mardi 2 janvier 2024

Madagascar dans l'histoire de la paroisse réformée de Saint-Brieuc.



Des engagements forts pour Madagascar

Madagascar tient une place à part dans l'histoire de la paroisse. Après-guerre, plusieurs conférences sont programmées en 1947 et début 48 : le pasteur Edmond Brunel (missionnaire à Madagascar) expose en décembre les activités de la Société des missions et au début de l'année 48, le pasteur André Roux fait une série d'exposés sur Madagascar. Sur la question de la décolonisation, des intellectuels protestants ont demandé que le gouvernement français cesse les massacres à Madagascar dès 1947.

En 1959, c'est après les inondations à Madagascar que la paroisse de Saint-Brieuc récolte des dons. 

Inondations en 1959 à Madagascar

Des liens avec Madagascar sont établis depuis que deux enseignants malgaches et protestants sont venus en juin 1958 au Temple de Saint-Brieuc à l'invitation du pasteur Marquer.
M. Ratsitchara, directeur d'école et M. Dantès, professeur de Cours complémentaire, ont alors pu rendre compte de la réalité vécue dans ce pays, dans un contexte où l'indépendance du pays était proche (le 26 juin 1960). Bien plus tard, en 1995, au Temple on organise une opération "bol de riz" au bénéfice d'un village malgache avec la participation de Mlle Homburger, missionnaire à Madagascar et membre de la communauté oecuménique de Granchamp.

Dans le cadre de la CIMADE, un projet local de partenariat est engagé avec le village malgache d'Ambatomiranty  d'où est originaire un couple de la paroisse protestante (Albertine et Albert Razanokolona).
Dans les années 90, M et Mme Razanokolona pourrait d'ailleurs bien représenter les premiers protestants d'origine malgache inscrits dans la paroisse protestante réformée de Saint-Brieuc.

Albertine Razanokolona dans une école du Finistère. Décembre 1991

En 1995, une association est créée "L'oiseau bleu", dont le siège social est au Temple. Le premier objectif est de fournir un groupe électrogène en vue de faire fonctionner une machine pour décortiquer le riz et de faire fonctionner des machines à coudre. L'association L'oiseau bleu, association loi 1901, est inscrite le 25 avril 1995 à la Préfecture et son but est d'établir un partenariat avec le village d'Ambatomiranty pour son développement économique, social et culturel
La présidente est Valérie Commault, la vice-présidente Albertine Razanokolona, le secrétaire Guy Froment, le trésorier Bernard Lenot. On note aussi dans les membres la présence de Françoise Galaup, infatigable militante, première présidente du Collectif tiers-Monde des Côtes d'Armor (épouse de Jacques Galaup, adjoint à la culture de St Brieuc de 1965 à 1989, militant PSU bien connu).

L'association s'engage sur plusieurs années, dans différentes manifestations, pour rassembler l'argent nécessaire (repas, vente d'objets, marche sponsorisée à Étables...) Enfin, en novembre 1997, les fonds sont suffisants pour acheter la décortiqueuse de riz.


A noter que les protestants de France et de Madagascar ont, depuis longtemps, tissé des liens très étroits. Les premiers missionnaires anglais sont arrivés en 1818, avant la colonisation. Ils ont introduit la technique de la brique cuite et de la pierre taillée que l'on retrouve encore aujourd'hui sur les hauts plateaux. Ils ont fixé la langue par écrit. Au XXe siècle, des protestants Malgaches (réformés et luthériens) ont créé en 1959 l’Église protestante malgache en France (F.P.M.A). Elle est devenue membre associé de la Fédération protestante de France dès 1979. Elle compte environ 38 paroisses en France.


Ils ont été marqués par Madagascar

Le pasteur Samuel Bourguet et Lucie, son épouse

Le pasteur Samuel Bourguet, après avoir exercé à Lannion-Perros-Guirec de 1924 à 1928, part à Madagascar fin 1928 avec la Société des Missions évangéliques de Paris. La SMEP est implantée à Madagascar depuis 1896. Prenant rapidement des cours du soir pour apprendre le malgache, il va pouvoir prêcher dans la langue du pays au bout d'un an.   

Jusqu’en 1940, il assure la fonction de directeur de l'école primaire-supérieure d'Ambohijatovo nord à Tananarive. Puis de 1940 à 1945, on lui confie la direction d’un vaste district (le Vonizongo) et d’une école biblique à Fihaonana où l'on forme des prédicateurs laïcs. Au début du mois de septembre 1940, la famille déménage à Fihaonana. Les déplacements pour visiter les paroisses s'effectuent en pousse-pousse, en chaise à porteur pour les distances les plus courtes ou au volant de la vieille Citroën quand il faut se rendre à la capitale pour des conférences par exemple.
Le pasteur est très actif dans la Croix-Bleue car de nombreux malgaches ont des soucis avec l'alcool. Il s'emploie à créer de nouvelles sections. Samuel Bourguet assure la présidence de cette association à Madagascar.


Les retours en métropole sont rares et la première fois se produira après 5 ans sur place, en 1933. Le pasteur est chargé de faire des conférences en France pour parler du travail de la mission à Madagascar et récolter des fonds afin de poursuivre le travail commencé.
Le deuxième retour en France en 1939 est annulé à cause de la déclaration de guerre et de la suppression des bateaux vers la France. La famille Bourguet reste donc à Madagascar plus de dix ans sans revenir en métropole. Ce n'est qu'en novembre 1945 que cette longue expérience s'achève.


Ensuite, au retour de Madagascar, après une période de repos, le pasteur occupe la fonction d'aumônier militaire. Il est particulièrement chargé d'accompagner les militaires malgaches qui retournent dans leur pays par le port de Marseille.
Le pasteur Bourguet exerce ensuite dans la paroisse de Milhaud dans le Gard de 1947 à 1961. Il s'inscrit comme pasteur de l'Eglise Réformée de France en 1947 et y restera officiellement jusqu'en 1963.
Il faut aussi rappeler le rôle de Lucie Bourguet (née Nüsslé, 1902-1992) qui a eu six enfants dont elle s'est occupée dans des conditions très rudimentaires pendant de longues années à Madagascar de 1928 à 1945.


