jeudi 26 octobre 2023

Jean-Claude Chevalier 2009-2010



Jean-Claude Chevalier (1931-2019). Photo 2009


 
Jean-Claude Chevalier est né en 1931 à Mamers dans la Sarthe. Il se marie en 1975 avec Agnès de Singly. Dans les années 70, il fait connaissance avec le milieu protestant à Angers. Assez rapidement, il entame une formation de prédicateur laïc à Nantes sous la conduite du pasteur Laurent Schlumberger. 
 
Après avoir déménagé à Orléans, il s’investit dans l’Eglise protestante comme Conseiller presbytéral, trésorier, avant d'être élu vice-président de l'Eglise Réformée d'Orléans.
 
Arrivé en Bretagne, il devient membre de l’Eglise Réformée de St Brieuc en mai 2003 et rentre au Conseil presbytéral en mars 2004. Il assurera cette fonction pendant huit ans.

Avec le pasteur Solange Weiss-Déaux, Jean-Claude Chevalier commence en 2007 à animer un atelier mensuel pour former des prédicateurs laïcs. Au départ du pasteur, non remplacé en juillet 2009, l'équipe de prédicateurs peut assurer le culte à tour de rôle. Les tâches sont réparties pour assurer le bon fonctionnement de la paroisse.
 
Jean-Claude Chevalier devient, pendant un an et demi, le président du Conseil presbytéral de juillet 2009 à fin 2010 et, à ce titre, dirige la paroisse et coordonne l'action des différents responsables. 
On lui doit en particulier de nombreuses initiatives sur le plan du dialogue entre les religions sur St Brieuc. Jean-Claude Chevalier est alors présent dans les groupes oecuméniques d'études bibliques, de préparation aux célébrations oecuméniques, présent dans les rencontres entres Eglises protestantes et dans le dialogue avec les musulmans de St Brieuc.
Il est également engagé dans l'association d'Entraide protestante, dans l'ACAT et dans la Cimade. Il est à l'initiative d'un groupe de protestants appelés "Les disséminés" sur le secteur de Lamballe.


En mai 2018, selfie de Jean-Claude Chevalier (1931-2019)




 
Prenant part ensuite activement à de nombreux groupes de réflexion jusqu'en 2018, Jean-Claude Chevalier s'est finalement éteint en février 2019.
 
Voici l'une de ses dernières paroles:  
"Je remercie toutes les personnes qui m'ont permis de mieux comprendre les richesses de la nature humaine, et cela de la personne la plus humble, à mes proches, ma famille; j'en ai pris conscience à 35 ans à Madagascar, expérience qui a bousculé ma vie et m'a permis de mesurer cette richesse.
La vie est une découverte permanente de la richesse humaine, richesse universelle."


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Sources

Cette biographie a été vérifiée et complétée par Jean-Claude Chevalier lui-même en 2018.


Lien 






 
 
 

dimanche 1 octobre 2023

Solveig Hansen (1916), une protestante à Saint-Brieuc

 

Solveig Hansen, photographiée à 107 ans et un jour ! Le 24 mai 2023.

Solveig Hansen est la fille d'Oscar Hansen et Anna Hansen.
Elle est née le 23 mai 1916 (Plérin, 22) et baptisée au temple de Saint-Brieuc le 27 août 1916 par le pasteur Roux. Elle se marie civilement le 27 mars 1943 avec Jean Huck (1er juin 1914 à Montrouge-1963). Quelques jours plus tard, la cérémonie religieuse, présidée par le pasteur Yves Crespin, a lieu
au temple de St Brieuc le le 30 mars 1943.

La photo ci-dessous a été prise au moment du mariage de Solveig et de Jean. Debout en partant de la gauche, on a son père, Oscar Hansen ; Mlle Manac'h ; Thorleif ; des réfugiés de Paris ; avant dernière à droite Anna Hansen ; tout à fait à droite Jean Scarabin avec son chapeau. Au premier rang, accroupis, Einar et à droite Erling Hansen.

Mariage de Jean Huck et de Solveig Hansen. Maison de la famille Hansen au légué. Mars 1943. Photo S. Hansen


Solveig et Jean vont avoir plusieurs enfants : Lydie (née le 26 décembre 1943, baptisée le 17 mai 1959 au temple de St Brieuc par le pasteur Paul Marquer) ; Hélène (née le 27 mai 1945) ; Édith (née le 21 novembre 1946 à St Brieuc, présentée au Temple de St Brieuc le 29 mai 1949, cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer) ; Étienne (né le 21 décembre 1952), Sigrid (née le 19 octobre 1955, présentée au Temple de St Brieuc le 2 février 1958,  cérémonie dirigée par le pasteur Paul Marquer). 
Édith s'est mariée en 1968 au temple de St Brieuc avec Yvon Renault (voir photos dans la page sur l'histoire de la paroisse 1938-2012)


Solveig Hansen, des souvenirs recueillis en 2019, 2020, 2023.

Solveig Hansen a été remarquée dans la presse locale, à plusieurs reprises, en raison de sa longévité. Pour ses 100 ans en 2016, puis pour ses 102 ans, des articles ont parlé d'elle dans Ouest-France. En mai 2020, alors que l'épidémie de covid 19 était encore présente, elle a pu fêter ses 104 avec quelques proches.
De mon côté j'ai souhaité la rencontrer pour évoquer plus particulièrement les aspects de sa vie en lien avec le protestantisme. Nous avons passé plus de trois heures une première fois, dans un dialogue ininterrompu, à évoquer ses souvenirs de jeunesse, son éducation, ses premiers pas dans la communauté protestante, ses souvenirs des différents pasteurs et des familles protestantes avec qui elle était liée, l'arrestation des membres de sa famille en 1943... 
Certains moments étaient vraiment vertigineux, Solveig racontant ses souvenirs d'il y a plus de 80 ou 90 ans et de mon côté, je pouvais l'aider à compléter ses lacunes avec mes connaissances acquises des archives protestantes étudiées depuis ces trois dernières années. 
Par exemple :
-Ah, oui, la fille de M. Bird, je m'en souviens, je l'ai eu comme professeur d'anglais au Cours de jeunes filles.
-Vous voulez parler de Maud?
(tout ça se passe à la fin des années 20 !).

