dimanche 6 octobre 2024

Sur les traces du pasteur Yves Crespin à Saint-Brieuc. Circuit résistance et protestantisme.


Les traces du passé ne manquent pas à Saint-Brieuc.
Une ville c'est aussi l’œuvre du temps et de la mémoire...

Vous habitez Saint-Brieuc ou vous découvrez cette ville, partez à la découverte des endroits évoqués dans le livre Le pasteur Yves Crespin, un chrétien dans la Résistance...
Le livre Le jeu de patience de Louis Guilloux est également recommandé pour bien profiter de cette promenade historique et littéraire... Les extraits sont indiqués aux différents moments du parcours...
Attention, nous ferons parfois de petites incursions dans le passé !

Une grande partie de ce circuit a été proposée au public lors des Journées du Patrimoine le 19 septembre 2020.

Lien vers un article de Ouest-France, ici (pour les abonnés)

 Lien pour accéder à la carte inter-active ci-dessous
Vous pourrez agrandir et cliquer sur les balises bleues pour faire apparaitre les noms des lieux de ce circuit...


Plan de Saint-Brieuc avec les lieux importants liés au pasteur Yves Crespin.



Commençons cette promenade dans le centre-ville devant le collège Anatole Le Braz où le pasteur était aumônier au début des années 40 et où le Erling Hansen était médecin scolaire. 

Vous pouvez lire le passage du livre sur Yves Crespin avec "La lettre au Proviseur. 1942", page 44.

A cette époque, c'était le Lycée Anatole le Braz, un lycée pour les garçons. Un autre monument existe dans la cour intérieure du bâtiment pour rendre hommage aux lycéens, professeurs et aumônier qui ont été tués pendant les deux guerres, arrêtés, déportés ou fusillés...

Un livre édité par un collectif d'anciens élèves de Le Braz retrace ces heures sombres : De la nuit à l'aurore.
Adresse : 46 rue du 71e Régiment d'Infanterie.

Vue extérieure du collège Le Braz à St Brieuc


Cour intérieure du collège avec le monument commémoratif.

Cérémonie du 10 décembre 2019 avec des élèves d'aujourd'hui et d'hier.



Passez devant l'ancienne librairie Le pain des Rêves (titre d'un livre de Louis Guilloux), fermée en 2024.
13 Rue Saint-François

Vous êtes en haut de la rue Saint-Guillaume et vous pouvez lire le passage du Jeu de Patience de Louis Guilloux où le pasteur voit défiler une compagnie d'infanterie allemande, pages 131 et 132


Vous contournez l'église Saint-Guillaume et arrivez sur la Place Duguesclin qui a retrouvé sa physionomie des années 40 depuis les travaux de rénovation en 2019.

Prenez sur la gauche, vous apercevez de loin le Palais de Justice.

Allez jusqu'à l'entrée du Parc des promenades. Ce Palais de Justice est le lieu où s'est déroulé le procès du dénonciateur du pasteur Crespin qui sera condamné, après-guerre, par la Cour à la peine de mort (sanction non exécutée). Extrait du compte-rendu dans Ouest-France de ce procès :
"Ce grand bagnard à la voix douce, aux gestes mous, à la mâchoire garnie d'or, qui cache des yeux malheureux sous d'épais sourcils, veut tout minimiser. Le président Colas, d'un mot démasque la fourberie.
-Toute votre vie, tout le dossier prouvent que vous êtes intelligent et cruel."

Contournez le Palais de Justice sur la droite et sortez du Parc par le petit portillon. Sur votre gauche, vous vous dirigez vers le Monument aux Morts. Le nom du pasteur Crespin figure sur une colonne à gauche du Monument.


Poursuivez sur le trottoir pour entrer de nouveau dans le Parc et prenez l'allée qui contourne la piste de skate-board. Traversez le parc et engagez-vous dans la rue Lamennais.

Vous débouchez sur la Place St Michel, et dans le bas, vous avez un monument commémoratif sur la Résistance et la Déportation qui a été inauguré le 18 juin 1996.