Jean-Claude Chevalier, conseiller presbytéral

Jean-Claude Chevalier est né en 1931 à Mamers dans la Sarthe. Après avoir exercé des responsabilités dans l’Église catholique qui le conduiront dans différentes parties du monde, Jean-Claude Chevalier se marie en 1975 avec Agnès de Singly. Dans les années 70, il fait connaissance avec le milieu protestant à Angers et entame une formation de prédicateur laïc à Nantes. Plus tard, il devient membre de l’Église Réformée de St Brieuc en mai 2003 et rentre au Conseil presbytéral en mars 2004. Il assurera cette fonction pendant huit ans. Jean-Claude Chevalier s'est finalement éteint en février 2019.

Voici l'une de ses dernières paroles : « Je remercie toutes les personnes qui m'ont permis de mieux comprendre les richesses de la nature humaine, et cela de la personne la plus humble, à mes proches, ma famille; j'en ai pris conscience à 35 ans à Madagascar, expérience qui a bousculé ma vie et m'a permis de mesurer cette richesse ».

 

La chorale, spécificité des communautés malgaches.

Le chant tient une grande place dans les traditions malgaches, quelles soient religieuses ou profanes. Il n'est pas étonnant de retrouver l'expression de la foi à travers le chant collectif. En particulier le gospel peut être considéré comme un moyen de se délivrer des tristesses et des douleurs. Plusieurs exemples dans l’ouest de la France suffisent à montrer que les chorales malgaches sont une spécificité dans le monde protestant.
Le chant polyphonique, accompagné par les frappés de mains, est souvent pratiqué dans la tradition malgache.

Tout d’abord à Rennes, la chorale malgache Midera est créée en 1998. A son répertoire on trouve des chants polyphoniques et traditionnels de compositeurs malgaches mais aussi du classique (Jean-Sébastien Bach), du gospel ou des chansons françaises. Midera se produit au niveau régional avec d’autres chorales de l’église protestante malgache en France.

En 2014


A Nantes en 1995 naissait la paroisse nantaise L'Église protestante malgache en France et la chorale Antsan'ny Lanitra (« Mélodie du ciel »), dirigée par Francis Randriarimanga. 

La chorale animait régulièrement les cultes au temple protestant tout en chantant aussi pour les mariages en interprétant des airs de Madagascar. Le répertoire de la chorale comprend des textes tirés de la Bible mais aussi des classiques comme le Messie de Haendel ou du gospel. Cette Eglise se définit comme « jeune et dynamique, issue de l'immigration, contribuant à enrichir la fédération protestante ».

Chorale de Nantes


 

Dans les années 2000, la chorale malgache Mirana, effectue de nombreux concerts dans les églises évangéliques. Le pasteur Frédéric Sourisseau, responsable de la communauté évangélique de la Maison blanche à Quévert, proche de Dinan, la fait venir en mai 2004. La chorale Mirana s'est,constituée autour du pasteur évangélique de Rennes, Roger Rajaobelina. Les fonds récoltés vont soutenir l'association Tsiky qui oeuvre auprès d'enfants de Madagascar.

A la Maison blanche. 18 mai 2004 Ouest-France


La chorale malgache Mirana se produit en concert dans l’Église évangélique de Robien en octobre 2004. 

Chorale malgache à Robien. Photo Le Télégramme 20 octobre 2004

 

Pendant quelques années à partir de 2013, le groupe Kejan Armoric Gospel de Saint-Brieuc a réuni une quinzaine de membres provenant de divers horizons professionnels et religieux, ou pas, et se retrouvait régulièrement au temple protestant réformé.


 

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Si vous avez des remarques à partager ou des renseignements à communiquer sur la communauté malgache protestante, merci d'utiliser le formulaire de contact. 

 

Sources 


Article sur le pasteur Samuel Bourguet, cliquer ici

Photos du pasteur Bourguet à Madagascar, ici

Lien pour accéder à un texte sur les activités du pasteur Bourguet à Madagascar de 1939 à 1941, ici

Pour la reproduction des deux photos du pasteur Bourguet à Madagascar, merci à  Claire-Lise Lombard de la Bibliothèque du Défap-service protestant de mission 102 Bld Arago 75 014 Paris.

Biographie complète de Jean-Claude Chevalier, ici
 

Place et rôles des temples protestants malgaches dans la construction d'une communauté à Paris, par Hery Andry I.V Rakotonanahary. Université Denis Diderot Paris 7 - DEA Sociologie 2002. Cliquer ici

Site de l’Église malgache de Nantes

Facebook, Eglise protestante malgache, ici

Archives de Ouest-France et du Télégramme


Le temple protestant de Vannes remonté à Lorient

 

Un article de Mélanie BÉCOGNÉE, publié dans Ouest-France le 11 septembre 2018, édition du Morbihan, sous le titre : "Le temple protestant vannetais, un mécano remonté à Lorient".


Installé depuis 1956 à Vannes, le temple en bois de l’Église protestante unie sera démonté en octobre pour laisser place à un imposant projet immobilier. La mairie lorientaise le récupère pour sa valeur historique.

 

Ci-dessous. Corinne Charriau est pasteure de l'église protestante unie de Vannes Morbihan Est. Photo MÉLANIE BECOGNEE


 

Qu’est-ce qui va changer pour le temple de l’Église protestante unie de Vannes Morbihan Est ?

Situé au 28,rue du 8-Mai 1945, ce temple protestant est une ancienne baraque d’Après-guerre de Lorient. Elle sert de lieu de culte vannetais depuis l’été 1956. Elle sera démontée en octobre pour laisser place à la construction d’un nouveau temple. Ce projet s’inscrit dans un important ensemble immobilier porté par le promoteur Lamotte (Lire ci-contre). « Il y aura des habitations, détaille Henri Bellamy-Brown, président du conseil presbytéral de l’Église protestante unie de Vannes Morbihan Est. Le nouveau temple est inclus dans ce projet. » L’Église protestante unie sera propriétaire de son nouveau temple, dont le montant n’a pas été dévoilé. 