En mai 2023, au lendemain de l'anniversaire où elle avait fêté ses 107 ans, une longue conversation permit d'éclairer encore quelques points de l'histoire du protestantisme à Saint-Brieuc. Elle m'a encore sidéré par sa mémoire phénoménale ! J'ai pu vérifier et compléter ses propos à l'aide de nouvelles recherches en remontant jusque dans les années 1930. Mais elle était un peu fatiguée, ayant vécu un déménagement  dans un nouveau bâtiment de l'Ehpad quelques jours auparavant.

Le 28 septembre 2023, tout était rentré en ordre, Solveig coloriait une page de l'album "Le dessin zen" quand je suis entré. On a bavardé un peu de tout, de son jeune frère Thorleif, 98 ans, toujours en Norvège ; de Miss Cave une protestante australienne revenue à St Brieuc après l'Occupation ; de M. Stamp, un pasteur baptiste des années 30-40 dont elle a été heureuse de voir une photo que j'avais trouvée il y a peu de temps... Nous avons évoqué plus en détail l'histoire de son beau-père, Adolphe Huck, colporteur évangélique à l'Eglise baptiste de Paimpol. Ayant besoin de mes lunettes pour lire un document, je lui ai suggéré amicalement d'utiliser aussi les siennes car il serait temps de les user un peu, étant quand même dans sa 108e année ! Solveig a encore fait preuve ce jour-là d'une vivacité intellectuelle exceptionnelle et d'un sacré humour.

Solveig Huck (née Hansen). Le 19 novembre 2019. Photo R. Fortat

 


Être une enfant protestante
"Ma vie a changé à l’arrivée de la famille Manach au Légué en 1924. Les trois filles, Madeleine, Paulette et Yvonne sont venues à l’école des filles au Légué avec moi. Je n'étais plus la seule protestante et heureusement car parfois on me mettait de côté à cause de ça. Je jouais surtout avec Paulette Manach. Cette situation n’a duré que quelques années,  Monsieur Manach est parti ensuite à Perros en 1928 pour l’évangélisation de la région car il parlait breton.
Nous allions aussi à l’école du dimanche au Temple. Il y avait mes deux frères et les enfants des familles Scarabin et Stamp. Plus tard, j'ai continué de voir les sœurs Manac'h à différentes occasions".


Solveig Hansen, école primaire de filles. Le Légué.


Erling Hansen, Yvonne Manac'h, Mme Manac'h, François Manac'h, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen

Einar et Erling Hansen, Maïe, Oscar et Anna Hansen.  Devant, Solveig et Thorleif Hansen, Paulette Manac'h. Photo Solveig Hansen




Mon entrée dans la vie active
"En 1933 en fin de la classe de 3ème, j'ai arrêté mes études au Lycée de jeunes filles de Saint-Brieuc pour perfectionner mon anglais car je savais que je pourrais en avoir besoin. Comme à cette époque il y avait beaucoup de relations avec les gallois, j'ai profité que mon père connaissait bien un capitaine qui transportait du charbon de Cardiff jusqu'au Légué pour aller au Pays de Galles dans cette famille protestante. Mon frère Einar y est allé aussi. De notre côté, nous avons accueilli la fille de ce capitaine, Humphreys, et elle est venue avec moi au Lycée de jeunes filles de St Brieuc.

De retour au Légué, après mon séjour au Pays de Galle, j'ai appris tout ce qui pourrait me servir pour travailler au port (sténo, dactylo, comptabilité). Mon frère Einar avait un poste pour moi, pour travailler dans une compagnie assurant la ligne régulière entre Le Havre, Cherbourg, Granville, la côte nord de la Bretagne. Einar a fait toute sa carrière au Havre au siège de la compagnie et moi je suis restée à Saint-Brieuc. Au moment de la guerre, les liaisons maritimes ne fonctionnaient plus et j'ai dû trouver un autre emploi, comme surveillante à l’École Normale de filles, boulevard Lamartine de 1939 à 1941. Les troupes allemandes ayant réquisitionné le bâtiment, je suis retournée au Légué, chez mes parents."


La rencontre avec mon futur  mari, une histoire protestante
"Au Temple, je fais la connaissance de Jean Hück dont les parents habitent Sainte-Barbe, entre Plouëzec et Kérity, à côté de Paimpol. Son père fait partie de l’Église évangélique. Dans leur maison à Sainte- Barbe, ils ont une petite salle indépendante où ils font les réunions protestantes. Plus tard, au temple, Jean s'occupera de l'école du dimanche.
Jean a fait des tas de métiers différents et puis il est devenu secrétaire comptable chez un ingénieur, protestant également, M. Ernest Prigent.  Ce dernier a lancé la fabrication d’agglomérés de construction polis, ne nécessitant pas de crépi. Quand son fils, Pierre, a fait sa thèse, il m'a demandé de lui taper sur ma machine à écrire".


En partant de la droite, 1er rang, la soeur de Jean, Jean Huck, accroupie avec un bébé, Solveig Hansen.