Inauguration du monument, 19 juin 1996 Ouest-France

Ce monument a été réalisé par le Lycée professionnel Jean Monnet de Quintin sur un projet du Lycée Ernest Renan de Saint-Brieuc. Voilà ce qu'en disait le journal Le Télégramme dans son édition du 23 avril 2016 : "Ce monument, par sa configuration symbolique tout empreinte de futurisme épuré, a reçu un accueil des plus mitigés, voire dubitatifs à l'époque. Or, la sculpture, en raison de sa complexité apparente, mérite une attention toute particulière. Elle symbolise en effet les souffrances endurées par les hommes et femmes déportés sous le joug nazi : tortures, coups répétés et autres formes de sévices. Elles sont traduites par des blocs granitiques ciselés, désarticulés, aux profils déshumanisés, sous des teintes différentes. Dans un enchevêtrement d'où émerge la ferraille, synonyme d'enfermement aux barbelés électrifiés. Une urne déposée à la surface contient les cendres prélevées dans douze camps nazis dont les noms figurent lisiblement". On remarquera en particulier la mention des noms des camps de Buchenwald et Dora, les deux camps où le pasteur Crespin a été détenu.

Lire le témoignage de Joseph Blanchot évoquant Yves Crespin à Dora, page 97




Plus haut sur cette place, du côté droit, c'est la maison de son ami protestant et résistant, Erling Hansen (une plaque est posée rappelant son rôle dans la résistance). 
Lire l'extrait où le pasteur et "Vincent" viennent faire une émission de radio clandestine chez le docteur Hansen, pages 132, 133 dans Le jeu de patience.


Juste en face de la maison du docteur Hansen, une autre plaque sur la côté de l'église St Michel avec un rappel sur les premières réunions de la Résistance locale avec l'abbé Fleury et Jean Métairie. A ce sujet, il se pourrait bien que les réunions des résistants se soient tenues au-dessus de la sacristie dans le très vaste grenier, et non dans la sacristie comme il est écrit sur la plaque commémorative (voir ci-dessous).

Lire la biographie de l'abbé Fleury page 75

Voici la place St Michel telle qu'elle était auparavant.
Plaque commémorative, église St Michel.

Remontez la place et contournez l'église sur la gauche, vous apercevez l'entrée du cimetière St Michel où reposent notamment Erling Hansen et Louis Guilloux. Si vous avez le temps, petite visite guidée sur les thèmes du protestantisme à St Brieuc et de la Résistance.
Allée centrale du cimetière St Michel, face à l'entrée.

 

Vous arrivez face à l'année centrale et vous prenez sur la gauche.

Chapelle sur la gauche de l'entrée


L'allée où se trouve cette chapelle est l'allée numéro 1. Je vous propose de commencer à l'allée numéro 4 où la première tombe est celle de la famille La Veuve. 

Plan général des différents noms cités.
 
Georges Geffroy, lycéen de Le Braz, fusillé en 1944. Allée 4.


Au début de l'allée numéro 4, sur la gauche se trouve la tombe de Georges Geffroy, lycéen de Le Braz, fusillé en 1944.

Louis Guilloux, écrivain. Allée 4
 
Toujours au début de l'allée numéro 4, mais sur la droite se trouve la tombe de Louis Guilloux, écrivain et ami du pasteur Crespin.

Tombe de Lucien Camus, père d'Albert Camus
 
Allez jusqu'au bout de l'allée 4 et tournez à gauche dans la grande allée perpendiculaire. Vous apercevez le carré militaire avec sa colonne. Le long de l'allée des tombes en forme d'épées. Ne manquez pas celle de Lucien Camus, père d'Albert Camus, mort à l'hôpital militaire de St Brieuc pendant la guerre 14-18. Louis Guilloux viendra avec Albert Camus se recueillir sur cette tombe.


Monument du carré militaire

Juste devant la colonne commémorative, vous voyez une stèle sur la droite.