Ci-dessous. Installé depuis 1956 à Vannes, le temple en bois de l’Église Protestante Unie sera démonté en octobre pour laisser place à un imposant projet immobilier. Photo MÉLANIE BECOGNEE

 


Pourquoi un tel changement ?

Mal isolé et difficilement chauffé, le temple actuel n’était plus du tout adapté à l’accueil des fidèles. « Il n’est pas aux normes ERP (Établissement recevant du public), ajoute Henri Bellamy-Brown. Nous aurions pu le faire, mais nous avions ce projet depuis au moins dix ans en tête. » Il ne manquait que les fonds pour donner l’impulsion. « C’est le legs d’un membre de la paroisse associé à la vente du terrain au groupe Lamotte qui nous a permis de concrétiser cela. »

 

Comment cette baraque s’est-elle retrouvée à Vannes ?

Cette baraque vient de loin. « Elle a été offerte par les Églises protestantes d’Amérique du Nord juste après la Seconde guerre mondiale », détaille Henri Bellamy-Brown. Elle servait alors de temple aux fidèles de Lorient. Une dizaine d’années plus tard, le 3 juin 1956, un nouveau temple fut érigé là-bas. La baraque fut donc démontée pour être installée rue du 8-Mai 1945, à Vannes, derrière un ancien bistrot qui sert de presbytère. « C’est vrai mécano ! Elle fut remontée entre le 15 et le 30 juillet de la même année par des jeunes », raconte Henri Bellamy-Brown. Le temple fut dédié au culte le 20 octobre 1957. À l’époque, il était prévu qu’il serve cinq ans…

 

Ci-dessous. Le conseil presbytéral de l’Église protestante unie de Vannes Morbihan Est a collecté de nombreuses photographies de la petite baraque de Lorient. Photo MÉLANIE BECOGNEE


 

Pourquoi la mairie de Lorient récupère-t-elle cette baraque ?

À la fin de la Seconde guerre mondiale, Lorient est détruite. Pour reloger les personnes, de nombreuses baraques en bois sont construites. Ce sont de véritables petits quartiers provisoires qui prennent vie… Ces maisonnettes sont démolies au fil de la reconstruction de la ville. Depuis quelques années, des associations et la Ville s’investissent pour réaliser un travail de mémoire sur cette période de l’histoire lorientaise. Début octobre, la municipalité démontera et remontera la baraque, à ses frais, sur l’un de ses terrains. « C’est une très bonne solution, d’après Henri Bellamy-Brown. Ce ne sera plus un temple, mais un souvenir. »

La baraque a-t-elle changé après tant d’années ?

Poutres apparentes, lambris aux murs et moquette au sol. L’intérieur serait resté en l’état. En revanche, des travaux de restauration ont été entrepris plusieurs fois pour garder la baraque sur pied. La toiture aurait été refaite au début des années 80. Quant aux murs en bois visibles sur les photos d’archive, ils sont recouverts de crépi.

 

Ci-dessous. Remonté à Vannes en 1956, le temple a été dédié au culte le 20 octobre 1957. Photo MÉLANIE BECOGNEE


  

Quel est le planning des travaux à venir ?

Le 30 septembre 2018 aura lieu le tout dernier culte protestant dans le temple. Dans la foulée, la mairie de Lorient récupère la baraque. Après les fouilles archéologiques obligatoires, les premiers coups de pioche devraient être donnés en début d’année 2019. Ils devraient durer deux ans.

 

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Des protestants forains et tziganes dans les Côtes d'Armor

 

Symbole de la Mission tzigane Vie et lumière

Au début du XXe siècle, parmi les non sédentaires, il n'y a pas eu beaucoup de marchands forains à devenir protestants dans les Côtes-du-Nord (devenues Côtes d'Armor en 1990). Tout au plus peut-on citer Madame Robert, marchande foraine à Guingamp, adhérente de la paroisse protestante de Saint-Brieuc en 1937 et Romain Mouton membre de l’Église protestante de Saint-Brieuc en 1929 et 1930. Par contre, dans la deuxième partie du XXe siècle, le courant évangélique a su rassembler des personnes issues du monde tzigane.


Le père Mouton, protestant à Saint-Brieuc.


Le Père Mouton en 1939

Romain Mouton (1850 Lafrançaise-1941 Saint-Brieuc) était au départ directeur de cirque et de théâtre ambulant. Dans les années 1920-1930, Romain Mouton était une personnalité singulière de la ville de Saint-Brieuc où il s'était installé en 1915 et où il tenait une baraque à frites, avec sa femme, dans le square devant la Gare. C'est pourquoi il avait fait l'objet d'un premier article de F. Geffrain dans l’édition du 23 janvier 1937 de Ouest-Eclair.

Monsieur Romain Mouton était alors âgé de 87 ans et on apprenait qu’il était le troisième de neuf enfants élevés dans le cirque. Il n'avait pas appris à lire, ce qui ne l'empêcha pas d'apprendre tous les rôles du répertoire théâtral dans des registres différents comme la comédie, le drame ou le mélodrame.

Il eut une vie bien remplie : acrobate, comédien, artiste de cinéma, écuyer, dresseur d'animaux, professeur de gymnastique, commerçant...

Romain Mouton avait aussi sa petite philosophie de la vie :

"J'ai tout fait mais j'ai oublié de faire fortune ! "

"Les gens ne comprennent pas assez ces paroles sublimes : Aimez-vous les uns les autres". 

Cette dernière phrase sur l'amour de son prochain montre l'attachement de Romain Mouton aux valeurs chrétiennes. Il n'est donc pas si étonnant que cela de trouver son nom comme membre de l’Église protestante de Saint-Brieuc en 1929 et 1930, alors qu'il avait atteint les 80 ans. Cela explique la mention suivante portée sur le registre : 

"M. Mouton, confiserie de la Gare, vieillard, vient peu".