Solveig et Jean Huck. Photo Solveig Hansen


La solidarité entre protestants 
"En 1927-1928, mes parents ont attrapé la typhoïde ; tous les enfants et une amie galloise qui passait l’hiver chez nous, on a été hébergées par la famille Scarabin qui avait une maison dans la rue à côté du temple de St Brieuc.
En 1942-1943, je travaillais chez un représentant en vin. Il m’avait envoyé à Paris. Comme nous avions eu de bonnes relations avec le pasteur Théophile Roux, je suis allée dormir chez lui à Meudon. Je me souviens qu’il est venu me chercher au métro avec une lanterne. Le matin Mme Roux m'a apporté une pomme à manger, posée dans une assiette, à éplucher avec couteau et fourchette !
En 43, quand je suis allé à la prison de Rennes, pour apporter un colis à toutes les personnes de ma famille qui avaient été arrêtées, je suis allée chez le pasteur faire une pause et on est revenu par le train dans la journée.
"


Les arrestations en 1943
"J’ai su après l’arrestation de mes parents que mon mari avait été arrêté en même temps chez M. Prigent. Ils avaient pris Erling chez lui, le pasteur Crespin, Einard chez M. Le Bigot et mes parents.
Mais là il y a une petite histoire  humoristique : du fait que c’était la guerre, on avait une chèvre, il fallait du lait pour le troisième enfant de mon frère. Mes parents et ma belle-sœur avaient acheté une chèvre et c’est ma mère qui la trayait. Ma mère partie, ma belle-sœur et moi on ne savait pas ce qu’on allait faire.
Deux soldats allemands étaient restés fouiller la maison quand mes parents étaient partis. C’est l’un d’eux qui a trait la chèvre
Il y en a un qui a fouillé la maison, c’est ma belle-sœur qui était chargée de la visite. Ils sont allés au grenier, ils sont allés dans le jardin. Je savais que mon jeune frère Thorleif avait caché un vélo allemand dans le grenier. Il y avait un ceinturon dans un faux fond d’un tiroir d’une armoire. Il y avait un pistolet enterré dans le poulailler.
Pendant que ma belle sœur faisait faire le tour, moi j’étais en train de prier parce que je ne savais pas ce qui allait en résulter !
Mais ils n’ont rien vu car ils allaient avec autre chose dans l’idée. Ils voulaient trouver un poste radio pour émettre vers l’Angleterre…"


✋ Trois vidéos ont été réalisées ce 19 novembre 2019 et elles sont accessibles avec les liens ci-dessous mais il faut ouvrir un compte Viméo.

Extrait 1 L'arrestation des membres de la communauté protestante en 1943

Extrait 2 Le voyage jusqu'à la prison de Rennes en 1943 pour apporter des colis 

Extrait 3 La perquisition de la maison de la famille Hansen au Légué


✋ Une vidéo a été réalisée le 10 décembre 2019 et elle est accessible avec le lien ci-dessous (avoir ouvert un compte Viméo pour la visionner).
Extrait 4 La période où exerçait le pasteur Yves Crespin 



Document : Le début de la guerre
Au départ de Daniel Manac'h, Einar et Erling Hansen en juillet 1939,  Solveig Hansen a écrit un texte dans ce moment où l'histoire semble basculer dans le chaos :





"Septembre 1939. C’est la guerre !
Erling et Einar doivent partir ainsi que Daniel Manac’h qui est avec nous au Légué. Nous sommes dans la cour et avant le départ, Daniel lit le psaume 121.
Je lève les yeux vers les montagnes
D’où me viendra le secours ?
Le secours me vient de l’Éternel
Qui a fait les cieux et la terre
Il ne permettra pas que ton pied chancelle
Celui qui te garde ne sommeillera pas
Voici, il ne sommeille ni ne dort
Celui qui garde Israël
L’Éternel est celui qui te garde
Il est son ombre et sa main droite
Pendant le jour, le soleil ne frappera point
Ni la lune pendant la nuit
L’Éternel le gardera de tout mal
Il gardera ton âme
L’Éternel gardera ton départ et ton arrivée
Dès maintenant et à jamais.

"C’est un psaume qui m’a suivi jusqu’à ce jour." 11 avril 2017 et 14 mai 2023.



Un article de Ouest-France du 4 juin 2016.


Solveig Huck, résidente à l'Ehpad des Ajoncs-d'Or à Plérin, affiche une forme détonante. Un peu étonnée d'avoir franchi le cap du siècle, elle raconte sa vie avec une mémoire intacte.

"Je suis née au Légué, le 23 mai 1916, de parents norvégiens. J'avais deux frères, un troisième est arrivé neuf ans plus tard. Mon père était comptable chez les courtiers maritimes du port, maman nous élevait. À 17 ans, j'ai quitté le lycée pour passer huit mois dans une famille au Pays de Galles. À mon retour, j'ai appris la sténo, la dactylo, la comptabilité. J'ai travaillé avec mon frère qui était agent dans une compagnie maritime au Havre.

Quand la guerre est arrivée, le trafic maritime s'est interrompu. Je suis devenue surveillante à l'école normale des filles. Puis les Allemands ont occupé la place, les élèves ont été hébergées chez l'habitant. Je suis retournée au Légué, et je me suis mariée en mars 1943. Le 2 novembre de cette année-là, mon mari, mes parents et mes frères ont été arrêtés par la Gestapo et emprisonnés à Rennes. Ils sont revenus une semaine avant Noël, sauf mon frère aîné, parti à Buchenwald : c'était le docteur Hansen, bien connu des Briochins et des Plérinais de l'époque.
Le 26 décembre 1943 naissait ma première fille. Deux autres filles ont suivi, en 1945 et 1946, Etienne, le futur potier, a pointé le nez en 1952, et Sigrid a clos la série trois ans après. En 1959, mon mari a pu acheter une charge de courtier maritime. Mais, hélas, il décéda quatre ans plus tard. J'ai eu la chance de pouvoir prendre sa suite et de travailler jusqu'à ma retraite.
En 2013, je suis rentrée aux Ajoncs-d'Or. Je m'y sens bien, j'ai beaucoup d'activités comme l'atelier tricot et la couture. Je lis beaucoup. Mes enfants m'invitent le dimanche, je passe une heureuse vieillesse. Et ma famille vient de s'agrandir : j'ai aujourd'hui dix petits-enfants et dix arrière-petits-enfants ! »

 
Le 18 août 2018, autre article dans Ouest-france pour ses 102 ans !
Solveig Hück, cent ans de mémoire du Légué