Stèle en hommage au soldat G. Sherlock


Pendant la guerre 14-18, le pasteur Théophile Roux va procéder à l'inhumation de nombreux soldats protestants, la plupart allemands, soignés dans les hôpitaux de St Brieuc. Le seul soldat protestant qui n'est pas allemand est George Sherlock, un soldat anglais, d'un régiment de fusiliers écossais, le Inniskillers Fusiliers Regiment, matricule 7319. Il était en traitement à l'hôpital auxiliaire N°201 de Mme Pitet, 4 Boulevard Laënnec et décède le 21 septembre 1914. Il est inhumé par le pasteur Roux le 23 septembre 1914 au cimetière St Michel à St Brieuc. (voir l'article consacré à 14-18)


Tombe du pasteur Émile Le Cozannet (1923-1986)

Vous ressortez du carré militaire et reprenez l'allée perpendiculaire, à trois rangées du mur de clôture du cimetière se trouve la tombe du pasteur Emile Le Cozannet et de son épouse Yvette. C'est la 10e tombe, sur le côté gauche, de la 10e rangée.

La famille d'Emile Le Cozannet était protestante à St Brieuc.
Émile participe activement à la vie de la communauté protestante de St Brieuc au moment où exerce le pasteur Crespin. Il aime aussi passer du temps le dimanche après midi autour d'une table  pour jouer aux échecs. Il se lie d'amitié avec les familles Hansen, Vivier et Crespin. C'est ainsi qu'il devient le parrain de Mireille Crespin, née en 1940. Plus tard il décide de devenir pasteur et exercera cette fonction à St Brieuc de 1977 à 1985.


Tombe familiale Hansen.

Pour trouver la tombe de la famille Hansen, et donc d'Erling Hansen, médecin et ami du pasteur Crespin, vous retournez le milieu du cimetière et la rangée est la deuxième avant l'allée centrale.
Remarquez la plaque des Résistants-déportés.


Stèle en mémoire de l'abbé Vallée, résistant, déporté.
 
La stèle de l'abbé Vallée, très actif pour les réfugiés espagnols, résistant et déporté, est facile à trouver en retournant jusqu'à l'entrée principale du cimetière. Vous prenez la première allée sur le droite et le tombeau se trouve au début de cette allée.
Revenez sur vos pas pour retrouver l'allée qui borde le mur du cimetière du côté sud. Dirigez-vous vers ces deux grands arbres, à gauche du plus penché vous trouvez la tombe de Roland Tostivint, fils de René et Yvonne Tostivint, une famille protestante de St Brieuc bien connue dans les années 60 à 80. Roland, élevé dans la foi protestante, deviendra une figure de St Brieuc pour ses céramiques et sa célèbre vielle (voir le portrait complet de la famille Tostivint en bas d'article sur Les Pasteurs et laïcs)



Roland Tostivint 1933-2008. Photo RF
 
Un peu plus bas, vous avez la famille Salaün et sur une plaque en marbre se trouve une citation d'Yves Salaün, lycéen de Le Braz, résistant fusillé en février 1944 au Mont Valérien.


Plan large pour retrouver le plaque d'Yves Salaün

Plus bas, le long du mur ouest du cimetière vous ne pouvez pas manquer la tombe d'Henri Avril, résistant, Président du Comité départemental de Libération puis Préfet des Côtes-du-Nord. Le neveu d'Henri Avril (Louis Jolivet) partagea la cellule du pasteur Crespin.


Tombe Henri Avril. Photo RF

La tombe de Mireille Chrisostome, une résistante fusillée le 14 juillet 1944, n'est pas très loin en remontant sur le côté droit.
 