Registre 1930. Paroisse protestante de Saint-Brieuc.

On n'en sait malheureusement pas plus sur la manière dont Romain Mouton est venu au protestantisme et ce qu'il a pu y trouver...

Un article complet sur Romain Mouton est à retrouver sur un autre blog, en cliquant ici

Romain Mouton fait figure d'exception dans le monde forain beaucoup plus porté vers le catholicisme. Pour évoquer ce lien entre les familles de forains et l'église catholique, on peut localement prendre l'exemple des familles Watrin, Audroin, Figuier, toutes bien connues à Dinan, Saint-Brieuc, Paimpol et Guingamp où ils se déplaçaient chaque année pour les fêtes foraines. En juin, les enfants de ces familles effectuaient leur communion solennelle et leur confirmation à la chapelle de Nazareth à Saint-Brieuc où un prêtre était spécialement affecté à la mission auprès des industriels forains.

Confirmations juin 1961 Ouest-France


Les protestants évangéliques pentecôtistes du monde tzigane.

Dans le département des Côtes-du-Nord, la présence de Tziganes, se déplaçant au gré de leurs rassemblements, est bien réelle. Traditionnellement, les membres de cette communauté se sentaient catholiques, avec une grande ferveur autour du culte de Marie (Pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer). Les temps ont changé après les années 1950, où le mouvement évangélique tzigane n’a cessé de prendre de l’ampleur, enregistrant 100 000 fidèles au début du XXIe siècle en France. La Bretagne n'a pas échappé à cette vague. 

Précisons que le pentecôtisme tzigane est un courant du mouvement évangélique où l’on retrouve l'importance du charisme personnel du prédicateur.
Les miracles y ont aussi une grande importance : ils ponctuent les cultes, les rassemblements. Ils peuvent se produire dans les moments forts de la vie de personnes en souffrance physique ou psychique. Les pentecôtistes ne cherchent pas à rassembler des faits scientifiques pour tenter d’établir la démonstration de guérisons inexplicables (ou de morts revenus à la vie). Ils estiment que ce sont simplement des manifestations du divin. Il ne faut pas s'étonner que les témoignages des « miraculés » ou de leurs proches alimentent le récit évangélique tzigane. 

Clément Le Cossec et Mandz Duvil

A gauche Le Cossec et à droite Duvil.
 

L’artisan de la création du mouvement évangélique tzigane est Clément Le Cossec, un breton, fils d’un gardien de phare. Pourtant rien ne le prédestine à cette mission, il exerce d'abord comme pasteur des Assemblées de Dieu (ADD) mais il ne connait pas du tout ce milieu. Sa rencontre avec Mandz Duvil, un Tzigane, sera déterminante. Il raconte lui-même cette histoire dans un numéro spécial de la revue Lumière du monde, publié en 1955 :

Mandz Duvil en chemise à carreaux.

En 1946, Clément Le Cossec fait pour la première fois la connaissance de Tziganes vivant dans leurs caravanes sur un terrain vague, à la porte de Béthune à Lille. En 1950, il rencontre la famille Duvil qui vient depuis peu à des rencontres évangéliques à Lisieux car Jacques, un fils de Mme Duvil, a été guéri par un pasteur évangélique. Encore sous le coup de l'émotion, Mme Duvil envoie une lettre à son autre fils Jean, surnommé Mandz, qui se trouve en Bretagne. Le Cossec fait alors sa rencontre. Mandz se convertit, ainsi que toute sa famille et il est pris en charge par un couple d’évangéliques qui prend en charge son instruction biblique. Mandz parcourt la Normandie, commence à son tour à évangéliser des membres de sa famille et des amis de la tribu Manouche.

Jean Nédélec et Mandz Duvil avant le départ d'une tournée Paris-Normandie-Nord

Il revient à Brest où il y retrouve Le Cossec engagé dans une mission l'évangélisation de la Bretagne, qui tient des réunions dans la salle du Nouveau Théâtre de Brest. Mandz s'ouvre à Clément Le Cossec du fait que les tziganes ne peuvent pas communier car ils ne sont pas baptisés.  Aucun prêtre ou pasteur ne veut accomplir ce rite car beaucoup de Tziganes ne sont pas mariés devant la loi mais selon leurs coutumes ancestrales. Le Cossec va au tribunal de Brest pour résoudre le problème administratif et l’autorisation du mariage est donnée à Mandz. Le mariage est célébré à Lambézellec (un quartier au nord de Brest) et Mandz obtient un livret de famille, tout comme les familles sédentaires. Les premiers baptêmes officiels peuvent avoir lieu en 1953, dans la mer, sur la plage de Saint-Marc. Ces baptêmes entraînent un changement de comportement de la part de ceux qui les ont reçus.

Brest 1954. Mandz Duvil est à gauche et Jean Nédélec baptise une personne

Mandz Duvil impose les mains quand on lui demande d’agir sur des malades ou des mourants. Des témoins affirment qu’il guérit alors miraculeusement des personnes à Saint-Brieuc et à Guingamp.

Mandz et Pounette devant leur roulotte.

En 1954, Mandz est désigné comme responsable par Le Cossec et prend la tête d’une cohorte de dizaines de roulottes qui sillonnent la Bretagne. Les différents responsables vont dans d'autres régions pendant ce temps-là.
Une salle est construite à Saint-Malo en août 1954 et elle est inaugurée lors d’un grand rassemblement tzigane. Et en septembre, c’est à Brest que se tient un nouveau rassemblement avec 500 personnes, puis sur le Champ-de-Mars, à Rennes en novembre. Voilà les débuts de ce mouvement où la Bretagne est au premier plan.