À 102 ans, Solveig Huck a vécu 98 ans au Légué. Elle y a exercé différents métiers, a vu l’évolution du port. Et a toujours gardé un lien avec la mer.
De l’arrivée des voitures à charbon à la réfection du port, en passant par l’occupation allemande, la vie de Solveig Huck s’entremêle avec celle du Légué. Elle y a vécu 98 ans.
À aujourd’hui 102 ans, quelques noms d’anciennes connaissances commencent à lui échapper. Mais le regard est encore clair et les gestes, vifs.
« Quand mes parents se sont installés, vers 1920, la maison n’avait pas l’eau courante. Alors mon père a installé une pompe, et a monté le tuyau jusqu’au grenier ! »

Un an à l’étranger

C’est dans cette maison qu’elle a vécu toute sa vie. Et c’est dans cette même maison qu’habite, encore aujourd’hui, l’un de ses cinq enfants.
Dans les années 1930, alors qu’elle a 18 ans, elle quitte pourtant le nid familial. « Je suis partie en Angleterre pendant neuf mois, pour apprendre la langue. Et j’ai passé l’été en Norvège » sourit-elle. Rien d’exceptionnel pour elle, dont les deux parents sont norvégiens.
À 21 ans, après un passage à l’École normale, elle commence à travailler pour le savon Briochin. Puis elle commence à travailler « aux bassins » avec son frère.
« C’était du cabotage entre Morlaix et Le Havre. On recevait beaucoup de café vert ! se souvient-elle en tapant doucement du poing sur la table. Il fallait payer pour venir récupérer les marchandises. »
Mais tout change en 1939. « Avec la guerre, il n’y avait plus de bateaux. Je suis devenue pionne à l’École normale pendant deux ans, avant que le bâtiment ne soit réquisitionné par les Allemands… »
Jusqu’en 1943, elle travaille alors pour un représentant de vins. « Je me déplaçais souvent en train, avec mon vélo. C’est pour ce métier que j’ai appris à en faire, à 25 ans ! D’ailleurs, il y avait une gare au Légué, côté Plérin, juste sur la place. »

Un commerce transformé

Un soir, en rentrant, elle trouve la maison vide. « C’était le 1er novembre 1943. Mes parents étaient sur le pas de la porte. Je n’ai même pas eu le droit de les embrasser. » Son frère est déporté à Buchenwald. Il en reviendra, en mai 1945.
Avec la fin de la guerre, Solveig Huck continue de travailler comme commissionnaire agréée en douane. « Ah, j’en ai dédouané des 2 CV ! Il y en avait beaucoup qui venaient d’Algérie, au moment du rapatriement ! »
Une partie des marchandises est encore, à ce moment-là, stockée à la maison du Bosco, une ancienne maison d’armateur, qui sert aujourd’hui de local à l’association du Grand Léjon. Mais presque plus rien n’arrive par bateau.
À la mort de son mari, elle passe l’examen pour devenir courtier maritime, alors qu’elle a 47 ans. Elle prend sa retraite à 61 ans.
Des vies multiples, dans un endroit qu’elle affectionne. Et peu de doutes concernant le futur du Légué. « C’est vrai qu’il y a encore peu de temps, le port périclitait. Chaffoteaux est parti, les dockers ont disparu… Les maisons étaient abandonnées. »
Aujourd’hui, le lieu a retrouvé des couleurs. « Ce ne sont pas les mêmes activités. Les déchargements se font plus vite, on reste moins longtemps… Mais le Légué continue à vivre. C’est ça qui compte. »


Liens

Article dans ce blog sur Oscar Hansen, cliquer ici

Sources

De nombreux éléments de l'histoire de Solveig Hansen ont été recueillis lors d'entretiens à Plérin en 2019, 2020, 2023. Les photos viennent d'un album souvenir offert par ses enfants et petits-enfants.

Les archives de Ouest-France et du temple protestant ont également été utiles.

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lundi 4 septembre 2023

Pierre Charlot (1929-2019), I.E.N, protestant et président de l'U.T.L de Guingamp


Pierre Charlot (1929-2019)


Origines

Pierre Charlot est né le 18 mai 1929 dans le 18e arrondissement de Paris d’un père d’origine haut-marnaise et d’une mère bretonne. Des deux familles, il ne connaîtra que ses grands-parents maternels, de solides Rostrenois.

 
 
Études et carrière professionnelle
 

Après l’obtention du baccalauréat, série philosophie en 1948, Pierre Charlot entre sur concours au lycée La Fontaine où a été ouverte une classe de préparation au Certificat d’Aptitude à l’Éducation musicale.
 
Pierre Charlot (1929-2019)
 
Nommé au Collège moderne de Nancy comme professeur d’Éducation musicale, il voit sa carrière interrompue par la nécessité d’accomplir ses obligations militaires. Appelé pour une durée de douze mois, temps d’abord imposé à sa classe d’âge, il restera en réalité 29 mois sous les drapeaux en raison des événements ayant ensanglanté l’Algérie. Passé par l’école de formation des officiers de Saint-Maixant, il sera affecté à la formation des jeunes recrues.

Libéré en janvier 1958 et affecté au lycée Poincaré de Nancy, vers 1965, l’ouverture d’un centre de préparation au Certificat d’Aptitude à l’Inspection primaire le pousse à se renouveler. Ledit certificat lui est attribué en 1967 et une nouvelle carrière s’ouvre devant lui dès le mois de janvier suivant. Il effectue d’abord diverses tâches avant d’obtenir à la rentrée 1968 le poste de Pont-à-Mousson où il restera jusqu’en 1974. 


 
Retour en Bretagne


En 1974, il ne résistera pas à l’appel de la Bretagne. Deux postes étaient vacants à Guingamp : ses états de service et son ancienneté lui ont permis d’obtenir l’un d’eux caractérisé par sa dimension essentiellement rurale, chefs-lieux de canton et écoles de campagne, ce qui n’était pas pour lui déplaire.