Tombe de Mireille Chrisostome. Photo RF

A 5 minutes à pied, en sortant sur la droite du cimetière, vous passez devant l'école des Merles et un peu plus loin, vous trouvez la maison de l'écrivain Louis Guilloux, 13 rue Lavoisier. Peut-être y aura-t-il une exposition ou une visite du bureau à l'étage?
C'est une maison qui fait vivre la mémoire de cet écrivain.
Louis Guilloux y recevait souvent le pasteur et son épouse pour de longues discussions. C'est dans sa maison qu'il écouta le récit de Jeanine Crespin racontant son odyssée à Rennes, Paris puis Compiègne afin de retrouver son mari.
 Lire le passage du Jeu de Patience où Louis Guilloux rencontre Jeanine Crespin, page 251.


Bureau de Louis Guilloux que fait visiter l'association des amis de l'écrivain.


Extérieur de la maison Louis Guilloux


Retournez sur vos pas, contournez le cimetière St Michel et quelques centaines de mètres, rue Victor Hugo, vous arrivez au Temple réformé de St Brieuc avec la plaque sur Yves Crespin. 
Lire le passage sur l'inauguration de la première plaque commémorative dans "Le jeu de Patience" page 414.

 
Le temple rue Victor Hugo, photo des années 60. Le logement du pasteur est sous les toits
 

Si vous avez plus de temps....
Découvrez un autre secteur en descendant la rue de Gouédic. En bas de la rue, après avoir dépassé le garage, tournez dans la petite impasse à droite. Un panneau historique évoque le camp des réfugiés espagnols où venaient Louis Guilloux et le pasteur Crespin. 

"On a mis les réfugiés espagnols dans les ruines d'une usine... au fond d'une vallée, le long d'un ruisseau." Extrait du roman Le jeu de patience.



Reprenez la rue de Gouédic, vous ne pourrez pas manquer la prison avec une plaque commémorative. 



Sur le côté de la prison, vous avez la plaque de la rue du Pasteur Crespin. Celle que vous verrez est en moins bon état que celle-ci. Cette photo, c'est toute une histoire, elle a été prise par Jean-Claude Crespin, le fils du pasteur, il y a plusieurs dizaines d'années, en 1983...
Voici comment il raconte l'histoire : "Les 16 et 17 juillet 1983, je suis allé à Saint-Brieuc. J'ai filmé la rue Victor Hugo, la rue Pasteur Crespin... J'ai eu quelques ennuis d'ailleurs. Deux matons sont venus me demander ce que je faisais. J'ai expliqué que j'étais le fils d'un résistant de Saint-Brieuc et qu'une rue portait le nom de mon père. Ensuite, c'est une voiture de police avec son phare tournoyant : "Monsieur, nous avons reçu un coup de téléphone du directeur de la prison nous signalant qu'un individu prenait des photos de la prison..."
Tout est rentré dans l'ordre après le contrôle d'identité...   



Devant la prison, vous ne verrez pas autant de monde qu'en ce jour de mai 2019 où des élèves du collège Racine, accompagnés de leurs professeurs réalisaient un parcours audio sur la Résistance en s'appuyant sur les plaques de rues de St Brieuc.
Nous sommes à la fin de notre circuit pédestre sur les traces du pasteur Crespin à Saint-Brieuc...






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André Féat (1916-1945), pasteur de l’Église Baptiste de Morlaix, Résistant et déporté.

 

André Féat est un pasteur de l’Église baptiste de Morlaix qui était résistant. Il a été déporté au camp de Flossenbürg et il est mort à Dachau en 1945.
 
 
L’Église baptiste à Morlaix
A Morlaix, une communauté baptiste protestante existe depuis l'arrivée du premier pasteur, un missionnaire gallois, John Jenkins, en 1834.
Un premier temple est construit en 1846, au 32, rue de Paris. 
La langue galloise, proche du breton, qui permet de traduire la Bible, explique l'arrivée de missionnaires dans les campagnes bretonnes où la religion catholique domine. John Jenkins est le premier pasteur de Morlaix, de 1834 à 1872.
Le temple de Morlaix était le plus ancien lieu de culte de la Fédération des églises évangéliques baptistes de France. Ce premier temple a aujourd'hui disparu. Il a été remplacé, au même endroit, par l'actuel au 32 rue de Paris, inauguré en 1923 et construit entre 1922 et 1924.  
Même s'il n'y a jamais eu de grande communauté, celle-ci se composant seulement de quelques dizaines de membres, une présence baptiste s'est toujours maintenue.
Dans la vie locale, les baptistes sont présents au niveau social, notamment au début du XXe siècle où l'église s'occupe d'écoles et d'hospices. Elle est présente au Diben (à Plougasnou) mais aussi à Lannéanou, à Huelgoat ou encore à Trémel, dans les Côtes-d'Armor. 