Il faut aussi revenir sur le récit qu’a fait Pounette, l’épouse de Mandz, à Clément Le Cossec. C’est un moment de prise de conscience pour Le Cossec de ce que le peuple Tzigane a enduré pendant la Seconde guerre mondiale : le 6 avril 1940, un décret interdit la circulation des nomades sur le territoire français. Pounette est à Morlaix, à ce moment-là, avec sa famille et d'autres Tziganes. Ils sont tous emmenés à la gare de Landerneau et passent par Quimper pour être enfermés dans le camp de Coray, à quelques kilomètres. Le 2 décembre 1941, les 213 internés du camp de Coray, dans le Finistère, sont transférés en wagons à bestiaux à Montreuil-Bellay dans le Maine-et-Loir. Ce camp d'internement, surveillé par la police française, était le plus grand camp d'internement pour "nomades" (Tziganes, forains, commerçants ambulants, clochards...) parmi les trente-et-un mis en place entre 1940 et 1946, qui ont regroupé plus de 6 500 personnes en tout.

Image Jacques Sigot.

Fort de toutes ces rencontres, Clément Le Cossec va structurer le mouvement. Tout d'abord, en 1952, il opte pour la charge de pasteur des tziganes .

En 1954, il fonde la Mission évangélique tzigane Vie et Lumière, et il en devient le président. Comprenant le caractère particulier du monde tzigane, il exerce comme pasteur itinérant. Il saisit aussi l'importance de devenir formateur de prédicateurs au sein des communautés dont il partage la vie, poursuivant son travail d’évangélisation sous un petit chapiteau. Ses premières promotions de pasteurs se déplacent en roulotte. 

Clément Le Cossec interrogé le 15 septembre 1992 dans Ouest-France

Le protestantisme qu'il va développer est d’inspiration pentecôtiste. Les baptêmes se font à l’âge adulte, en toute conscience. 

© Copyright Guy Le Querrec/Magnum Photos.
 

Ci-dessus, vue sur un homme assis sur une bicyclette; photographiant quatre personnes, sans doute des Tziganes du rassemblement de Brignogan qui se baignent.  16 août 1973 ; Finistère. Notice complète du Musée de Bretagne ici

Dans son numéro du 1er juillet 1957, la revue Études tsiganes mentionne pour la première fois le courant évangélique tzigane à l'occasion du grand rassemblement de Pontcarré (4000 personnes). Le premier rassemblement avait été organisé en 1951 et en 1955 il s'était déroulé à Saint-Jacques-de-la-Lande près de Rennes. Le pasteur Le Cossec écrit dans Libération du 28 mai 1957 : "Depuis 1951, nous avons organisé quatre pèlerinages nationaux pour enseigner les Tsiganes dans la doctrine de l’Évangile et les arracher de l’idolâtrie des saintes de la Camargue." De son côté, le 8 juin 1957 l'hebdomadaire protestant Réforme, titre "Jésus chez les Tziganes" et, sous la plume du pasteur A. Conord, écrit : "La foi qui règne dans ces coeurs simples est émouvante. La vie de ces hommes a été changée de fond en comble".

Études Tziganes 1er juillet 1957

Depuis 1967, les futurs pasteurs suivent un enseignement biblique, durant deux années, dispensé par des pasteurs confirmés dans leur propre école biblique installée à Nevoy, près de Gien dans le Loiret.

Le mouvement tzigane pentecôtiste a trouvé rapidement des soutiens dans le monde protestant en Bretagne. On peut citer en particulier Jean Rainaud, pasteur réformé à Brest ; Caradoc Jones, pasteur baptiste à Paimpol ; Guillaume Le Quéré et toute la mission baptiste de Trémel, dans les Côtes-d’Armor où certains Tziganes apprirent à lire. 

Mandz devant la caravane avec une bible à la main
 

Ce mouvement tzigane a des attaches particulières avec la Bretagne où se tiennent, en été, de grands rassemblements. C'est à cette occasion que Julien et Émile Meyer ainsi que Raymond Colombar, des prédicateurs pentecôtistes, sont interrogés dans Ouest-France le 21 mars 1973. 

21 mars 1973 Ouest-France

Les pasteurs pentecôtistes. 21 mars 1973 Ouest-France


Ils évoquent leurs difficultés du moment mais aussi les débuts du mouvement pentecôtiste tzigane à Lisieux en 1950 puis les premiers baptêmes par immersion complète à Saint-Marc, près de Brest, en 1954. Vers 1959, le pasteur Le Cossec et Mandz Duvil achètent des tentes et commencent leur mission d'évangélisation à travers la Bretagne.

Les communautés pentecôtistes tziganes sont structurées en Bretagne au début des années 70 par la famille Mandz Duvil-Reinhardt.

Ci-dessous, des prédicateurs dans les années 70 : Pinar Reinhard, Mandz Duvil, Clément Le Cossec, Mimi Douaire, Tutur Lagrenée, Chéféla, Carlou Reinhard

Photo revue Vie et Lumière 1975

Le mouvement est très actif dans le Finistère où la presse locale rend régulièrement compte des baptêmes par immersion et des grands rassemblements tziganes. Une photo est même publiée en première page de Ouest-France le 16 juin 1982.

Le baptême des gitans en première page de Ouest-France le 16 juin 1982



De grands rassemblements, des chapiteaux et des salles de prières.

Le département des Côtes-du-Nord (puis Côtes d'Armor) est régulièrement concerné par le mouvement évangélique tzigane  au travers des grands rassemblements qui peuvent s'y dérouler. Il ne faut pas se le cacher, le dialogue entre sédentaires et nomades n'est pas toujours parfait, le respect des droits et devoirs des uns et des autres a encore une bonne marge de progression et la presse ne manque pas de journaliser ces conflits...

Mais les Tziganes ne sont pas seulement de passage. Localement, ce mouvement évangélique regroupe des personnes issues du monde tzigane qui exerçaient à l’origine les professions de ferrailleur, rempailleur de chaises ou vannier. Avec le temps, beaucoup se sont sédentarisées et travaillent, par exemple, dans le milieu du bâtiment. Ces communautés bien implantées ont construit des salles de prières qui ont maintenant toute leur place dans le paysage du patrimoine religieux. Elles accueillent de plus en plus de personnes qui ne sont pas du voyage car avec la sédentarisation, les populations se mélangent plus.