Admis à la retraite en 1990, il devait être écrit qu'il ne se libérerait pas aussi facilement de ses attaches avec le milieu puisqu’il lui fut demandé de fonder à Guingamp une section de l’Université du Temps Libre dont il s'est retiré après dix-sept ans de présidence.
 



Engagement dans le protestantisme


Concernant son engagement dans le protestantisme, voilà ce que Pierre Charlot en dit : " Parler de la foi c’est déjà ouvrir une porte sur le jardin secret. Je m’en dispenserai donc. Mais alors que j’étais en classe de quatrième, sous l’influence d’un professeur convaincant je présume, j’avais formé trois vœux : visiter Berlin (nous étions en 1942 !), voir Carthage (souvenirs du « Delenda Carthago est » de Caton l’Ancien ) et devenir protestant.
 
Les trois vœux ont été accomplis, le troisième non sans difficulté. Je ne connaissais personne apte à m’orienter, pas même un camarade de classe et ma famille au plan religieux manifestait une certaine tiédeur. J’ai lu, je me suis documenté et c’est à l’occasion de mon installation en Bretagne que j’ai pu établir le contact avec le docteur Hansen alors responsable de notre communauté".


Pierre Charlot 17 mai 2006 Ouest-France





Responsabilités dans la paroisse



C'est  d'abord le pasteur Le Cozannet qui s’est assuré de la solidité de la culture religieuse de Pierre Charlot et lui a rapidement confié des responsabilités au sein de l’Église. 
 
Ensuite, un évènement est venu accélérer la prise de responsabilité de Pierre Charlot. En effet, le pasteur Guy Froment,  un an avant sa retraite, a été autorisé à ne plus exercer son ministère qu'à mi-temps. Le conseil presbytéral a alors proposé à Pierre Charlot, qui en était le vice-président d'assurer, en liaison avec le pasteur, la responsabilité de l’Église en 1993-1994. Les tâches ont donc été partagées: M. Froment a conservé les affaires délicates, le Conseil presbytéral devant assurer le culte et les autres tâches. 
 
 Dans la photo qui illustre l'article ci-dessous, on reconnait Pierre Charlot tout à fait à gauche. Il y explique le fonctionnement d'une communauté protestante avec beaucoup de clarté.
 
 
Pierre Charlot à Perros. 27 février 1994 Le Télégramme

 
 
Pierre Charlot à Perros. 27 février 1994 Le Télégramme

 
 
M. Charlot entre aussi au conseil de Consistoire et en devient le secrétaire. Les actions entreprises par le pasteur Froment seront poursuivies cette année-là. Lors de la nomination du pasteur Thomas Mentzel, M. Charlot conservera son poste de président du conseil presbytéral. Toutefois, il ne sollicitera pas le renouvellement de son mandat aux élections de 1997 en raison de son éloignement géographique. C'est un briochin, M. André de Kerpezdron qui lui succédera à cette date

A noter aussi qu'en 1978, M. Charlot a remplacé à l'harmonium la dévouée et assidue Mme Marie Gugenheim. Il a assuré cette tâche pendant des années par la suite. On peut retenir également un moment important pour Pierre Charlot, celui où on lui a confié le discours d'accueil des participants réunis à St Brieuc en novembre 1991 pour le Synode régional. Enfin, on doit reconnaître qu'il a aussi beaucoup œuvré pour développer l'œcuménique sur le secteur de Guingamp. 


Pierre Charlot est décédé le 30 juillet 2019 à l'hôpital de Guingamp à l'âge de 90 ans. Un culte d'action de grâce a eu lieu le 8 août à la salle polyvalente de Pabu. A cette occasion, son ami John Colomb a lu la confession de foi de Luther,  Magali Lenot et Daniel Colin ont célébré le culte.
 
 
Pierre Charlot 2 octobre 2004 Ouest-France

 



Sources

Par modestie et discrétion, Pierre Charlot a longtemps esquivé la proposition de livrer certains éléments sur sa vie. Finalement, cette biographie a été établie, vérifiée et complétée par Pierre Charlot lui-même en juin 2019, peu avant son décès.
 
 
 
 

Annexes

Pierre Charlot était membre fondateur de l’Université du temps Libre de Guingamp et on le retrouve régulièrement dans la presse locale entre 2001 et 2008 (année où il passe la main en tant que président de l’UTL).

Il est arrivé à plusieurs reprises à Pierre Charlot de faire partager ses recherches sur la Bible ou l’histoire du protestantisme comme on le voit dans les articles suivants datés de 2001 et 2002.

 

Pierre Charlot. 2003. Ouest-France

 

Article du 24 octobre 2001

UTL : d'hier à aujourd'hui, nouveau regard sur la Bible.

Comme d'habitude, Marcel Le Moal, le président de l'UTLCOB, a introduit la conférence. Les chrétiens reconnaissent l'ensemble des textes sacrés du peuple juif sous le nom d'Ancien Testament. Avec les livres du Nouveau Testament (Evangile et lettres des apôtres), ils constituent la référence spirituelle de tous les chrétiens, quels qu'ils soient.

Marcel Le Moal à gauche et P. Charlot. 24 octobre 2001. OF

La seconde partie du Coran, qui évoque les patriarches et les prophètes, confirme une continuité entre les livres saints. « Ils sont à la base des grandes religions monothéistes révélées, branches issues d'un même tronc, qui a nourri la postérité d'Abraham, même si ces frères, qui ont puisé aux mêmes sources spirituelles, se sont, souvent, comportés, dans l'Histoire et encore aujourd'hui, comme des frères ennemis. »  


Pierre Charlot, le conférencier, a exercé des responsabilités au sein de l’Église réformée de Saint-Brieuc. D'autre part, il s'est spécialisé dans la recherche sur le protestantisme en Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles. Il a expliqué à son auditoire comment ont été élaborés les textes de la Bible, puis comment s'est constituée la Bible hébraïque. Ensuite, il a indiqué la manière dont s'est effectuée la transmission en différentes langues avec les ajouts, dont les principaux sont ceux des chrétiens, après la mort de Jésus.