Temple baptiste de Morlaix, 32 rue de Paris 2016. Image Google street

André Féat, pasteur assistant à Morlaix dans les années 40, fait partie d'une longue lignée de pasteurs. Beaucoup se sont succédé sans rester très longtemps à Morlaix, peut-être à l'exception d'Alfred Somerville (1925-1955), d'Henri Razzano (1975-1984), de José Loncke (1984-1996) et d'André Letzel (2002-2008). Il faut aussi noter l'apport de Robert Somerville, ancien pasteur et figure nationale du protestantisme national, qui a toujours été proche de l'église de Morlaix et attentif à son développement.
Enfin, l’Écossaise Alison Wyld est devenue officiellement la première pasteure de l'Eglise baptiste de Morlaix le 14 février 2021.
 
Le pasteur Gerson Tomaz et son épouse, Sonia (au centre), Le Télégramme. Morlaix 10 septembre 2016.



Une famille engagée politiquement
André Féat naît à Morlaix le 20 octobre 1916, dans un contexte compliqué car la maman, Marie Simon, est célibataire et n'a que seize ans. L'enfant, André Marie Simon, est reconnu par sa mère le 13 novembre 1916 et plus tard, par le père avec le mariage des époux Pierre Féat et Marie Simon le 20 janvier 1919 à Morlaix. Pierre est alors mobilisé au 19e Régiment d'Infanterie.
 
En 1936, la famille Féat, dont tous les membres sont originaires de Morlaix, habite Rampe Saint-Nicolas. On a Pierre, le père, né en 1898, menuisier dans la Compagnie d'ameublement de Morlaix ; Jeanne, mère au foyer, née en 1900 ; André, fils, né en 1916, typographe ; Pierre, fils, né en 1924 ; Marguerite, née en 1927 ; François, né en 1932.  
 

Famille Féat Morlaix recensement 1936, vue 10 sur 199. Archives du Finistère. Attention aux erreurs Marguerite n'est pas de 1927 mais de 1922.


Le 14 novembre 1938 à Morlaix, André Féat se marie avec Germaine Eve, employée de commerce (Annonce dans La Dépêche de Brest du 15 novembre 1938). Le couple habite alors 22 Place des Halles à Morlaix.
 
La famille n'a pas de racines protestantes mais les parents sont engagés politiquement.
Le père, ouvrier adhérent au Parti Communiste, est fait prisonnier en 1940 pour suspicion d’appartenance au Parti. Il est arrêté et emprisonné cinq mois à la prison de Rennes.  
Dans un entretien au Télégramme du 9 mars 2019, Marguerite, la fille Féat, évoque des souvenirs de cette époque et se souvient des voyages effectués par sa mère une fois par semaine pour effectuer des visites à la prison de Rennes. Pendant ce temps, Marguerite s’occupe de ses frères cadets, dont le petit dernier, Yvan, né le 16 mai 1938. « Un prénom à la russe, refusé par l’Église », explique-t-elle. Hippolyte et André sont inscrits sur son acte de baptême. André, comme son frère aîné, est alors élève pasteur.
 