 

Plouézec, "centre historique" dans les Côtes-du-Nord

Dès les années 50, dans les Côtes-du-Nord, le mouvement Vie et Lumière s’organise à Plouézec, une commune proche de Paimpol. A Port Lazo, la famille Mandz Duvil-Reinhardt, possède un terrain sur lequel une première petite baraque en tôle sert pour le culte. Elle est remplacée par la suite par une construction en dur. On peut dire que c'est le centre "historique" des évangéliques tziganes dans le département.

Pounette et Mandz. Photo pasteur Eric Vie et Lumière.

Ploubazlanec, lieu de rassemblement.

Dans les années 80 à Ploubazlanec, proche de la pointe de l’Arcouest, des rassemblements tziganes se déroulent en été et au début de l’automne. Des familles y prennent aussi leurs quartiers d’hiver. 

Au début des années 2000, la presse locale fait état de tensions entre la mission évangélique et des commerçants de Bréhat et de l'Arcouest. Pourtant ce rassemblement d'une semaine en juin semblait être rentré dans les habitudes et un protocole avait été signé avec la mairie...

Environ 80 caravanes à l'Arcouest. 23 juin 2004 Ouest-France

Lannion, des missions et des rassemblements

Les Tziganes font souvent étape dans les Côtes-du-Nord dans le secteur de Lannion. Tout d'abord c'est pendant l'été 1978, à l’occasion d’une convention nationale à Ploudalmézeau (29) que des prédicateurs tziganes plantent leur tente à Lannion pendant quatre jours. Ils prient, témoignent et chantent, accompagnés de guitares. Ils ne sont pas en terre inconnue car le pasteur Harry Dassonnville vient aussi y prêcher quand il n'est pas sur Guingamp ou dans des villes du Trégor... 

31 juillet 1978 Ouest-France



6 décembre 1978 Ouest-France

Ballo. 6 décembre 1978 Ouest-France

En décembre 1978, Ouest-France prend le temps d'aller à la rencontre de Ballo, un prédicateur tzigane, installé sur le terrain des nomades de Lannion.

Ballo est un Gitan né en 1939 dans une famille catholique. Alors qu’il a un peu plus de 15 ans il entend dire qu’un gitan parle de Dieu en Bretagne. Il rejoint cette communauté et se convertit. Sa foi se fortifie avec la guérison de son père, une guérison qu’il attribue à Dieu. Devenu prédicateur, il parcourt la France dans sa roulotte avec sa famille, s’accompagnant de sa guitare pour chanter quand il n’exerce pas son métier de marchand ambulant. (D’après un article de Ouest-France du 6 décembre 1978)

Depuis les années 2000, à Lannion, des pasteurs tziganes prêchent régulièrement dans une salle qui se trouve sur le terrain des gens du voyage, route de Perros.

 

Perros-Guirec, lieu de rassemblement

Perros-Guirec a été un lieu de passage de rassemblements tziganes au début des années 2000. En 2002, tout se passe bien mais en 2004 les gens du voyage, en provenance de Plouzané dans le Finistère, abandonnent le site qui leur était attribué à Lannion le trouvant "impraticable" et s'installent sur le stade de rugby de Kerabram. Le maire, Yves Bonnot, porte plainte affirmant que le groupe est entré par effraction par un terrain privé. En attendant l'expulsion qu'il réclame, "un maître chien patrouille autour du terrain à la demande du maire". Les pasteurs Michelet et Debard, responsables des 500 personnes réunies sur ce terrain, font valoir l'inadaptation du terrain qui leur avait été proposé à Lannion et l'absence de solution de remplacement. (D'après Ouest-France du 20 juillet 2004)

Les deux pasteurs à gauche, le maire de Perros à droite. 20 juillet 2004 Ouest-France

Guingamp, une implantation dès les années 60

A Guingamp le mouvement Vie et Lumière s’est développé avec le pasteur Mandz Duvil qui a commencé à prêcher dans les années 60. Il louait une salle dans le local associatif à Pors-an-Quen.

Mandz Duvil travaille avec le pasteur Claude Broux de France Mission puis Harry Dassonnville et Nino Corsellis prennent le relais et fondent une église familiale. Ils achètent un terrain vers 1983.

Plus tard encore, un autre terrain est acheté et les fidèles se réunissent dans l'église évangélique à Guingamp au 16 Rue de la Chenayes. Les cultes se tiennent le dimanche à 10h. Les pasteurs responsables sont Rudy Lenestour (qui a fait ses études en 2003),  Luciano Lobry et Dany Corsellis.

Avec le développement d'Internet, les évangéliques tziganes ont su d'adapter aux moyens de communication propres à leur époque. Certains pasteurs, comme Rudy Lenestour, sont très présents sur Internet où l’on retrouve un grand nombre de ses prédications en vidéo. 

L'Eglise évangélique à Guingamp. Image Google street

Matignon

La présence d'une mission évangélique tzigane Vie et lumière est signalée à Matignon en juin 2003. Elle est conduite par les pasteurs Winterstein et Duvil et par Jean Roger, aumônier missionnaire.

Mission évangélique Matignon 17 juin 2003 Ouest-France


Ploufragan et Saint-Brieuc

Dans le secteur de Saint-Brieuc, le pasteur Aladin Blivet, organise des réunions pour les gens du voyage sur le terrain de Douvenant ouvert en 1976. Aladin Blivet est né en 1970 à Saint-Brieuc, il est allé à l'école Hoche dans le quartier de Robien à Saint-Brieuc et connaît donc bien ce secteur.

Aladin Blivet
 

A côté de Saint-Brieuc, à Ploufragan, le mouvement Vie et Lumière se fait connaître du grand public à partir des années 90 par de grands rassemblements organisés sur le terrain de l'ancien aérodrome de Plaine-Ville. Le premier rassemblement à être journalisé est celui de 1990 où une longue cohorte de 120 caravanes s'arrête pour une semaine au mois d'août.Trois prédicateurs de la Mission évangélique tzigane dirigent les opérations : Oscar Hallez, Thierry Michelet et Paul Toutain, accompagnés de trois diacres Jimmy et Paul Michelet ainsi qu'Émile L'Huissier. Les journées sont occupées par les tâches domestiques, les activités commerciales et les moments d'évangélisation et de prières.