Aujourd'hui, le fond hébraïque constitue l'Ancien Testament et les livres essentiellement chrétiens le Nouveau Testament. « Ces derniers sont éclairés par l'Ancien Testament qui a été conservé pour cette raison. » Dans un second temps, Pierre Charlot a montré en quoi ces textes nous concernent encore aujourd'hui. « Quelle lecture un chrétien peut-il faire de la Bible aujourd'hui ? » Le conférencier a développé trois exemples en s'appuyant sur des paraboles tirées des Évangiles de Luc et Mathieu : la parabole « des Vierges folles et des vierges sages », celle « des dix lépreux » et celle « de la joue tendue ».


Pierre Charlot 2 octobre 2004. OF

 

26 février 2002

UTL : les adhérents sont venus écouter l'histoire d'Henri II de Rohan

Inspecteur départemental de l'Éducation nationale à la retraite, Pierre Charlot, président de l'Université du temps libre (UTL) de Guingamp, est venu lundi après-midi présenter une conférence sur Henri II de Rohan. Le Palais des Congrès avait presque fait le plein, tant la vie de ce descendant d'une des plus grandes familles bretonnes passionne les amateurs d'histoire. « Le protestantisme est une période de l'Histoire un peu oubliée, regrette Pierre Charlot. Protestant moi-même, c'est logiquement que je me suis intéressé à Henri II de Rohan. »

Lors de cette conférence, il a abordé les différentes périodes de la vie de « ce huguenot rebelle sous Louis XIII », sa participation aux guerres politico-religieuses et la période où il a troqué son épée pour la plume.

 
 
 
 
 
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Pierre Charlot en 2007 Ouest-France

 
 
 

Les protestants des Côtes-du-Nord vus par les catholiques. 1936-1938

 


Entre 1936 et 1938, les curés des Côtes-du-Nord ont répondu à une vaste enquête sur la vie dans leur paroisse. Quatre questions sont posées sur les protestants, elles figurent à la page 40 d’un questionnaire qui en comporte 41, c’est dire que ce n’est pas le sujet central.

 

Les quatre questions sont les suivantes :

  1. Y a-t-il des protestants dans la paroisse ?
  2. Ont-ils des lieux de culte ?
  3. Des catholiques assistent-ils aux réunions protestantes ?
  4. Des parents catholiques ont-ils laissé baptiser leurs enfants par des protestants ? Y a-t-il eu des catholiques à se marier devant le ministère protestant ?

La synthèse des réponses n’est pas sans intérêt.

 

Archives du Diocèse.  St Brieuc. Questionnaires 3F11a et 3F11b. Photo RF

 

Combien de protestants ?

Les réponses apportées sont souvent très courtes, seuls 53 curés ont renseigné au moins une rubrique concernant leur paroisse.

Malgré tout, sur plus de 400 paroisses des Côtes-du-Nord entre 1936 et 1938, ces curés qui ont répondu à l’enquête permettent d’établir un aperçu des protestants dans ce département et de leurs relations avec le monde catholique.

Du côté des chiffres, il ne faut pas chercher un total purement mathématique car il reste une marge d’erreur importante. Tout d’abord à la question  « Y a-t-il des protestants dans la paroisse ? », certains curés répondent en toute honnêteté que cela dépend souvent de ce qu’ils savent ou de ce qu’on leur a dit, comme ce curé de Plouër qui écrit : « il n’y en a pas, à ma connaissance ».   

D’autre part les protestants ne sont pas censées se déclarer au curé de la paroisse catholique, ce « recensement » dépend donc de ce qui est dit sur les uns et les autres dans les petites communes où comme on dit « tout se sait » ! Dans les plus grandes communes, l’exercice est encore plus difficile et le nombre donné est approximatif.   

Mentionnons aussi les protestants « saisonniers », c’est à dire ceux  qui ne vivent en Bretagne que l’été. Ils sont souvent mentionnés mais ne résident pas à l’année.

Les « étrangers » sont bien identifiés par les curés : Langueux, « une famille sarroise »; Pléneuf, « deux de nationalité anglaise »

Ploubalay, « une famille américaine, venue depuis un an, propriétaires de la Ville Briand »; St Jacut de la Mer, « des étrangers »; St Jouan de l’Isle, « Un ménage anglais dont les enfants sont catholiques ».


Archives du Diocèse.  St Brieuc. Questionnaires 3F11a et 3F11b. Photo RF

 

 

Où sont les protestants ?

Les zones d’influence protestante correspondent à ce que l’on connaît déjà au travers des archives de l’Eglise Réformée dans le département. Il n’y a donc pas de surprise, on retrouve surtout les protestants à Saint-Brieuc (une cinquantaine), à Paimpol (évangéliques), à Lannion, à Trémel (une cinquantaine et jusqu’à 100 à 150 personnes pour Noël), à Plougrescant (une trentaine). Ce qui est étonnant aussi est de voir les zones où les protestants  sont totalement absents : Loudéac-Uzel-Plémet-Plouguenast

Dans d’autres, on ne trouve que quelques rares individus : Broons-Merdrignac, Corlay-Mur-St Nicolas, Lanvollon-Plouagat-Pontrieux., et dans le sud du département on ne trouve aucune trace des protestants.

Les salles de prières ou les lieux de culte (temples), dans cette fin des années 30, sont bien identifiés comme à Saint-Brieuc, Le Légué, Dinan, Paimpol, Trémel, Perros-Guirec, Lannion, Perros-Guirec, Pleumeur-Bodou, Trébeurden, Trédez, Plougrescant, Plouëzec, Plouha.

Le curé de Guingamp de la paroisse Notre Dame de Bon Secours parle de la roulotte évangélique qui « fait une apparition de quelques jours dans un coin quelconque en ville mais n’a pas de succès ».