 
Un pasteur dans la Résistance
Dans les années trente, André Féat adhère à la S.F.I.O, dans le groupe des jeunesses socialistes de Morlaix. En 1939, il devient le trésorier fédéral des Jeunesses Socialistes du Finistère. Lors des campagnes électorales, il épaule Tanguy-Prigent, un socialiste qui deviendra ministre de l’Agriculture du Général de Gaulle après guerre.
Parallèlement, André exerce comme pasteur assistant à Morlaix, il habite toujours au numéro 22 de la Place des Halles. Son engagement politique le conduit également à adhérer au Parti Socialiste clandestin.
Il participe à la Résistance au sein du mouvement Libération-Nord et du Réseau Henri Vincent de protection des juifs (d'après sa soeur il a recueilli des juifs pour les soustraire à la barbarie). Il est spécialement chargé de la diffusion de journaux clandestins dans la région de Morlaix.
 
En tant que pasteur, au Temple de Morlaix (situé en face la Kommandantur), il va marier  sa sœur Marguerite et Jean Hameury son beau-frère, recherché par les Allemands comme réfractaire au Service du Travail Obligatoire. 
Sa soeur raconte : « Mon frère Dédé nous a mariés au Temple, situé face à la Kommandantur, en pleine Occupation alors que Jean, mon fiancé, était recherché car réfractaire au S.T.O ». L’inconscience de la jeunesse ou l’envie de défier l’ennemi ? « Un peu des deux probablement », analyse la vieille dame, dont le regard se perd dans les tréfonds de sa mémoire.

 
Otage 
Le 26 décembre 1943, André Féat fait partie d'une liste de 60 otages arrêtés  à Morlaix après un attentat contre les Allemands dans la commune (son beau-frère, Georges Le Roy, mari de sa sœur Josée est également arrêté)
 
 
La déportation
André Féat passe par la prison de Rennes et par  le camp de Compiègne avant d'arriver à Buchenwald le 24 janvier 1944 (numéro de matricule  42 907).
Il est transféré au camp de concentration Flossenbürg, en Bavière, le 24 février 1944 ( numéro de matricule 6941). 
Le travail dans le camp de Flossenbürg tourne autour de deux grands axes : l’industrie d’armement, en particulier dans l’aéronautique avec des usines Messerschmitt (c'est dans ce kommando que décèdera son beau-frère), et les travaux usants dans les carrières de granit, le forage de tunnels et d’usines souterraines.
 
Le 26 janvier 1945, André Féat fait partie d'un convoi de 750 détenus transférés à Kamenz (kommando de Gross-Rosen) où ils arrivent le 28 janvier. Enfin, il est transféré à Dachau le 16 mars, dans un convoi de 200 détenus dans le cadre d’une évacuation du camp de Gross-Rosen.
Il meurt le 3 avril 1945 à Dachau en Allemagne, dans ce qu'on a appelé "la baraque des prêtres" où 2720 prêtres et pasteurs ont été déportés entre 1938 et 1945 : 1034 d'entre eux y laisseront la vie parmi lesquels André Féat.
 

 
La famille apprend la triste nouvelle des semaines plus tard par un courrier transmis à son épouse. Un simple avis de décès des Jeunesses socialistes l’annonce publiquement. 
Le pasteur Alfred Somerville (1899-1975) sera très affecté de la mort d'André Féat qui était en formation au moment de son arrestation. Il aurait pu seconder le pasteur Somerville dans de nombreuses taches. Joseph Plassard (1919-1944), un autre membre de la communauté protestante, a lui aussi été otage à Morlaix, déporté et n'est pas revenu des camps.
 
Le nom d'André Féat figure sur un monument commémoratif à Morlaix.
 

 
Le saviez-vous ?
Le pasteur Henri Whelpton, de l'Eglise méthodiste de Lannion est venu plusieurs fois au Temple baptiste de Morlaix pour y donner des conférences. La presse des années 20 et 30 en conserve deux traces. La première se situe le 19 novembre 1925 (annonce dans Ouest-Eclair).
Conférence du pasteur Whelpton. 19 novembre 1925

La deuxième conférence va se dérouler le 2 mars 1933, Henri Whelpton évoque une page de l'histoire d'Angleterre : "L'homme qui sauva son pays, le destin de John Wesley."
 

 

 
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Si vous avez des remarques ou des documents à apporter pour compléter cet article, merci d'utiliser le formulaire de contact.
 