Mission tzigane à Ploufragan. 13 juillet 1990 Ouest-France
 

En 1991, la Mission tzigane est de retour. 

21 juin 1991. Ouest-France

Pierre-Yves Gaudart, journaliste à Ouest-France, ne manque pas d’être étonné par ce qu’il découvre et restitue parfaitement l’ambiance qui règne alors à Ploufragan, où un millier de Tziganes sont réunis.
«
Au beau milieu de longues caravanes qui parsèment l’ancien terrain d’aviation, un chapiteau bleu et jaune qui ramasse toute la pluie. Un jazz à la Django Reinhardt s’échappe de la tente. Sous le plastique, plusieurs centaines de Tziganes se tassent pour écouter la messe. Une messe peu ordinaire. Les Tziganes se succèdent à la tribune de fortune (une caravane pliante) pour témoigner de leur foi. Les « Gloire à Dieu », « Merci Seigneur », ponctuent leurs propos ». Le journaliste interroge le pasteur Joseph Charpentier qui, malgré le racisme qu’il a pu subir, affirme que la vie des nomades « est la plus belle qui soit ». Mais très vite il se tait. « Violons et guitares reprennent après le témoignage d’une mère qui a ému l’assistance. Quelques jeunes viennent chanter des cantiques. A l’entrée du chapiteau, le service d’ordre est là pour veiller au bon déroulement… »

En juillet 2004, un nouveau rassemblement de Mission évangélique tzigane à la Ville-Bily à Ploufragan donne lieu à un article dans Ouest-France. Les pasteur Johnny Michelet (de Brest) et Guy Debard animent les cérémonies. Ils sont satisfaits de l’accueil qui a été bien préparé dans cette commune. La facture d’eau a été payée et aucune plainte n’a été déposée pour des troubles du voisinage.

Johnny Michelet. Photo 30 juillet 2004 Ouest-France

Ploufragan 30 juillet 2004 Ouest-France

A Ploufragan et dans le secteur de Saint-Brieuc, l’Église évangélique ne se contente pas d'organiser des rassemblements en plein air : elle organise sa pérennité.

En effet, en dehors des grands rassemblements, depuis les années 90, l’Église évangélique est installée à Ploufragan dans un bâtiment en dur, au 3 rue de la Grande-Métairie. Des cultes sont animés pendant un temps par le pasteur Friob. Mais la salle de prière est ensuite fermée, par manque de personnes disponibles pour l'animer. Mais des réunions se poursuivent dans les maisons.

Le pasteur Jo Friob et Michel Bellamy (étudiant) 22 juillet 1995 Ouest-France

En 1999, Steve Raoult entreprend sa formation de pasteur. Il faut attendre quelques années pour qu'en 2003, les membres se réunissent dans une nouvelle église au 45 Rue des Grands Chemins (localisation ici). Steve Raoult et Marc Boivin en seront les animateurs.

L'Eglise évangélique de Ploufragan. Image Google street

Saint-Brieuc

En 1982, Saint-Brieuc met à disposition un terrain pour les gens du voyage sur le site de Douvenant. L'espace est aménagé par les services techniques de la ville et on y trouve 46 emplacements délimités, de quoi recevoir 250 ou 300 personnes. Les enfants sont souvent scolarisés à Trégueux. Ce terrain convient pour les utilisateurs de l'époque qui y restent souvent deux ou trois mois pendant leur tour de Bretagne.

Terrain de Douvenant 8 avril 1982 Ouest-France

Terrain de Douvenant 8 avril 1982 Ouest-France

Le 12 mars 1985, un article de Ouest-France fait le point sur la manière dont les gens du voyage sont accueillis dans l'agglomération. Le pasteur Aladin Blivet "sent monter la colère" face au rejet des populations sédentaires lorsqu'il est question d'aménager un nouveau terrain : "Les gitans qui sont des citoyens français sont traités comme des étrangers et refoulés des lieux de stationnement "Interdits aux Nomades"".

12 mars 1985 Ouest-France

La ville de Saint-Brieuc s'est aussi parfois trouvée à accueillir la Mission évangélique tzigane. En juin 1998, les caravanes s'installent dans la vallée de Gouédic, d'après Ouest-France "
sans la moindre autorisation du maire de Saint-Brieuc". Mais le journal rappelle aussi que "Le schéma départemental signé en 1995 par le Conseil Général et la Préfecture prévoyait lors des grands rassemblements, comme l'actuelle mission évangélique, "la mobilisation ponctuelle de terrains assez vastes, suffisamment adaptés à la présence importante de voyageurs sur les pôles suivants : Guingamp, Lannion et Saint-Brieuc." Mais comme souvent en la matière, ce projet est resté lettre morte."

Mission tzigane à Saint-Brieuc 10 juin 1998 Ouest-France

Portrait : Steve Raoult

Steve Raoult 2 juillet 2007. En 4e de couverture de Ouest-France

Jean-Pierre Raoult est né dans une famille sédentaire mais, attiré par les gens du voyage, il part avec eux à l’âge de 17 ans et se marie avec une Tzigane. Quand il ne voyage pas, il exerce une activité de ramonage et possède une maison pour l’hiver dans les Côtes d'Armor. 

