

Richard Dahan en 2013. Photo Le Midi Libre

Les protestants au grand jour. 1966

Même sans avoir de temple, la communauté protestante se fait connaitre en 1966 en organisant une conférence avec le pasteur Cook, missionnaire en Afrique du sud pour le compte de l’Église Évangélique de Paris. Le pasteur Guilhot de l’Église Réformée, venu de Saint-Servan, présente le conférencier et dans la salle on note la présence de l'abbé Jouny, curé-doyen de l'Eglise Saint-Malo de Dinan.

Conférence protestante à Dinan 21 octobre 1966 Ouest-France



Le temple de la rue de la Croix. 1967

En 1967, une solution va finalement être trouvée pour que les protestants de la région de Dinan puissent se réunir dans un local avec pignon sur rue. M. Gautheron, de Pleurtuit, membre du conseil presbytéral, concrétise le projet de vendre un petit presbytère peu utilisé à Dinard. La somme de cette vente permet d'acquérir des locaux dans le centre-ville de Dinan, rue de la Croix. Après quelques travaux, trois espaces sont créés : une salle d'accueil, un lieu de culte, une salle de catéchisme à l'étage.
Les 2 et 3 décembre 1967, les locaux sont inaugurés en présence de nombreuses autorités : le sous-préfet M. Courquin, le sénateur Yves Lemarié, le maire Yves Blanchot, les conseillers Odette Le Dû et René Benoit, le procureur de la République M. Guitton, le receveur des finances M. Koechlin (protestant), le curé de l'église St Malo M. Jouny, le commandant de la compagnie de gendarmerie M. Roger, le capitaine Gossin du R.A.M.A, l'aumônier protestant de la 3ème région militaire M. Beau...
Toutes ces personnalités sont accueillies par le pasteur Paul Gerber (des routiers du Christ), secrétaire général de l'ERF, le pasteur Guilhot et de M. Bosiger, président du conseil régional de l'E.R.F.

Article sur l'inauguration du Temple de Dinan, 4 décembre1967. Deuxième à gauche M. Hydriol. Epu Rance Emeraude.


Le pasteur Guilhot a été très actif dans la paroisse de Dinan et, grâce à son énergie, le nombre de membres a beaucoup progressé.
Les protestants de l’Église Réformée de France se réunissaient encore à la fin du XXe siècle au 3 rue de la Croix à Dinan.  Mais des années plus tard, il a été décidé de regrouper Dinan avec St Servan et St Malo, ce qui constitue l’Église de la Côte d’Émeraude.

Les inscriptions "EGLISE REFORMEE de FRANCE, CULTE PROTESTANT" peintes au rez-de-chaussée du temple sont restées longtemps lisibles mais après une restauration du pignon, elles ont totalement disparu.

Temple protestant rue de la Croix à Dinan.

L'emplacement de l'ancien temple Réformé de Dinan rue de la Croix. Photo RF 2023


L'église anglicane désaffectée

Concernant l'église anglicane, en 1973, la ville a racheté ce bâtiment pour y organiser des expositions et des concerts mais pour des raisons de sécurité elle a été désaffectée en 2009. Après avoir été proposée à la vente, sans trouver d’acquéreur, un autre projet de réhabilitation a fait état d'un lieu pouvant abriter les archives municipales de la commune de Dinan-Léhon. En 2023-2024 l'Eglise était de nouveau en agence.

Eglise anglicane de Dinan en vente dans une agence. Photo RF Avril 2024


 
L'histoire des protestants réformés de Dinan se poursuit en Ille-et-Vilaine  car les paroisses de Dinan, Dinard et St Malo y sont regroupées et constituent l’Église de la Côte d’Émeraude. 



Prolongements

Pour plus d'informations sur l'église anglicane, lire l'ouvrage de Diane Moore. Dinan. La colonie anglaise 1800-1940. Editions  Plessix. 



Photos 

Voici quelques photos de l'inauguration du temple protestant de l’Église Réformée à Dinan, rue de la Croix, les 2 et 3 décembre  1967, photos publiées sur le site de l'Epu Rance Emeraude

Banderole au dessus de l'entrée de la rue de la Croix, Dinan, décembre1967. Epu Rance Émeraude.

Dans la rue de la Croix, devant le Temple de Dinan, décembre1967. Epu Rance Emeraude.

Intérieur du Temple de Dinan, décembre1967. Epu Rance Emeraude.

Inauguration du Temple de Dinan, décembre1967. Epu Rance Emeraude.

M. Bosiger, Paul Gerber. Photo Epu Rance Emeraude

M. Guilhot, Paul Gerber, Jean-Marc Kieffer. Photo Epu Rance Emeraude


Inauguration du Temple de Dinan, décembre1967. Epu Rance Emeraude. 

 

Document  

La famille Hydriol, une histoire de conversion
La famille Hydriol n’est pas protestante de longue date. Jean Hydriol se convertit des années après avoir rencontré son épouse Françoise Ayello au milieu des années 50. Dans la famille Ayello qui vit au Légué (voir la publicité ci-dessous), du côté Plérin, c’est aussi une histoire de conversion.
 