Sources 
Etat civil de Morlaix, archives départementales du Finistère :
20 octobre 1916, registre des naissances, André Simon, reconnu et devenu André Féat ; 1919, mariage Pierre Féat et Jeanne Simon ; 14 mars 1922, naissance Marguerite Féat ; 1936, recensement Morlaix.
 
La Dépêche de Brest, 14 novembre 1938, annonce de mariage André Féat et Germaine Eve.
 
Documents des camps de Flossenbürg et Dachau (Base Arolsen, cliquer ici)
 
Article du Télégramme, dans l'édition du 26 avril 2019, consacré aux souvenirs de Marguerite Hameury, soeur du pasteur André Féat, cliquer ici
 
Article du Télégramme du 10 septembre 2016 sur l'histoire du Temple baptiste de Morlaix, cliquer ici
 
Fiche de l'association Flossenbürg, cliquer ici 
 
Article très complet sur les déportés de Morlaix dans les camps nazis Le chiffon rouge, P.C.F Morlaix, cliquer ici
 
150 ans de protestantisme dans la région de Morlaix, document de l'Eglise baptiste de Morlaix, cliquer ici 
 
Blog de l'histoire de l'Eglise protestante unie des côtes d'Armor, article sur Henri Whelpton, cliquer ici
 
 
 
Famille Féat  
(quelques recherches sont encore en cours)
 
Le père, Pierre Marie Féat, né le 7 juin 1898, rue de la gare à Morlaix, menuisier, médaille d'argent du travail (publication le 16 juillet 1957 dans Ouest-France), décédé le 11 novembre 1960 à Morlaix, retraité des tabacs, 10 rampe Saint-Nicolas (fiche Généanet ici).
La mère, Marie Féat, née Simon, née le 18 avril 1900 à Morlaix. Mariage le 20 janvier 1919 à Morlaix, décédée le 8 mars 1969 à Morlaix. 
Le couple Pierre et Marie Féat aura 5 enfants :
André, 20 octobre 1916, marié avec Germaine Eve, ouvrier typographe puis pasteur, décédé le 3 avril 1945. 
Marguerite, née le 14 mars 1922, mariée avec Jean Hameury le 18 septembre 1943 à Morlaix. Le couple aura un fils, Serge. Marguerite est décédée en juillet 2022. 
Pierre, né en 1924. 
François, né en 1932.
Hippolyte, André (appelé Yvan) né en 1938. 
 
Marguerite Féat fait aussi état dans un article du Télégramme de Josée qui serait sa soeur aînée, mariée avec Georges Le Roy (déporté). Georges Le Roy décède à 24 ans le 21 juillet 1944 dans le Kommando du camp de Flossenbürg.
 
Autre point à éclaircir : André Féat aurait été nommé pasteur à Ploufragan en 1944 (alors qu'il est arrêté en 1943!), une information à vérifier...
 
Marguerite Hameury, née Féat photographiée dans l'édition du 9 mars 2019 au sujet du droit de vote des femmes en 1945. A droite sa photo quand elle avait 20 ans.

 
 
 
Documents des camps. 
1944-1945
 

Fiche du pasteur André Féat à Flossenbürg. Source Arolsen     













 

 

 

 

 


 
 
 
 
Buchenwald. Fiche du pasteur André Féat à Buchenwald. Source Arolsen

 
Fiche du pasteur André Féat. Source Arolsen

Camp de Flossenburg. Fiche du pasteur André Féat à Flossenbürg. Source Arolsen

Fiche du pasteur André Féat. Source Arolsen

Camp de Dachau. Fiche du pasteur André Féat à Dachau. Source Arolsen

 
Fiche du pasteur André Féat à Flossenbürg, recto.

Fiche du pasteur André Féat à Flossenbürg, verso avec écriture manuscrite

 
André Féat, fiche à Flossenbürg, kommando Gross-Rosen 26 janvier 1945. Profession : Typographe

 
  
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