Steve Raoult, fils de Jean-Pierre Raoult, devient pasteur au début des années 2000. Dans un article du 2 juillet 2007, de Yann-Armel Huet pour Ouest-France, on comprend mieux son singulier parcours : « Steve Raoult n’a pas une histoire banale… Jeune il ne se destinait pas à être un homme d’église. A 18 ans, Steve est un délinquant qui braque des stations-services et des postes avec ses cousins… ». Il écope de 7 années de prison aux Assises pour mineurs. Et c’est derrière les barreaux qu’il a une révélation, en lisant la Bible pour un compagnon de cellule illettré. Il se rend compte de tout le mal qu’il a fait et choisit d'avouer d’autres délits dans une lettre de trois pages. Il étudie, s’entretient avec l’aumônier protestant des prisons et il est libéré au bout de 34 mois. Il rejoint alors l’école biblique de Gien dans le Loiret pour devenir pasteur.
Depuis, d’avril à septembre il est à la tête d’un groupe d’environ 150 familles voyageant dans toute la France, en itinérance. Il prêche sous un chapiteau, «
la plus belle église du monde, de l’herbe au sol et seulement une toile qui sépare du ciel ». Le reste de l'année, il dirige aussi une entreprise de bâtiment car il faut le rappeler, les pasteurs de la Mission Tzigane ne sont pas rémunérés par leur Église.

Son action de médiation est complémentaire de l’exercice de ses fonctions de pasteur. Il est l'interlocuteur des autorités dans le département pour défendre les intérêts des Tziganes.

Raoult père et fils. 8 novembre 2002 Ouest-France Paimpol


Généalogie Mandz Duvil-Reinhard
 

Il n'est pas courant de pouvoir établir une généalogie, même très incomplète, dans le monde tzigane car l'état civil fait souvent défaut. 
L'arrière-grand-père de Mandz est Louis Reinhard né vers 1851, artiste ambulant marié avec Augustine Weiss. Le couple a eu plusieurs enfants dont Juliette en 1877 (voir ci-dessous).
La grand-mère paternelle de Mandz est Juliette Reinhard, née le 11 décembre 1877 à Azay-le-Ferron dans l'Indre, rempailleuse de chaises, mariée le 19 août 1913 à Rennes avec Paul Windrestien (archives de Rennes vue 215), décédée à La Flêche (Sarthe) le 22 novembre 1947.
Le père de Mandz est Jean "Kalo" Reinhard, né le 7 mars 1904 à Saint-Berthevin (53) en Mayenne, décédé le 4 janvier 1998 à Verneuil-sur-Avre (27) dans l’Eure, à l'âge de 93 ans. Il exerçait comme vannier. Son surnom Kalo vient de "kalé" qui veut dire "noir" et désigne une famille de Roms à la peau foncée.
Saint-Berthevin. Acte de naissance 1904 Jean Reinhard Vue 216


La mère de Mandz est Jeanne Marie "Azi" Duvil, née le 31 décembre 1903 à Vendôme (41) dans le Loir-et-Cher, décédée le 21 juillet 1992 à Chalonnes-sur-Loire (49) dans le Maine-et-Loire, à l'âge de 88 ans. Elle exerçait comme musicienne ambulante.
Mme Duvil en 1975

Jean "Mandz" Duvil (1926-1985) est né en 1926. Il s'est marié avec Pounette après guerre. En avril 1985, alors qu'il présidait un culte et chantait un cantique, il a été victime d'une crise cardiaque. Il avait 59 ans.
Pour l'anecdote, dans la presse locale, on trouve une trace de Jean Duvil, de passage à Saint-Brieuc en 1946 : il est condamné à payer une amende pour défaut de carnet d'identité. (Ouest-France 12 janvier 1946)


Dans la fratrie de Mandz, on lui connaît Angélique Françoise "La Pie" Reinhard, mariée avec Charles "Zinou" Duvil ; Zino Duvil (fils guéri par un pasteur) ; Marcel Reinhard; Jacques Reinhard, marié avec Jeanne Duvil ; Adrienne Reinhard ; Noël Louis Reinhard.
 
L'histoire de Léonie Duvil-Reinhard (peut-être en parenté?), évadée d'un camp dans les années 40, est racontée dans l'article suivant. C'est un exemple des persécutions endurées par les Tziganes pendant la Seconde guerre mondiale. Cliquer ici

Pour accéder à la fiche établie sur la généalogie Duvil-Reinhard par Laurent Dallongeville-Gally sur le site Généanet, cliquer ici
 
 
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Un document de 1967

Le 4 août 1967, Ouest-France publie cette photo avec la légende suivante : "En route pour le pays qui n'existe plus". Cette jeune famille de Tziganes voyage en roulotte dans le secteur de Plouézec. Ce sont des vanniers manouches qui viennent d'Allemagne. "Une caresse à l'âne et Ringo, d'un coup d'épaule, aide la roulotte à démarrer..."

 

Sources 

Numéro spécial de la revue Lumière du monde, publié en 1955.

Ouest-France : 9 mars 1973, 21 mars 1973, 15 septembre 1992, 8 novembre 2002, 2 juillet 2007.

Article du journal Réforme : La Mission évangélique tzigane Vie et Lumière, cliquer ici

Article de Réforme "Les Tziganes français sont-ils majoritairement protestants ?", cliquer ici 

Etudes tsiganes, revue disponible sur le site Gallica, tous les numéros de 1955 à 1998 ici. Le numéro du 1er juillet 1957, à partir de la page 17 sur le rassemblement tzigane, ici

Entretien avec les pasteurs Rudy Lenestour et Steve Raoult en septembre 2023.

Église de Ploumagoar, à côté de Guingamp, localisation sur Google, cliquer ici 

A voir, témoignage du frère de Mandz Duvil, cliquer ici

A voir, une vidéo d'un témoin du Réveil tzigane (famille Duvil à Lisieux), cliquer ici 

Histoire de l'école biblique tzigane, vidéo en cliquant ici 

Vie et Lumière, présence protestante, vidéo, cliquer ici 

Témoignage sur la vie du pasteur Duvil par Juanito, vidéo, cliquer ici 

Sur la déportation des Tziganes, Bulletin de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. Juin 2007, à découvrir en ligne en cliquant ici 

Raymond Gurême. Interdit aux nomades. Editions Calmann-Lévy.

Un livre de Fabio Morin, Alfred Gichtenaere, 1916-1992, un homme de réveil, éditions Viens et vois, chez Dialogues. Alfred Gichtenaere est un évangélisateur à l'origine, en 1950, du Réveil spirituel des tziganes.


 
Gitans de l'Inde dans le Rajasthan. Photo R.Fortat 2011