On fait quelques découvertes comme lorsque le curé de Trémuson écrit : « Quelquefois les protestants de St Brieuc se rendent à la mine ». Aucune mention dans les registres de la paroisse ne parlait de cette activité missionnaire auprès des ouvriers de cette mine de plomb argentifère qui a regroupé jusqu’à plus de 800 ouvriers dont de nombreux ouvriers étrangers souvent d’Europe de l’Est (Pologne, Tchécoslovaquie, Allemagne, Autriche…). Malgré la fermeture de la mine au début des années 30, de nombreux ouvriers sont restés vivre dans leurs petites maisons construites autour du site.

La mention concernant la salle Bonne nouvelle par le curé de la paroisse St Michel de St Brieuc est également intéressante. Cette salle ouverte par M. Stamp, un évangélique, fait bien partie du paysage protestant de l’époque.

 

Archives du Diocèse.  St Brieuc. Questionnaires 3F11a et 3F11b. Photo RF

  

Le regard des curés sur les protestants

Certains sont bienveillants ou neutres comme le curé de Robien à St Brieuc qui mentionne que quelques uns de ses paroissiens sont allés à un culte protestant « par curiosité ».

Le curé de St Jacut-de-la-Mer évoque des protestants étrangers qui « seraient plutôt très agréables au clergé pastoral ».

Le curé de Plouguenast, près de Loudéac parle de protestants qui  « sont venus nous vendre des brochures protestantes, des évangiles, surtout très bien présentés et très bon marché ».

Le curé de la paroisse St Malo de Dinan atteste que des catholiques assistent aux réunions protestantes « avec assez de bonne foi ».

A Port-Blanc, le curé parle de  « 4 familles propriétaires de villas dont deux participent à nos œuvres et sont de parfaite tenue »


D’autres n’hésitent pas à envoyer quelques piques quand ils répondent à la question : « Des catholiques assistent-ils aux réunions protestantes ? »

Le curé J. Marcadet de la paroisse St Etienne à St Brieuc note par exemple « assez peu, seulement en passant pour manifester leur mauvais esprit ».

Le curé de Plérin mentionne « quelques catholiques renégats attirés par des faveurs ».

Le curé de Pleumeur-Bodou ironise sur le fait qu’il n’y a plus de catholiques à aller voir du côté des protestants « depuis que la distribution de thé a cessé ». Il explique aussi l’échec des protestants par la remarque suivante : « avant il y avait quelques pêcheurs difficiles à endoctriner ».

A Trébeurden il n’y a, d’après le curé, que quelques catholiques « indifférents » qui assistent au culte protestant « surtout l’hiver pour être au chaud ».  Le curé de Paimpol pointe aussi l’intérêt supposé de « quelques pauvres » qui se sont rapprochés des protestants « pour bénéficier des distributions de vêtements, secours… »

Le curé de Kérity, proche de Paimpol, met en avant le fait que des catholiques ont pu être attirés temporairement mais « ils sont revenus à l’église catholique ». Le curé de Plouha,  en 1936, indique que le vicaire du pasteur de Kérity tient un culte dans  une petite maison de location mais que très peu de catholiques y assistent et s’ils le font c’est « plutôt en curieux ».

Le curé d’Illifaut raille une dame « qui s’est affiliée au protestantisme, dit-elle, et la grande raison c’est qu’elle était en difficulté avec le recteur. En tout cas c’est une protestante « non-pratiquante ».

Le curé d’Étables en 1938 ne peut que constater que « deux vieilles dames rassemblent chez elles les personnes de leur quartier » et que des catholiques participent à ces réunions « malheureusement  malgré mes avertissements ». Il semble soulagé car « actuellement ces réunions semblent avoir cessé », écrit-il.

Ouvrage sur les dangers du protestantisme. 1900. Archives du Diocèse. St Brieuc. Photo RF

 

Conclusion 

Cette photographie des protestants des Côtes-du-Nord, entre 1936 et 1939, vus par les curés catholiques,  n'est pas sans intérêt. On y retrouve un mélange de respect et de petites disputes... Mais dans l'ensemble tout y est : les lieux de culte ne sont pas omis, le nombre de protestants est assez exact. Ce qui apparait aussi c'est l'isolement de nombreux protestants, dans de vastes secteurs où ils sont parfois seuls.

Cette enquête se termine à la veille d'une période douloureuse de l'histoire de la France, un moment où tous les chrétiens qui ne veulent ni de la collaboration, ni de l'occupation, devront se serrer les coudes et travailler avec d'autres ne partageant pas leurs convictions. Devant la gravité de la situation, les lignes vont bouger...

 

Sources 

La cote des Questionnaires est 3F11a et 3F11b. Ils ne sont pas par ordre alphabétique des paroisses (mis à part les grandes villes elles correspondent en gros aux communes), mais par doyennés et pour chaque doyenné on retrouve l'ordre alphabétique des paroisses.

Archives du Diocèse.  St Brieuc. Questionnaires 3F11a et 3F11b. Photo RF

 

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Document, extrait du Questionnaire. Diocèse de St Brieuc

  1. Y a-t-il des protestants dans la paroisse ?
  2. Ont-ils des lieux de culte ?
  3. Des catholiques assistent-ils aux réunions protestantes ?
  4. Des parents catholiques ont-ils laissé baptiser leurs enfants par des protestants ? Y a-t-il eu des catholiques à se marier devant le ministère protestant ?