 
Marcelle Ayello, la sœur de Françoise, est au lycée de St Brieuc avec Madeleine Prigent, une protestante qui lui fait une forte impression. Elle lui demande « Tu ne triches pas, tu es toujours de bonne humeur. Pourquoi ? ». Madeleine lui répond qu’elle a rencontré Jésus-Christ et qu’elle est protestante. « Alors moi aussi je veux le devenir », rétorque Marcelle. Elle est la première de la famille à devenir protestante alors que son père ne veut pas entendre parler de religion. Elle se fait baptiser par immersion à Morlaix.
Marcelle s’inscrit comme membre de la paroisse de St Brieuc en septembre 1948.
Françoise se convertit puis Marcelle accueille Rita Hind, une étudiante anglaise avec peu de ressources que la famille décide de recueillir pour l’été. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Salvador, le frère de Françoise.
Le 14 août 1948, c’est le mariage de Salvador Ayello, né à Plérin et de Rita Hind, née à Denton (GB) et inscrite comme membre de la paroisse en mai 1949. Salvador s’inscrit comme membre en janvier 1952.
 
Le 23 septembre 1951, le couple choisit de faire célébrer le baptême au temple de St Brieuc de leur fils Simon, Pierre né le 4 janvier 1951 à St Brieuc (Françoise Ayello est la marraine).
Le 7 août 1950, on assiste au mariage de William Richard Hignet né à Nottingham et de Marcelle (Jacqueline) Ayello, née à Plérin le 5 mars 1925. Le pasteur Paul Marquer dirige la cérémonie.
 
Le 9 avril 1955, le pasteur Paul Marquer célèbre le mariage de Jean Hydriol, né à Erquy et demeurant rue du Marchix à Dinan, et de Françoise Ayello, née à Plérin le 1er juillet 1933, demeurant à Plérin. Lors de cette cérémonie, il donne un Nouveau Testament dédicacé à Françoise, qu’elle conserve encore aujourd’hui précieusement. Le 28 décembre 1958, le couple organise avec le pasteur Marquer le baptême de Florence Hydriol, née à Dinan le 19 décembre 1956. Le même jour a lieu le baptême de sa sœur ainée Claire, née à Rennes le 8 septembre 1958.
En 1955, après leur mariage ils s’installent à Dinan où ils ont acheté le fonds de commerce d’un magasin d’optique. Ils habitent juste au-dessus du fonds de commerce.
C’est le début de l’engagement protestant à Dinan de Jean et Françoise qui a pris pour devise « La Foi, c’est la ferme assurance des choses que l’on espère et la démonstration de celles que l’on ne voit pas ».(Hébreux 11 :1)
 
 
Françoise Hydriol à Dinan en février 2020. Photo R.F

 

Document 

Les soldats allemands 1914-1915





 

Sources 
Registres de la paroisse de St Brieuc

Archives de la paroisse de St Servan 

Ouest-France, 4 décembre 1967. Inauguration du Temple.

Entretiens avec Françoise Hydriol à Dinan (février 2020)

Correspondances avec Pierre Prigent (mars 2020)

La colonie anglaise. Diane Moore. Edition Plessix.

Christ Church, un article à retrouver sur le blog du professeur Jean-Yves Carluer, en cliquant ici

 

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Complément : Le parcours de Madeleine Prigent

Françoise Ayello raconte comme sa soeur a été très impressionnée par une protestante appelée Madeleine Prigent. Le frère de Madeleine, Pierre Prigent, nous raconte le parcours de sa soeur dans le milieu protestant des années 40 :

"Ma soeur n'a pas reçu dans notre famille l'influence qui l'a marquée. Nous habitions Strasbourg, lors de "L'Exode" en 39-40. Maman et ses deux enfants ont élu domicile à Morlaix pour bénéficier des Lycées. Logement dans un petit deux pièces. On doit loger ma soeur ailleurs, or dans la banlieue de Morlaix habitait  la famille de Guillaume Le Quéré, fils de Tonton Tom d'Uzel. Il avait deux filles : Hélène et Rachel. L'aînée était de l'âge de ma soeur. C'est là que va habiter ma soeur. Ambiance très pieuse. Pour eux les baptistes de Morlaix n'étaient pas de vrais fidèles. Tendance plutôt pentecôtiste avec insistance sur le témoignage source de conversion. 

Ma soeur qui reste là une année est très influencée par ce climat spirituel. C'est ce qui explique la réaction de Marcelle Ayello. Si  cette dernière a été baptisée à Morlaix, c'est que bien que rattaché à la Fédération baptiste de l'avenue du Maine à Paris, le pasteur (Alfred Somerville, mon oncle) était le seul dans la région à pratiquer le baptême par immersion, ce qui pour des piétistes rigoureux était une condition essentielle pour sa validité. 
Il y a dans le petit temple de Morlaix,  sous la table de communion, une importante fosse où l'on versait de nombreux sceaux d'eau chaude. Le pasteur et le fidèle y descendaient et l'on y célébrait le baptême. J'y ai été également baptisé car ma famille était baptiste, donc pas de baptême d'enfant".