 

Intégralité des notes. Novembre 2019

Volume 1

St Brieuc. Paroisse St Etienne, cathédrale de St Brieuc, J. Marcadet curé

  1. quelques uns seulement
  2. 2. Pas sur la paroisse
  3. assez peu seulement en passant pour manifester leur mauvais esprit
  4. 4. Pas à ma connaissance

 

St Brieuc . Ste Anne de Robien, Saint-Brieuc. J. Marcadet curé

  1. une famille protestante
  2. 2 ; quelques uns sont allés dans cette salle par curiosité

 

St Brieuc, paroisse St Michel

  1. oui, nombre inconnu, ne dépassant pas la cinquantaine

2. Un temple et la salle de Bonne nouvelle

3. Quelques personnes du bld Pasteur

4. quelques uns pour le baptême,

 

Langueux

  1. une famille sarroise

 

Plérin

  1. 4 ou 5 familles
  2. Le Légué et St Brieuc
  3. quelques catholiques renégats attirés par des faveurs

 

Pordic

1 protestant

 

Trémuson

  1. quelquefois les protestants de St Brieuc se rendent à la mine
Quintin Boulbain, curé-doyen

1.     je n’en connais qu’un qui se dise protestant

 

 

Volume 2

Lamballe Montcontour

 

Noyal

Une protestante

 

Erquy

Oui 2

 

Pléneuf

2 de nationalité anglaise

 

 

Volume 3

Corseul

une famille, ils fréquentent notre église

 

Créhen

une famille

 

Ploubalay

une famille américaine, venue depuis un an

ce sont les propriétaires de la Ville Briand

lieu de culte : à Dinard en été

 

Lancieux

une famille se dit protestante. Je crois qu’au fond, elle n’est rien.

 

St Jacut de la Mer

Oui des étrangers et passants

Seraient plutôt très agréables au clergé pastoral

 

 

Vol 4

Dinan Saint-Sauveur  1938

Presque plus

Lieu de culte : Oui mais pas de pasteur

Au temple non, mais dans les cortèges funèbres des catholiques assistent

 

Dinan, paroisse St Malo

Des catholiques assistent aux réunions protestantes « avec assez de bonne foi »

 

Plouër 1938

Oui une protestante et on m’a signalé deux autres personnes qui ne viennent pas à l’église qui seraient, dit-on, protestantes.

Une catholique s’est mariée avec le protestant devant le ministère protestant

 

 

Vol 5 Broons

Illifaut 1937

Une dame qui s’est affiliée au protestantisme, dit-elle, et la grande raison c’est qu’elle était en difficulté avec le recteur. En tout cas c’est une protestante « non-pratiquante ».

 

St Jouan de l’Isle 1936

Un ménage anglais dont les enfants sont catholiques

 

 

Vol 6 Loudéac

Plouguenast 1938

Non mais ils sont venus nous vendre des brochures protestantes, des évangiles, surtout très bien présentés et très bon marché

 

Vol 7 Corlay

Corlay

Un je crois

 

Gouarec

Un seul

 


Vol 8 Callac

Callac 1937

Oui trois

Un mariage

 

Maël-Carhaix 1939

Un

 

 

Vol 9 Guingamp

Guingamp,  Notre Dame de Bon Secours 1937

Pas de lieu de culte mais une voiture évangélique fait une apparition de quelques jours dans un coin quelconque en ville mais n’a pas de succès

 

Tome 9 II Lanvollon

Le Merzer 38

Un

 


Tome 10 Volume 1 Lannion

Lannion 1938

Deux familles un temple

 

Ploubezre  1938

Un

 

Servel  1938

Un

 

Perros-Guirec 1938

oui

Lieu de culte oui

Pas beaucoup, quelques uns seulement

 

 

Pleumeur-Bodou 1938

Pas de protestant mais il y a une maison louée par un pasteur ambulant

Q3. Pas depuis que la distribution de thé a cessé, et avant il y avait quelques pêcheurs difficiles à endoctriner

 

Saint Quay-Perros 1938

A proprement parler non mais quatre personnes fréquentent les protestants de Perros

 

Trébeurden 1938

Tois ou quatre

Lieu de culte oui

Quelques catholiques indifférents y assistent surtout l’hiver pour être au chaud , à la lumière ensemble.

Il y a eu un faux mariage (divorcés)

Deux catholiques ont épousés deux filles protestantes


 

Tome X Vol II

Trédez 1938

Pas de protestant mais un lieu de culte, une baraque

Très peu assistent

 

Trémel 1938

Oui de 40 à 45

Culte le dimanche à 10h

Oui une quinzaine, la nuit de noël de 100 à 150 personnes, presque tous les enfants

Une cinquantaine à la messe vient après

 

Plounérin 1937

4 ou 5

par curiosité peut être

 

Coatrévez 1938

un

 

Penvénan  1938

un

 

Port blanc  1938

aucun chez les hivernants. Chez les touristes, 4 familles propriétaires de villas mais dont deux participent à nos œuvres et sont de parfaite tenue

 

Plougrescant  1938

oui une trentaine

temple

catholiques assistent

mariages oui

 

 

 

vol XI  Paimpol

Paimpol  1936

oui, trois familles (six à sept personnes)

lieu de culte à Kérity

très rarement, quelques pauvres pour bénéficier des distributions de vêtements, secours…

 

Bréhat 36

oui, un israélite

 

Kerfot 36

une femme

 

Kérity 36

3 pasteurs et une quarantaine de personnes

oui un temple récemment construit

oui mais qui sont revenus à l’église catholique

 

Ploubazlanec 36

deux

 

Plouëzec 36

3 ou 4

culte à St Rion rivoi bioi ??? le samedi, très peu suivi

 

Plounez 36

oui Trois

 

 

Etables 38

oui trois

deux vieilles dames rassemblent chez elles les personnes de leur quartier

« oui malheureusement malgré mes avertissements, actuellement ces réunions semblent avoir cessé »

 

 

Saint-Quay Portrieux

rien !

 

Binic 38

une famille

 

Tréveneuc 38

un

 

Lézardrieuc 36

une famille

 

 

Plouha  36

oui, le vicaire du pasteur de Kérity

lieu de culte, une petite maison de location

très peu, plutôt en curieux

 

         Relevé effectué par Richard Fortat en novembre 2019

Archives du Diocèse.  St Brieuc. Questionnaires 3F11a et 3F11b. Photo RF

 

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